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Genre : Horreur, gore, trash (interdit aux - 16 ans)

Année : 2009

Durée : 1h20

 

Synopsis :

Un homme, fou de chagrin après la mort de sa femme, ne pense qu’à la ressusciter. Un barman s’imagine être victime d’une machination de sa maîtresse pour le tuer. Un autre homme ne pense qu’à retrouver son frère dans l’au-delà. Autant d’histoires qui mèneront ces personnages à invoquer les ténèbres en se gravant une planche de Ouija à même la peau. Mais les règles de l’enfer sont bien entendu à multiples tranchants.

 

La critique :

Retour pour une nouvelle plongée dans le monde mal aimé du cinéma horrifique avec en cerise sur le gâteau du trash. En gros, tout ce qu'il faut pour qu'un long-métrage de ce genre soit répudié et craché dessus par une presse étroite d'esprit. Si, sans surprises, on retrouve un amoncellement de daubes sans intérêt, on pourra de temps à autre retrouver 2-3 bons films un minimum travaillés mais même là, la presse ne sera que peu encourageante et craintive de cette démocratisation "abusive" de la violence. Une des principales influences chez les cinéastes n'est autre que la saga Hellraiser, née de l'imagination délirante de Clive Barker, principalement reconnu pour cette série alors qu'il aura également exercé dans le monde du jeu vidéo avec l'oeuvre moyenne Jericho.
En l'état, Necromentia, réalisé par Pearry Reginald Teo, peut également se rajouter aux films influencés par l'univers de Barker.

Nanti d'un budget plutôt serré dont je n'ai pas eu connaissance de la taille de la liasse de billets, le film n'a, bien évidemment, pas bénéficié d'une sortie en salles et s'est vu sortir en direct-to-dvd, ce qui n'est pas rassurant quand l'on voit que, à la grosse louche, 90% des films de ce genre sont recalés dans la case des navets. Bien qu'il y ait des exceptions, à l'image de The Collector et de sa suite The Collection, on pourra désormais rajouter cette petite oeuvre réalisée en 2009 dans le cercle extrêmement VIP des bons films direct-to-dvd. Ce film, non content de s'inspirer de Hellraiser, va tâter un terrain davantage glissant n'étant autre que le torture porn avec cette fois-ci, à la grosse louche, 95% des films qui seront des navets. Le réalisateur est donc conscient de la tâche et des enjeux auxquels il s'attaque.
Réaliser un bon film de ce genre n'est pas chose aisée en plus de ne recevoir aucun encouragement de la presse traditionnaliste. Fort heureusement, le pari sera plus que correctement réussi.

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ATTENTION SPOILERS : Le film se divise en 3 segments que l'on pourrait croire sans rapport au début mais tous étroitement liés. Le premier segment voit Hagen, un coiffeur fou de chagrin, conserver le corps de son épouse en pratiquant sur elle des actes de nécrophilie tout en espérant la ramener à la vie. Le deuxième segment se base sur Morbius, un barman muet, victime d'une machination de sa maîtresse pour le tuer. Le troisième et dernier segment fait la connaissance de Travis, criblé de dettes et en plein décrochage de l'héroïne, devant s'occuper de son frère handicapé et aux tendances suicidaires quand il est chez lui et dont le métier est maître SM. Pourtant, un tragique incident fait que celui-ci ne pensera qu'à retrouver son frère dans l'au-delà. Autant d'histoires qui inviteront ces personnages à invoquer les ténèbres en se gravant une planche de Ouija à même le corps, mais les règles de l'enfer sont bien évidemment à multiples tranchants.

Voilà pour les hostilités avec ce synopsis peu ragoûtant annonçant déjà la couleur de cette oeuvre, à savoir un long-métrage poisseux et à l'ambiance putride, malsaine et austère. A partir de l'introduction, Reginald Teo vous happe entre ses bras pour vous lâcher dans son film et ne vous récupérer qu'au générique de fin. Autant dire tout de suite que nous ne sommes pas face à une oeuvre sans fond et sans forme car Necromentia traite de questionnements existentiels inscrits en chacun de nous et dans le fondement même de l'humanité qui est, entre autres, ce double paradoxe de la fascination et de la peur de la mort. Un thème retrouvé et traité intelligemment dans tout film nécrophile qui se respecte à la différence que l'on échappera avec bonheur aux scènes d'"amour" et autres démonstrations physiques de cette déviance qui seront suggérées. Le réalisateur met en scène un personnage paumé du nom de Hagen obsédé par le fait de ressusciter sa compagne tuée quelques temps auparavant et qui n'aura de cesse de se questionner sur la finalité de notre vie face au cadavre putrescent de son épouse.

De manière indirecte, Necromentia traite de manière correcte de la finalité de chaque homme et femme dont le point commun se révèle être le fait de retourner six pieds sous terre pour ensuite disparaître décomposé. Autant dire que rabaisser le film à un vulgaire torture porn est d'une stupidité abyssale car l'on retrouvera aussi un autre thème inhérent à l'humanité, à savoir le rapport de l'homme à la chair et sa faculté innée à s'auto-infliger des blessures pour se purifier d'un péché commis.
Un clin d'oeil qui sera surtout adressé à l'église catholique aux temps de l'Inquisition. Ces deux thèmes essentiels seront centraux au thème principal de la mort qui n'aura de cesse que de planer tout au long du film et qui parvient vraiment à créer une ambiance bien particulière.

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Mais Hellraiser n'est pas l'une des sources majeures d'influence de Necromentia car une autre saga très connue a aussi fait le fruit d'inspirations diverses à savoir la série Saw où il est question, comme dit plus haut, du rapport de l'homme à la chair et de règles à respecter. On pourrait, dans un long-métrage de ce genre, se dire que Necromentia n'est qu'un énorme bouillon de culture sans originalité et pourtant, force est de constater que l'oeuvre possède son propre style et parvient à se démarquer remarquablement de la concurrence, avec son lot de monstres tous plus étranges et impressionnants que les autres ; où un grand soin a été apporté aux maquillages et aux effets spéciaux.
Les personnages humains ont eu aussi subi un minimum de travail. Ici, nous ne sommes pas face à Mr et Mme Tout le Monde mais face à des paumés, des refoulés du système évoluant dans la crasse et la décrépitude et dont seule une mort certaine pourra les délivrer de leur condition.

Difficile de ne pas y voir une allusion à la fatalité de la vie. En ce sens, Necromentia est une oeuvre d'un pessimisme fort marqué concernant la condition humaine vouée à la destruction dans sa finalité. Cette sensation de refoulement peut se voir facilement tout au long de l'histoire où ces personnages évoluent dans la solitude, tantôt seuls à se parler à eux-mêmes et tantôt à deux voire plus mais assez rare pour être souligné. Exception faite pour le café vers la fin du film et les décors très succincts des ghettos où l'on peut vaguement situer l'action.
Aucune mention de ville ou de pays ne sera au rendez-vous pas plus que le sentiment de foule. Une brillante mise en image de personnages condamnés à être rejetés par la société.

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L'esthétisme du film tient, lui aussi, une place prépondérante vu qu'un grand soin y sera aussi apporté. Empreint d'une esthétique gothique avec ces relents perpétuels de couleurs brune, jaune et orangée rappelant étrangement les flammes de l'enfer, Necromentia crée aussi son propre style au point que nous sommes bien forcés d'admettre que Reginald Teo n'est pas un manche et s'est vraiment décarcassé pour mettre à la vie un film bien différent des débilités racoleuses sortant par caisses.
Il n'y aura pas non plus de tromperie sur la marchandise car le film délivre bien la marchandise avec ses scènes de nécrophilie ou encore de sadomasochisme et peut se parer de séquences gores marquantes, à l'image de la pendaison du frère handicapé avec les intestins de son surveillant, le tout assisté par un curieux cochon psychopathe adepte du chant du suicide.

Vous l'aurez compris, les âmes sensibles seront gré d'aller faire un petit tour car le film n'est pas avare en projections de sang et en violence d'où son interdiction, pleinement justifiée, aux moins de 16 ans. Parlons aussi de la bande sonore aux tonalités mortuaires et toujours très bien intégrées à l'ambiance poisseuse et dérangeante du récit. Un détail non négligeable apportant davantage de la consistance au film. Bien sûr, tout n'est pas rose et Necromentia a aussi ses défauts avec, pour commencer, une prestation en dent de scie des personnages qui ne nous inspirent pas suffisamment de sympathie pour que l'on s'attache vraiment à eux. Inutile de mentionner ces personnages inconnus, à savoir Layton Matthews, Chad Grimes, Santiago Craig ou encore Zelieann Rivera.
Le manque de budget se fait furieusement ressentir par moment où les ténèbres se résument à un simple couloir parsemé de tuyaux de canalisation.

Parlons aussi de la narration toujours très juste avec ces trois histoires partageant de nombreux liens étroits entre elles qui seront révélés au fur et à mesure de l'avancée du scénario. La construction scénaristique fait que nous commençons par la fin et que nous finissons par là où tout a commencé, ce qui crée une intrigue labyrinthique dans l'ensemble mais tout à fait compréhensible même sans une concentration accrue. En conclusion, on peut décemment dire que nous nous retrouvons face ici à un petit bijou du direct-to-dvd, n'évoluant jamais dans le trash racoleur et se permettant d'apporter une consistance non négligeable grâce à moult sujets traités, entre autres, l'homme face à la mort, le rapport de l'homme à la chair, le sacrifice de soi et la fatalité. On aurait pu espérer un peu plus de profondeur mais ce sont des points importants qui font pas mal grimper la côte finale.
Aucune sympathie ne se dégage du film tant des humains que des démons et pourtant, à la fin, nous serons surpris de voir que nous avons été charmés tout au long par un film gore travaillé et intelligent, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Si la maladresse est parfois visible à l'écran, on aurait tort de descendre gratuitement ce film qui peut, à juste titre, être considéré comme l'une des plus belles surprises du cinéma gore et trash de ces dernières années.

 

Note : 14/20

 

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