Genre : science-fiction, post-apocalyptique, animation, arts martiaux
Année : 1984
Durée : 20 minutes environ
Synopsis : Après une attaque nucléaire dévastatrice, la Terre n'est qu'un vaste désert, où l'eau est devenu un bien plus précieux que l'or ou l'argent. Dans ce monde chaotique règne la loi du plus fort. A la recherche de sa bien-aimée, Ken est l'héritier de l'école d'arts martiaux Hokuto. Il utilise son art pour défendre les innoncents face à de redoutables experts en arts martiaux.
La critique :
En 1983, Tetsuo Hara et Buronson publient un manga qui va bientôt devenir la nouvelle égérie du genre post-apocalyptique. Son nom ? Ken le survivant, soit Hokuto No Ken dans la langue nippone, ce qui signifie littéralement "Le poing de la Grande Ourse" (ou "le poing du Grand Chariot"). L'année d'après, donc en 1984, les deux auteurs décident de décliner la série de mangas en une série animée.
Cette série sera diffusée en France entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 dans Le Club Dorothée. En outre, Ken le survivant (connu aussi sous le nom de Fist of the North Star) suscite les anathèmes et les quolibets. La raison ? Pour la première fois à l'écran et sur une heure de grande écoute, des gamins voient des cervelles et des crânes exploser à l'écran, ces scènes de violence provoquant l'ire des parents et du comité de censure.
Mais les producteurs du Club Dorothée n'en ont cure. Toutefois, plusieurs saynètes, jugées trop barbares et sanguinolentes, sont nûment censurées. Parallèlement, les doubleurs français tentent de minorer la tonalité sombre du manga originel via un humour grivois et inapproprié. Sous la pression de la sphère politique - en particulier de Ségolène Royale - et de diverses associations familiales, Ken le Survivant s'arrête brutalement au 84e épisode, laissant les fans de la série pantois.
Pour la petite anecdote, le manga animé se divise en deux séries télévisées bien distinctes. La première, intituée Hokuto No Ken, comprend 109 épisodes et se conclut sur le combat final entre Kenshiro et Raoh (Raoul dans la version française). La seconde, intitulée Hokuton No Ken 2 et jamais diffusée en France, se déroule bien des années après cette lutte fratricide et comprend 43 épisodes.
Aujourd'hui, c'est le cas de Hokuto No Ken premier du nom qui nous intéresse. En l'occurrence, cette première série d'épisodes se démarquera par ses dialogues en français ubuesques et éhontés. Les doubleurs tancent et admonestent une série japonaise qu'ils qualifient de "nazillarde". Pourtant, point de référence à la Croix Gammée ni au dictateur moustachu dans Ken le Survivant. Certes, durant plusieurs épisodes, l'homme du Hokuto Shinken doit se colleter avec l'Armée Divine, mais le guerrier donne une leçon à ces soldats cruels et barbares.
En outre, la série se veut plus sagace et complexe. Attention, SPOILERS ! (1) L'histoire se déroule dans ce qui était alors un futur relativement proche, sur une terre ravagée par une guerre nucléaire qui a eu pour conséquence l'évaporation de la plupart des mers et océans, tout comme la destruction d’une grande partie de la végétation.
Dans cet univers post-apocalyptique, les survivants sont soit d'humbles villageois essayant de survivre, soit des bandits vicieux regroupés en gangs qui s'adonnent aux pillages et à la persécution de ces villageois. Cependant, un artiste martial nommé Kenshiro (Ken dans la version française), un homme reconnaissable aux sept cicatrices qu'il porte sur le torse, a été choisi pour devenir le successeur d'un légendaire art assassin, le Hokuto Shinken (1).
Premier constat, l'univers de Ken le Survivant s'inspire en grande partie de celui de Mad Max (George Miller, 1979). Mais, très vite, le manga animé se détache radicalement du film de George Miller pour suivre la trajectoire d'un homme (donc Ken), destiné à sauver un monde en péril. De facto, le parcours de Kenshiro ressemble à un véritable périple initiatique.
La première partie de Hokuto No Ken se centre longuement sur la bataille entre Shin et Kenshiro. Le premier a kidnappé la fiancée (Julia) de Ken. Ivre de vengeance, le guerrier de la Grande Ourse a bien l'intention de la récupérer. Dès lors, la série animée oblique vers plusieurs directions spinescentes et nous présente différentes écoles d'arts martiaux, le Hokuto Shinken et le Nanto Seiken principalement. Deux écoles millénaires qui sont destinées à s'affronter et à s'entretuer.
Au fur et à mesure de ses combats, Kenshiro s'aguerrit et porte sur lui le lourd fardeau de la tristesse, tel le martyr christique. Son épopée le conduira même à ferrailler contre ses propres frères : Jagi (Jagger dans la version française), Toki et Raoul. Ken le Survivant, c'est donc avant tout un univers foisonnant et exhaustif.
Le personnage de Kenshiro est à la fois inspiré par Bruce Lee, Clint Eastwood et le personnage de Max Rockatansky. En outre, la série animée a une vraie consonance oedipienne et homosexuelle. Certains adversaires de Ken, en particulier Rey, Uda et Souther, sont des guerriers en perte d'identité et de masculinité. Ces troubles identitaires sont majorés par une époque en déliquescence qui recherche désespérément son sauveur.
Ainsi, le monde se divise en deux camps bien distincts : les faibles et les opprimés défendus par Ken et les motards assoiffés de pouvoir, qui obéissent docilement au joug de Raoul. Au fil des années, Ken le Survivant va rapidement s'octroyer le statut de série culte. En l'état, difficile de ne pas pester et tonner après le doublage français des 84 premiers épisodes tant les dialogues dénaturent la genèse et l'esprit du manga originel. Et pourtant, Hokuto No Ken possède un charme indicible, celui d'une série animée violente, condescendante et érubescente, qui n'hésite pas à mutiler et à sacrifier plusieurs personnages essentiels de la série. Personnellement, j'avoue avoir une affection particulière pour ce manga animé, probablement parce qu'il symbolise en partie mon enfance et mon adolescence.
Ma note finale pourra donc paraître particulièrement clémente.
Note : 15/20
(1) Synopsis de la série animée sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ken_le_Survivant