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Genre : Documentaire

Année : 1991

Durée : 1h30

Synopsis : En 1976, le réalisateur Francis Ford Coppola part aux Philippines pour tourner son huitième film : Apocalypse Now, une adaptation du roman « Au Cœur des ténèbres » de Robert Conrad, transposé à la guerre du Vietnam. Sa femme Eleanor l’accompagne et sur la demande de son mari, elle réalise un documentaire sur le tournage. Cependant, elle choisit aussi d’enregistrer les conversations du réalisateur à l’insu de ce dernier. Bien vite, l’équipe se retrouve confrontée à des tas de problèmes, leurs nerfs sont mis à rude épreuve et petit à petit, le tournage sombre dans le chaos et la folie. Tout cela n’échappe pas à la caméra d’Eleanor Coppola.

La critique :

Apocalypse Now est aujourd’hui un classique, un film culte parmi les cultes, il est souvent cité comme l’un des plus grands films de guerre de tous les temps. Si l’histoire du film Apocalypse Now est fascinante et pleine de folie, l’histoire du tournage l’est au moins tout autant. Oui ce tournage restera dans les annales du cinéma comme l’un des plus fous des plus durs et donc des plus mémorables. Cette aventure, qui est l’une des plus folles de l’histoire du cinéma, a été immortalisée par la caméra d’Eleanor Coppola qui a également enregistré les conversations de son mari sans avertir ce dernier. 
En 1991, ses images sont récupérées par Fax Bahr et George Hickenlooper, qui réalisent ensuite des interviews de Coppola et de certains acteurs du film. Au final, cela aboutit sur un documentaire retraçant ce tournage démentiel, intitulé Hearts Of Darkness. Attention SPOILERS !

Nous sommes en 1976, Francis Ford Coppola est le roi du nouvel Hollywood. Auréolé de son succès avec les deux premiers Parrains et salué pour son film Conversation secrète,  Il est l’un des réalisateurs les plus en vogue des années 70. De plus, il a réussi à dompter une bonne partie du système Hollywoodien et à mettre les producteurs dans sa poche. Cependant, le succès des Dents de la Mer l’année précédente marque l’avènement du Blockbuster (films à gros budget et à grosses recettes). 
Le cinéma artistique pourrait s’éteindre. Coppola a bien l’intention de le remettre au premier plan en réalisant un film qui doit devenir son chef d’œuvre absolu. Il s’agit d’Apocalypse Now, une adaptation du livre de Robert Conrad « Au cœur des ténèbres », qui raconte le voyage d’un officier de la marine britannique qui remonte le Congo afin de retrouver un directeur commercial du nom de Kurtz.

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Ce dernier dirige un comptoir en pleine jungle et ne donne de nouvelles. C’est un vrai défi puisque même Orson Welles, véritable géant du septième art (qui avait adapté le livre de Conrad à la radio), s’est cassé les dents sur une adaptation au cinéma. Mais là où le pari est encore plus osé, c’est que l’histoire est transposée à la guerre du Vietnam afin de dénoncer le conflit. Le projet démarre au début des années 70, ce film doit lancer la société fondée par Coppola : American Zoetrope.
Le scénario est signé John Milius (qui reprend les lignes du livre de Conrad) alors que George Lucas pour sa part doit assumer la fonction de réalisateur. Cependant, à l’époque, personne ne veut d’un film dénonçant le conflit en cours au Vietnam craignant de s’attirer les foudres de la controverse. Le projet est abandonné mais Coppola le reprend au milieu des années 70. Il en sera le réalisateur, Georges Lucas ayant visiblement renoncé. 

Pour le tournage, Coppola choisit de partir aux Philippines, malgré les conseils défavorables qu’il a reçus de ceux qui ont tourné là-bas. Le casting sera composé d'Harvey Keitel dans le rôle-titre, Marlon Brando (qui exige un cachet de 3 millions de dollars), Robert Duvall, Dennis Hopper, Laurence Fishburne, Sam Bottoms, Albert Hall et Frederic Forrest. Coppola a besoin de matériel militaire pour tourner son film. Cependant, l’armée américaine ne veut pas collaborer avec un film qui dénonce le Vietnam. Le réalisateur fait donc appel au président des Philippines, Ferdinand Marcos.
Celui-ci lui prête alors les fameux hélicoptères de l’une des plus célèbres scènes de l’histoire du cinéma : l’attaque de la cavalerie aéroportée sur la musique de Wagner. Mais Coppola ne peut pas avoir les hélicoptères quand il veut et le tournage prend du retard. 

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D’autres problèmes vont survenir, Coppola et ses monteurs analysent les premières scènes et soudain, le réalisateur ne veut plus d'Harvey Keitel et fait appel à Martin Sheen. Une fois de plus, le tournage prend du retard et le budget dépasse allègrement les frais impartis. Ensuite Coppola reporte la réalisation des scènes finales, ce qui n’est pas du goût de Marlon Brando. Ce dernier menace Coppola d’abandonner le tournage et de partir avec le million qu’il lui a payé d’avance. Coppola finira par le convaincre en prétextant qu’il est prêt à le remplacer par Jack Nicholson ou Al Pacino. 
Cependant, le réalisateur rencontre d’immenses difficultés pour écrire la fin du film. Parallèlement,
 il choisit de tourner en pleine mousson. Un déluge dévaste tout le plateau et les décors. Coppola tente d'étouffer l’affaire mais la presse parle déjà de désastre financier.

On attend toujours le film de Coppola qui devrait être fini depuis longtemps. Toute l’équipe est à bout de nerf, surtout le réalisateur, qui va jusqu’à hypothéquer sa maison pour finir le film. Très vite, la drogue fait des ravages parmi le casting. L’acteur Martin Sheen s’investit à fond dans son rôle, à tel point qu'il fait une attaque cardiaque et frôle la mort. Martin Sheen risque d’être rapatrié. L’équipe continue à tourner avec une doublure (qui n’est autre que le frère de Martin Sheen), mais bien des passages nécessitant des gros plans ne sont pas réalisables sans l’acteur.
Mais Sheen finit par se remettre et reprend le tournage. Il faut encore tourner le final. C’est alors que Dennis Hopper fait son apparition. Cependant, il n’est pas du tout familiarisé avec son texte. Et il n’est pas le seul, Brando fait lui aussi son entrée.

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Coppola l’avait déjà rencontré avant le tournage et lui avait demandé de perdre du poids pour son rôle. Il devait arriver avec une carrure athlétique, ça sera tout le contraire et c’est un Brando obèse qui débarque. 
Pire, en parlant avec lui, Coppola réalise qu’il n’a pas lu le scénario comme il l’avait promis et qu’il ne connaît absolument pas son texte. 
Le réalisateur et l’acteur vont parvenir à transformer ces faiblesses en avantages. Coppola décide de filmer le gros corps de Brando de façon à le rendre monolithique. De plus, il fait appel à une doublure d'un mètre 98, ce qui confère au personnage du colonel Kurtz une certaine puissance. A ce titre, le documentaire propose plusieurs extraits des essais de Brando. 
Au final, son célèbre et tétanisant discours sur l’horreur doit tout à l’improvisation. Pourtant, certaines scènes seront difficiles à tourner puisque Brando refuse catégoriquement de tourner avec Dennis Hopper. Il faudra donc tourner les scènes en plusieurs fois avec les deux acteurs séparés. 

Alors que Coppola est au seuil de la folie (entre autres, il fera un malaise), le tournage finit par voir le bout du tunnel après 238 jours de dur labeur. Il faudra encore près de deux ans pour réaliser le montage du film. La partie de la post-production n’est pas évoquée dans le documentaire apparemment pour des raisons de longueurs. Tout au long du tournage, Coppola annonce que son film est mauvais et prétentieux. "Ca mérite 5/20" déclare-t-il. Le film sort finalement en 1979, il remportera la palme d’or du festival de Cannes, titre qu’il partage avec Le Tambour de Volker Schlöndorff, les deux films étant ex-æquo. Il remportera également 2 Oscars et 2 Golden Globes. Au final, Coppola a réussi son pari.
Plus tard, le cinéaste déclarera : « Apocalypse Now n'est pas un film sur le Viêt Nam, c'est le Viêt Nam. Et la façon dont nous avons réalisé Apocalypse Now ressemble à ce qu'étaient les Américains au Viêt Nam. Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d'argent, trop de matériel et petit à petit, nous sommes devenus fous ». 

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Le réalisateur dira même que par moment, il s’est pris pour le colonel Kurtz. Bref ce documentaire permet de découvrir l’un des tournages les plus fous et les plus éprouvants de l’histoire du cinéma. Images d’archives, enregistrements et aussi d’interviews qui rendent compte de l’état de Coppola et de ses acteurs durant le tournage. L’Edition définitive d’Apocalypse Now donne également la possibilité de regarder le documentaire Hearts Of Darkness avec les commentaires audio de Francis Ford et Eleanor Coppola (enregistrés séparément). Vous l'avez donc compris.
Le
 tournage très mouvementé d'Apocalypse Now est resté dans la légende et a donné lieu à plusieurs rumeurs, vraies ou fausses et parfois exagérées. Au spectateur de faire la part des choses donc mais indéniablement, Hearts Of Darkness reste un documentaire passionnant qui n’intéressera pas uniquement les passionnés de cinéma.

 

Note : 17/20

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