Genre : épouvante, horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 1995
Durée : 1h43
Synopsis : L'Espagne est sur le point de fêter Noël. Un prêtre théologien découvre avec effarement que l'Antéchrist verra le jour avant l'aube.
La critique :
Alex de la Iglesia est un réalisateur, producteur et scénariste espagnol, repéré par Pedro Almodovar dès le début des années 1990. C'est même ce dernier qui finance son premier long-métrage, Action Mutante (1992). Déjà, avec ce tout premier film, Alex de la Iglesia impose sa marque de fabrique, un cinéma à la fois condescendant, hétéroclite et plutôt affable en termes de séquences sanguinolentes.
Une réputation qu'il confirmera par la suite avec Mort de Rire (1999), Mes chers voisins (2000), 800 balles (2002), Le crime farpait (2004), Crimes à Oxford (2008) ou encore Balada Triste de Trompeta (2010). Vient également s'ajouter Le Jour de la Bête, réalisé en 1995, et qui constitue le second long-métrage du cinéaste.
Certes, le film n'obtient qu'un succès d'estime, même au sein de ses frontières ibériques. Toutefois, Le Jour de la Bête se démarque dans plusieurs festivals et remporte une multitude de récompenses, entre autres, le grand prix du jury au Fantastic'Arts, ainsi que le prix Goya des meilleurs effets spéciaux. La distribution du film réunit Alex Angulo, Armando De Razza, Santiago Segura, Terele Pavez et Natalie Sesena. Attention, SPOILERS ! (1) Le prêtre Ángel Beriartúa a décodé l'Apocalypse de Jean et est parvenu à déterminer le jour de la naissance de l'Antéchrist.
Selon ce message, l'Antéchrist naîtra le 25 décembre 1995 à Madrid, où débute une vague de vandalisme et de criminalité. En revanche, il ignore tout du lieu où il viendra au monde.
Convaincu qu'il faut arrêter cette naissance satanique, le prêtre se joint à un fan de death metal, José Maria, pour essayer, par tous les moyens, de trouver où l'événement aura lieu. Il va donc tout mettre en œuvre pour le découvrir, en cherchant à s'attirer les faveurs du Diable. Dans un Madrid survolté, il s’efforce d'obtenir la collaboration du "professeur Cavan", un charlatan vedette d'une émission de télévision. (1) Certes, par certains aspects, le scénario de Le Jour de la Bête n'est pas sans rappeler certains grands classiques de l'épouvante, notamment L'Exorciste (William Friedkin, 1973), La Malédiction (Richard Donner, 1976) et Rosemary's Baby (Roman Polanski, 1968) dans une moindre mesure.
Depuis plusieurs décennies, de nombreux films ont tenté de s'approprier la thèse de l'Apocalypse sous l'égide de l'Antéchrist, mais sans jamais parvenir à renouveler un genre plutôt anomique.
C'est justement la grande force de Le Jour de la Bête. Narquois, Alex de la Iglesia s'inspire de plusieurs grands classiques horrifiques, tout en y apportant une note humoristique. D'où l'impression d'assister à un long-métrage décalé, licencieux et égrillard mais qui n'oublie jamais son sujet principal, à savoir l'avènement (encore une fois...) de l'Antéchrist. Ainsi, la première partie du long-métrage s'apparente à une comédie satirique et à une critique au vitriol de la société ibérique.
En outre, la capitale espagnole et ses habitants en prennent pour leur grade. Certes, la foi religieuse (en particulier catholique) est encore très prégnante, mais Alex Iglesia bouleverse et fustige les préceptes établis. Il suffit de prendre le scénario du film pour s'en rendre compte.
Ainsi, le synopsis se focalise sur la quête d'un curé, Ángel Beriartúa, pour stopper la naissance de l'Antéchrist. Pour y parvenir, il doit s'approcher de ses fidèles et céder à son tour à la tentation du péché. La première demi-heure du film se résume à une série de facéties, de déprédations et de gaudrioles assénées par un prêtre complètement hystérique ! Le héros se transmute lui-même en suppôt satanique. Une façon comme une autre de flagorner l'Antéchrist...
Pour cela, il doit supporter les railleries mais aussi le soutien indéfectible de José Maria, un fan de death metal. Puis, après toute une série de rebondissements incongrus, le long-métrage devient de plus en plus oppressant et comminatoire. Pourtant, tout commence de façon un peu futile.
A cours d'idées, Angel Beriartua décide de se rendre au domicile du Professeur Cavan, une sorte de gourou doué de (pseudos) talents d'exorciste et de médiumnité. Séquestré, le charlatan assiste ébaubi à un rituel satanique. Contre toute attente, la séance préfigure bel et bien l'apogée de l'Antéchrist. Le compte à rebours a sonné. Ángel Beriartúa et ses acolytes n'ont plus que quelques heures pour stopper l'Antéchrist et ses prosélytes. Malgré ses allures de comédie horrifique, Le Jour de la Bête n'en reste pas moins un film riche, passionnant et complexe.
A l'instar de L'Exorciste, lui aussi vitupère une société en déliquescence. Finalement, personne ne semble se soucier de l'arrivée de l'Antéchrist, sauf un curé complètement azimuté ! Le Jour de la Bête analyse également ce délitement de la cellule familiale. José Maria est un métalleux tancé par sa marâtre et flanqué d'un paternel au teint livide et apathique. Au cours de son périple dans la capitale madrilène, le père Ángel Beriartúa sera sans cesse confronté à la populace, à la plèbe et aux opprimés.
Le Jour de la Bête, c'est aussi cette curieuse allégorie sur les propres maux de notre société moderne et consumériste. Des maux dans lesquels vient s'immiscer le rejeton méphistophélique ! Seul petit bémol, le long-métrage souffre parfois de son budget famélique. Mutin, Alex Iglesia élude prestement les apparitions de la "bête" démoniaque, préférant la carte du suspense et de la suggestion.
Mais ne soyons pas trop sévères, on tient là un bon, voire même un excellent film d'épouvante.
Note : 16/20