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Genre : Horreur, gore, trash, expérimental (interdit aux - 18 ans)

Année : 1999

Durée : 1h20

 

Synopsis :

Lorsque l'hémisphère droit du cerveau prend le dessus sur la gauche, les individus éprouvent des désirs de sang et de sexe. Premier segment : un homme éprouve des désirs incestueux envers sa soeur enceinte et tue le nouveau-né à sa naissance. Deuxième segment : des personnes nues font une orgie sanglante avec la terre. Troisième segment : Un cadre dynamique se masturbe devant des vidéos pornos et des extra-terrestres lui font une piqûre au cerveau pour détruire son hémisphère droit. Quatrième segment : Jésus-Christ se fait violer et dévorer par des vampiresses nues.

 

La critique :

Pour ma 50ème chronique, j'ai décidé de frapper très fort pour fêter cet évènement en chroniquant un film de catégorie 3, une première depuis mon arrivée sur ce blog. C'est avec une pointe d'appréhension et de scepticisme, par crainte de me retrouver face à un film vulgaire et sans fond, que je me suis lancé dans l'expérience. Le film choisi fut, comme vous avez pu le voir, cette oeuvre au doux nom, à savoir Subconscious Cruelty, dont le titre met déjà le spectateur en garde et lui dit qu'il ne se retrouvera pas face à un film d'amour. Ce long-métrage parfumé de scandale vit le jour en 1999 de la main de Karim Hussain nous ayant déjà gratifié d'Ascension en 2002, ainsi que de La Belle et la Bête en 2006. Par ailleurs, on le retrouvera en directeur de la photographie sur Hobo With a Shotgun, Territoires et Antiviral, ainsi qu'en tant que coscénariste du film Abandonnée de son ami Nacho Cerda.
Pour autant, le film chroniqué aujourd'hui restera le plus célèbre quand on pense à ce réalisateur. Comme je l'ai dit avant, ce long-métrage d'une durée démocratique de 80 minutes a derrière lui une forte réputation de scandale, avec pour commencer une partie du film confisquée par les douanes canadiennes pour aboutir à une censure pure et simple au Canada, mais également en Angleterre.

En prime, le film a subi véritablement une prise d'otage par des membres de l'équipe de tournage s'étant retirée en plein coeur de l'entreprise. Cette production de Mitch Davis, autre pote de Hussain, tourné avec un budget de 100 000 CAD (je vous laisse faire la conversion en euro) mit près de 5 ans à sortir en raison de tous ces obstacles rencontrés au cours du tournage. Présenté dans divers festivals tels que le festival international du film de Stockholm, ou le festival du film fantastique d'Amsterdam, sans oublier l'Etrange festival où il sera considéré comme véritablement le film choc par excellence, il remportera divers récompenses avec bien sûr son lot de critiques lui reprochant l'extrême violence et l'absence de retenue dont fait preuve le réalisateur.
Justifié ou non ? Réponse dans la chronique.

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ATTENTION SPOILERS : Le film se divise en 4 segments possédant de nombreux liens entre eux et tous reliés par une unique question. Que se passe-t-il lorsque l'hémisphère droit (émotions, désirs) prend le pas sur l'hémisphère gauche (raison, morale) ? Le film ouvre le bal lors de la découpe d'un corps féminin au scalpel pour en extraire un oeil pour poursuivre ensuite avec les 4 histoires. Le premier segment se centre sur un homme éprouvant des désirs incestueux envers sa soeur qui lui amèneront à commettre l'irréparable. Le second segment voit un groupe de personnes en pleine orgie sanglante avec la nature. Le troisième segment met en scène un homme seul se masturbant devant des vidéos pornos avant d'avoir l'hémisphère droit détruit par des extra-terrestres.
Ceci ouvre le bal pour le dernier segment montrant le Christ se faire violer et dévorer par des succubes hystériques.

Voilà pour les hostilités d'un film propre à déstabiliser le commun des mortels rien qu'à la lecture du synopsis. Pour autant, des films soit disant extrêmes se sont retrouvés ridiculisés et pas le moins du monde choquants en raison d'effets gore ridicules. La méfiance était de mise mais non, Subconscious Cruelty ne trompe pas son public et Karim Hussain livre sans doute ici l'une des oeuvres les plus violentes, les plus malsaines mais aussi les plus profondes de ces presque 20 dernières années. Ultra violence et intelligence peuvent-ils faire bon ménage ?
Assurément et le réalisateur nous le prouve ici en nous embarquant avec lui durant une durée démocratique de 80 minutes au sein d'un trip sensoriel et métaphysique qui tiendra le spectateur par la gorge pour ne le lâcher qu'au générique de fin. Avant tout, plus que du gore et du choc, Hussain livre avant tout un récit profond, mature et d'un nihilisme rare de la condition humaine destinée, dans sa propre essence, à rester primitive.

L'homme, malgré ses barrières morales et éthiques, restent avant tout un animal soumis aux pulsions les plus archaïques ancrées en lui depuis le début des temps et destinées à disparaître avec lui à la fin des temps. De fait, il est difficile ici d'établir un synopsis clair et lisible. Le premier segment (Human Larvae) affiche sans retenue un homme perdu et isolé dans une pièce semblant être hors du temps et adonné au voyeurisme face à sa propre soeur enceinte. Le film traite donc bien de l'inceste et de ce retour de l'homme à l'état animal et dénué de la moindre once d'humanité, et qui n'hésitera pas à aller jusqu'à égorger le nouveau-né dans un accès de folie.
Cette première partie est assurément la plus profonde et la plus désespérée avec ce mystérieux individu plongé en pleine neurasthénie mentale et se parlant à lui-même par l'intermédiaire d'une voix off d'une grande tristesse. Hussain ne lésine pas sur la violence physique et morale en filmant de manière frontale cet accouchement susceptible de décontenancer les plus récalcitrants ainsi que cet interdit à tuer le nouveau-né, considéré comme être pur dans toute religion. 

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La religion sera justement le fil conducteur de Subconscious Cruelty avec d'un côté, l'acte de naissance (l'acte parfait dans la Genèse) face à l'acte de mort (l'acte satanique) dans un climat d'inceste, acte impur dans la foi chrétienne. Le deuxième segment est dans la continuité de la pensée du premier segment avec ces hommes et femmes nus évoluant dans une nature qui n'est pas sans rappeler le jardin d'Eden, mais en beaucoup moins luxuriant, comme pour souligner encore une fois la triste condition humaine. Ainsi, le jardin, étant le berceau de l'humanité dans la Genèse, rejoint l'acte de naissance traité dans le premier segment. Les individus sont emplis de pulsions charnelles envers cette nature d'où ils sont originaires, un complexe d'Oedipe traité de manière subtile et encore une fois apparenté à cette religion.
Paradoxalement, cet acte d'amour met en scène une nature ensanglantée et maltraitée soulignant frontalement que la condition humaine est désincarnée de son berceau et n'a de cesse que de maltraiter la Dame Nature qui l'a mise au monde. Une brillante dénonciation où l'on retrouve des exemples par milliers chaque jour (pollution, déforestation massive, déchets jetés dans la nature, etc...). Un segment d'une virtuosité rare et surréaliste qui fascine véritablement le spectateur.

Le troisième segment (Right Brain) brosse le portrait d'un individu encore une fois solitaire, perdu dans une jungle urbaine et se retrouvant, le soir, en pleine masturbation dans son canapé face à un film pornographique. Cette pratique jugée inconsciemment obscène est vue encore une fois comme une déviance par la religion. Mais plus encore, on décèle ce sentiment de culpabilité derrière la pratique de cet acte qui ne trouve son origine qu'également dans nos valeurs chrétiennes implantées dans notre inconscient. Hussain offre une vision froide sur cette pratique et débouche son scénario sur la destruction de l'hémisphère droit par un mystérieux Doppelgänger.
Un segment étonnamment mystérieux, parfois confus mais toujours hypnotique. 
Ce troisième segment ouvrira le bal au dernier segment (Martyrdom), le plus marquant et le plus scandaleux, où le Christ est souillé, humilié, violé et dévoré par des succubes incontrôlables, dont l'une ira jusqu'à uriner dessus avant d'extirper les entrailles du Christ pour se les frotter contre ses parties intimes.

Une séquence absolument scandaleuse qui risque de provoquer des crises d'hystérie chez les plus fervents catholiques. Pour autant, celle-ci n'est pas gratuite et inutilement choquante car elle met avant tout en image, cette humanité souillant la morale de laquelle elle est originaire, encore une fois, dans la religion. Hussain, en filmant cette scène, offre un portrait bien peu reluisant d'un futur où les individus seraient déracinés de toute croyance et de toute éthique et que seule la violence et l'inhumanité prédomineront. Dans ce traitement ultraviolent, le Christ filmé dans un bain de sang n'est que le reflet de l'inhumanité de l'homme, guidé aveuglément par ses propres pulsions autodestructrices.
Clairement, Subconscious Cruelty n'a pas usurpé sa réputation de film choc dans cette dernière partie très difficile à endurer par la radicalité qu'elle offre.

5

Il est assez frappant de voir que malgré cette radicalité et ce déchaînement de violence, l'oeuvre ne fait pas détourner le regard du spectateur pris dans les méandres d'un véritable cauchemar expérimental. Plus encore, Hussain nous livre un coup de massue qui nous fait nous interroger sur tout ce qui régit et dicte la pensée et les actions de l'homme depuis la nuit des temps. Un véritable travail d'introspection se met en marche au point que l'on en ressort presque transformé avec cette impression d'avoir vécu quelque chose d'important. Tout ce ressentiment provient du fait que la violence extrême n'est jamais gratuite et que, à aucun moment, le film ne s'embarque dans un trip putassier ni ne perd son sujet. Il est évident que nous n'avons pas là un divertissement pour les personnes en manque de sensations fortes, mais un film subversif qui demande une dose de maturité et de sérieux pour être abordé et pleinement compris et ce, malgré des critiques plus que compréhensibles envers cette radicalité rare du film, qui ne se censure jamais et va droit au but dans ce qu'il dénonce.
L'inceste, la pornographie, l'avortement, l'enfantement, l'aliénation humaine, tout ça est centré autour de la religion et sont abordés de manière frontale. Subconscious Cruelty est purement dans l'esprit d'une époque où le cinéma était en pleine libération des moeurs, ce qui explique pourquoi il est aussi mal vu avec l'oeil de notre époque.

Mais si Hussain maîtrise brillamment son sujet, il sait aussi travailler l'architecture de son film et nous livre un travail d'orfèvre fascinant le spectateur pris dans une ambiance irréelle, à la fois poisseuse mais d'une poésie singulière. Les effets de lumière du premier segment envoûtent et rappellent les giallos d'Argento et Bava au niveau des jeux de lumière rouge et bleus. Les ralentis sont fréquents et le réalisateur accorde une grande importance à filmer l'Homme comme pour ces individus du deuxième segment. A côté, jamais les séquences sexuelles ne sont rendues vulgaires et ne viennent empiéter sur le récit. Un gros point est à accorder à la bande sonore, réalisée par les soins de Teruhiko Suzuki, contribuant davantage à cet aspect onirique impossible à décrire avec en toile de fond des musiques mélancoliques d'une superbe beauté et changeant constamment de ton.
La performance des acteurs, avec au casting Brea Asher, Ivaylo Founev, Eric Pettigrew ou encore Christopher Piggins que je doute que vous connaissiez, est très naturelle et sans quelconque exagération. 

En conclusion, Subconscious Cruelty, sous ses airs de pseudo film gratuitement gore, est une oeuvre d'une complexité rarement vue dans le cinéma expérimental. Hussain nous livre ici un récit d'une noirceur éprouvante en totale contradiction avec cette ambiance poétique, onirique et mélancolique, qui ne peut que charmer et frapper durablement le spectateur ne détournant que très difficilement son regard du spectacle proposé, tant l'hypnose est présente et ce, bien qu'il y ait des scènes d'une violence très élevée. Le simple fait de savoir que le réalisateur a débuté son film à 19 ans est difficile à avaler.
Certains verront en ce film de la subversion vaine et ridicule, mais on est en présence ici d'une oeuvre à portée philosophique, métaphysique et même eschatologique où les questionnements fleurissent après le visionnage. Une véritable pépite choc et transcendante tant dans le fond que dans la forme, demandant une certaine ouverture d'esprit et qui ne peut être que hautement recommandable à tous ceux qui auront l'estomac bien accroché et voudront d'une expérience unique.
Inutile de préciser que le film est à réserver à un public strictement averti de par son interdiction aux moins de 18 ans parfaitement justifiée à cause des thèmes récurrents traités, de la radicalité très poussée et de la violence extrême. Un oeuvre se vivant pleinement au niveau cérébral en nous questionnant sur notre propre réalité intérieure, où le désespoir et la tristesse ne font qu'un. Impossible à noter mais d'un point de vue personnel, c'est l'un des plus grands chefs d'oeuvre qu'il m'ait été donné de visionner à ce jour.

 

Note : ??? (mais un chef d'oeuvre pour moi)

 

orange-mecanique Taratata