calmos

 

Genre : comédie surréaliste, inclassable (interdit aux - 16 ans)
Année : 1976
Durée : 1h47

Synopsis : Harassé par le spectacle quotidien de l'intimité de ses patientes, le gynécologue Paul Dufour abandonne son travail et son foyer pour se réfugier à la campagne en compagnie d'Albert, un compagnon d'infortune croisé en chemin. Les deux amis, poursuivis par les assiduités de leurs épouses, entraînent avec eux tous les hommes qu'ils rencontrent sur leur passage. Mais les femmes n'ont pas dit leur dernier mot. La guerre des sexes est déclarée ! 

La critique :

En 1974, et par le biais d'un seul film, Les Valseuses, Bertrand Blier devient le roi de la provoc made in France. Avec son trio de voyous rock'n'roll (Depardieu, Dewaere, Miou Miou) et ses situations décapantes, Les Valseuses attire des millions de spectateurs dans les salles et devient immédiatement le film culte du cinéma français des seventies. Du même réalisateur, on retiendra par la suite Préparez vos mouchoirs (oscar du meilleur film étranger en 1979), Trop Belle Pour Toi, ou encore l'excellent Tenue de Soirée. Mais qui se souvient de Calmos ?
Pas grand monde. Et pourtant, cette curiosité filmique est certainement l'oeuvre la plus décalée et la plus iconoclaste du metteur en scène. Il est temps aujourd'hui de remettre ce film oublié sur le devant de la scène. On ne peut pas dire que Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort sont des sex symbols ! Même en étant dans la période la plus vigoureuse de leur masculinité triomphante, les deux acolytes, superbes caricatures de beaufs franchouillards, faisaient pâle figure comparé aux Delon et autres Belmondo.

Pourtant, toujours à l'affût de scénarios farfelus et toujours prêts à prendre le spectateur à rebrousse-poil, Bertrand Blier se pointe et transforme nos deux célèbres moustachus en étalons irrésistibles dans une fable totalement surréaliste. Ce sera Calmos, l'un des plus gros ovni du cinéma français de ces 40 dernières années. A la distribution, hormis Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort, on retrouve Bernard Blier, Claude Piéplu, Gérard Jugnot et Dominique Lavanant.
Attention, SPOILERS ! Paul Dufour (J.P. Marielle) est à bout. Ce gynécologue quadragénaire pète les plombs. Assez de voir toutes ces femmes offertes à des mains expertes. Assez d'explorer leur intimité anatomique. Il en a marre ! Sur un coup de tête, il quitte son boulot et son foyer pour se réfugier à la campagne où, pense-t-il, les femmes le laisseront tranquille. Dans sa cavale effrénée, il rencontre Albert (Jean Rochefort), un gigolo de pacotille, lui aussi victime du sexe dit "faible".

 

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Arrivés dans leur petit village de Fiancey (comme par hasard), ils sont accueillis par un curé truculent et bon vivant. Ils décident de s'adonner à des plaisirs simples tels que la bonne chère, loin des assiduités féminines. Malheureusement pour eux, leurs épouses, sérieusement en chaleur, débarquent dans le petit patelin perdu afin de leur rappeler leur devoir conjugal. Après un bref retour à Paris, nos deux compères décident de riposter et recrutent sur les routes des centaines d'hommes persécutés par leur moitié et bien décidés à faire cesser le diktat du sexe obligatoire.
Mais les femmes n'ont pas dit leur dernier mot. Elles aussi recrutent, s'arment, se regroupent en bataillons, puis forment carrément une armée. Paul et Albert sont alors faits prisonniers. Les deux hommes seront drogués et gavés de produits anabolisants pour se retrouver dans un lit d'hôpital, avec un sexe démesuré, constamment en érection, afin de satisfaire des dizaines de femmes en rut qui feront la queue (c'est le cas de le dire) pour obtenir la faveur d'un coït de deux minutes chacune !

Il serait impensable de faire un film pareil de nos jours. Qui voudrait s'y risquer ? Le réalisateur qui aventurerait, se retrouverait aussitôt avec des femens, chiennes de garde, et toute une flopée d'associations féministes sur le dos. Blier, qui ne fait jamais dans la demi-mesure (surtout dans ses jeunes années), fait du Blier en nous proposant, avec Calmos, une fable d'une misogynie féroce et totalement assumée. Le réalisateur profite de cette euphorie des années 1970, où libération sexuelle allait de pair avec le mouvement de la libération de la femme, pour évidemment exagérer le trait à outrance.
Calmos, c'est une vision burlesque et décalée d'un monde dominé par les femmes et la recherche de leur plaisir, uniquement de leur plaisir. Bref, Blier nous présente les femmes comme des nymphomanes toutes plus assoiffées de sexe les unes que les autres. Les hommes, eux, sont dépeints comme de simples objets de consommation pour les bourgeoises en furie. Et le film va assez loin dans la provocation et la vulgarité.

 

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En fait, le film peut se diviser en deux parties distinctes. La première est clairement la meilleure : provocatrice, spirituelle et déjantée. Bertrand Blier fait étalage de son savoir-faire lorsqu'il s'agit de bousculer la morale et les conventions. Cette première partie est agrémentée de dialogues proprement hilarants : "Depuis ma communion, j'ai l'impression de toujours avoir ma braguette ouverte. Je pense mon temps à me vérifier !". Après un gros coup de mou de quelques minutes, le film reprend tout son mordant, mais sur des bases nettement plus graveleuses. Glissantes même, si j'ose dire.
L'oeuvre perd de sa poésie lunaire. Dialogues et situations deviennent beaucoup plus "hard". Heureusement, pour se rattraper, Blier nous offre une fin d'anthologie. Ainsi, nous aurons droit au spectacle d'un Marielle et d'un Rochefort aussi drogués et neuro-azimutés que Malcolm McDowell dans Orange Mécanique, en cobayes étalons et dotés d'un sexe à faire pâlir Rocco Sifredi, satisfaisant malgré eux des centaines de femmes en manque !

Tout ça n'est pas du meilleur goût, je vous le concède volontiers, mais ne perdons pas de vue que nous sommes en 1976 et donc, en pleine révolution sexuelle. La génération soixante-huitarde vient de connaître la pilule, le manifeste des 343 "salopes" (dont les célébrités comme Catherine Deneuve ou Jeanne Moreau) en faveur de l'avortement, le phénomène cinématographique Emmanuelle, et même la manifestation des prostituées pour les acquis sociaux. Avouez que pour une société jusqu'alors régie par les mâles dominants, ça faisait beaucoup en peu de temps.
Les femmes ont voulu leur émancipation ? Ok. De ce fait, Bertrand Blier met les pieds dans le plat et pousse le postulat jusqu'à l'absurde. Calmos sera donc un film profondément (sans jeu de mots) machiste et réactionnaire. Mais le réalisateur est trop intelligent pour traiter le sujet sérieusement. La guerre des sexes est déclarée ? Oui, mais pour rire... Oeuvre à part dans la filmographie du cinéaste, Calmos demeure un témoignant d'une époque révolue, où le cinéma français pouvait se permettre des choses inconcevables de nos jours. Pour cela, et même s'il est loin d'être le meilleur film du cinéaste, cet ovni burlesque et outrancier vraiment que l'on s'y intéresse. Cinéma Choc n'est pas vraiment un blog où vous trouverez des comédies à tous les coins d'article. Raison de plus pour profiter de celle-ci.

Note : 14/20

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