l'invasion des profanateurs de sépultures

Genre : horreur, épouvante, fantastique, science-fiction
Année : 1956
Durée : 1h20

Synopsis : Des habitants d'une petite ville des Etats-Unis sont victimes d'une étrange psychose et prétendent que des membres de leur famille ou leurs amis ont été dépossédés de leur identité.

La critique :

Certes, on connaît surtout Don Siegel pour ses accointances avec les registres du polar et du western, comme l'attestent les sorties d'Un Shérif à New York (1968), Sierra Torride (1970), Les Proies (1971) et surtout L'inspecteur Harry (1971). Peu à peu, le cinéaste devient le mentor de Clint Eastwood qu'il dirige à plusieurs reprises et aguerrit devant et derrière la caméra.
En vérité, la carrière de Don Siegel débute dès les années 1945 avec deux courts-métrages, Star in the Night et Hitler Lives. Le réalisateur se focalise essentiellement sur les films noirs et les tragédies humaines. En outre, L'Invasion des Profanateurs de Sépultures, sorti en 1956, reste son seul film d'épouvante et de science-fiction. A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un roman, Graines d'épouvantes, de Jack Finney.

En l'occurrence, L'Invasion des Profanateurs de Sépultures va rapidement s'imposer comme le nouveau parangon d'un cinéma horrifique obnubilé par la Guerre Froide et les prémisses d'une société hédoniste et consumériste. De surcroît, le film va inspirer plusieurs générations de cinéastes, ainsi que plusieurs remakes, notamment L'invasion des profanateurs (Philip Kaufman, 1978), Body Snatchers (Abel Ferrara, 1993) et Invasion (Olivier Hirschbiegel, 2007).
Pour le titre français du film, il n'entretient aucun rapport avec l'intitulé original, soit Invasion of the Body Snatchers. Cette aberration est surtout le résultat d'une confusion avec un autre film, intitulé Le Récupérateur de Cadavres (Robert Wise, 1945), dont le titre original est The Body Snatcher.

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Ensuite, le long-métrage se transmute en El Profanador de las Tumbas lors de sa sortie en Amérique du Sud. Bref, autant d'anecdotes qui expliquent cet amalgame. En outre, Don Siegel s'estimera leurré par les producteurs du film. En effet, ces derniers modifient le prologue et la conclusion du long-métrage sans avertir le cinéaste. Et pourtant, c'est bien à eux que le scénario semble s'adresser, mais pas seulement.
Thématique sur laquelle nous reviendrons ultérieurement.
La distribution d'Invasion of the Body Snatchers réunit Kevin McCarthy, Dana Wynter, Larry Gates, King Donovan, Carolyn Jones, Jean Willes, Ralph Dumke, Virginia Christine et Tom Fadden. Attention, SPOILERS ! (1) Le docteur Miles Bennel raconte, à l’hôpital, les évènements qu’il vient de vivre à Santa Mira.

Le petit Jimmy ne reconnaît plus sa mère, la jeune Wilma pense que le corps de son oncle est habité par un étranger, des cosses prennent les corps des habitants pour les recopier et prendre leur apparence… Tous ces événements transforment la petite ville en colonie extraterrestre et l’invasion risque de se propager. (1) A travers L'Invasion des Profanateurs de Sépultures, Don Siegel rompt avec la logique et la dialectique pérorées par Robert Wise dans Le Jour où la Terre S'Arrêta (1951).
Premier constat, contrairement au chef d'oeuvre science-fictionnel de Robert Wise, Invasion of the Body Snatchers doit composer avec un budget famélique. Ici point de soucoupe volante dévastatrice ni de robot ravageur qui menacent la populace et l'humanité toute entière. En l'occurrence, Don Siegel narre une invasion insidieuse et inexpugnable.

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Certes, le long-métrage peut se voir comme une nouvelle allégorie de la Guerre Froide avec ces envahisseurs qui pourraient s'apparenter à de vils communistes éradiquant une petite ville des Etats-Unis. Pourtant, Don Siegel ne signe pas une métaphore antisoviétique. Bien au contraire. Les ambitions du cinéaste sont tout autres. En vérité, Don Siegel souhaite réaliser une critique au vitriol d'une société américaine en plein marasme et déjà sous le joug du Maccarthysme, qui tend à confiner la population dans le mutisme et l'individualisme. Et c'est justement cette même indifférenciation que Don Siegel fustige et admoneste dans cette pellicule en noir et blanc.
D'ailleurs, ce n'est pas un hasard. L'Invasion des Profanateurs de Sépultures sera victime de la censure.

Ignares, les producteurs modifient plusieurs séquences du film, notamment la conclusion finale. A la base, le long-métrage devait se terminer sur une petite phrase laconique glosée par un médecin (le héros du film) devenu paranoïaque : "You are the Next !" ("Vous êtes les suivants !" en français). Déjà à l'époque, Don Siegel pointait et vilipendait un cinéma hollywoodien sous l'égide d'une oligarchie.
Car L'invasion des Profanateurs de Sépultures, c'est aussi ce sentiment d'oppression permanent. Certes, la plupart des séquences se déroulent dans la ville ou en extérieur. Pourtant, à chaque instant, le docteur Miles Bennel et sa fiancée se sentent confinées et claustrées par une menace indicible, celle qui a transformé les habitants de Santa Monica en de vulgaires cacochymes.
Pis, de mystérieuses plantes d'origine extraterrestre se seraient emparées de leur corps pendant leur sommeil, les dupliquant à la perfection, à l'exception de leurs émotions et de leurs sentiments. 
De surcroît, ces aliens profanateurs de corps sont comparés à des voleurs d'âmes, comme si la société était menacée de dépersonnalisation, une tare schizophrénique voire hébéphrénique.
Bref, malgré ses soixante bougies au compteur, Invasion of Body Snatchers reste plus que jamais d'actualité. A juste titre, certains détracteurs pourront pester et tonner contre une conclusion finale légèrement décevante, au grand dam de Don Siegel.

Note : 16/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://www.dvdclassik.com/critique/l-invasion-des-profanateurs-de-sepulture-siegel