Genre : Drame, biopic (interdit aux -12 ans)
Année : 1980
Durée : 2h09
Synopsis :
Jack La Motta est un boxeur américain d'origine italienne surnommé « le taureau du Bronx ». Issu d'un milieu modeste, il atteint les sommets grâce à des combats mythiques, notamment contre Sugar Ray Robinson et Marcel Cerdan, qui le mèneront au titre de champion du monde des poids moyens. Mais il connaît ensuite l'échec de sa vie privée (divorce, reconversion en gérant de boîte de nuit...).
La critique :
Qu'on le veuille ou non, actuellement, Martin Scorsese est considéré comme l'un des meilleurs réalisateurs de notre époque. Chaque nouveau film suscite la curiosité et renforce davantage le potentiel de ce cinéaste de talent qui s'est fait connaître en 1976 avec son mythique Taxi Driver. Pour autant, mais comme dans toute filmographie, un certain nombres d'oeuvres sont un peu plus méconnues ou passent carrément à la trappe. De fait, on remarque vite que le grand public ne citera pas en premier Raging Bull quand il parle de la filmographie du réalisateur.
Ca c'est en 2017 mais si on veut faire un bond dans le temps, c'est déjà autre chose. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le film sera un semi-échec commercial au moment de sa sortie en salles. Cependant, à côté, les nominations et distinctions s'accumulent de manière impressionnante et sur 8 nominations aux Oscars, 2 seront remportées, à savoir l'Oscar du meilleur acteur pour Robert de Niro et l'Oscar du meilleur montage.
De plus, de nombreuses petites anecdotes parsèment l'histoire du film à commencer par la réplique culte "You fucked my wife ?" vient de ce film et non de Taxi Driver. Pour poursuivre, Scorsese déclara plusieurs années après la sortie de son film que De Niro lui avait certainement sauvé la vie en lui proposant ce projet qui lui permit de reprendre son activité après une hospitalisation à cause de la cocaïne en 1978. Dernier petit détail amusant : Lorsque le vrai Jake La Motta vit le film, il se rendit compte de la personne horrible qu'il avait été. Il a demandé à son ex-femme Vickie s'il avait vraiment été comme ça. Ce à quoi elle a répondu qu'il était pire. Bref, Raging Bull a tardivement atteint son statut de film culte, à tel point qu'il est aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs films des années 80 et l'un des meilleurs films de boxe à avoir été réalisés. Maintenant, place à la critique.
ATTENTION SPOILERS : Raging Bull retrace les moments forts de la carrière flamboyante de Jack La Motta, champion de boxe poids moyen. Issu d'un milieu modeste, il fut le héros de combats mythiques, notamment contre Robinson et Cerdan. Autodestructeur, paranoïaque, déchiré entre le désir du salut personnel et la damnation, il termine son existence, bouffi, en tant que gérant de boîte de nuit et entertainer. Quand l'ascension et le déclin d'une vie deviennent épopée...
Bref, on tient là un sujet ambitieux et complexe comme presque tout biopic qui se respecte. Peut-on dire que le thème est bien géré et que Scorsese rend honneur au personnage qu'il traite ? Question ridicule bien sûr. Dès le début, on ressent la qualité du récit avec ce générique de début d'un boxeur s'exercant seul avec une lumière à l'aura presque divine illuminant le ring. Rarement, on a vu un générique de début pareil. Ce boxeur n'est autre que Jake La Motta, champion du monde des poids moyens de 1949 à 1951 qui savait encaisser les coups les plus violents. A travers ce récit, le réalisateur brosse le portrait d'une véritable ascension d'un petit boxeur peu connu et originaire du Bronx jusqu'au St-Graal qu'il désire depuis des années, soit la sacro-sainte ceinture de champion du monde des poids moyens.
A vrai dire, si ça s'arrêtait à ça, l'intérêt serait plutôt limité. Plus qu'un boxeur, on a ici véritablement une analyse sociologique et même psychologique d'un homme à la personnalité complexe. Celui-ci est tiraillé entre ce besoin de victoire dans un but de salut personnel et de reconnaissance mais on peut aussi détecter que la boxe a pour lui un but expiatoire, un peu comme s'il voulait se décharger de toute l'animosité qu'il a en lui.
Une animosité que l'on ne connaîtra jamais. Une adolescence compliquée ? En tout cas, le vrai Jake a appris la boxe en maison de correction. Des parents absents ? Difficile à dire et cela renforce davantage l'aura autour de ce personnage détestable selon son entourage et rongé par le narcissisme et ses sentiments autodestructeurs. Chose que l'on pourra voir quand il demandera à son frère de le taper ou se laissera volontairement tabasser sur le ring. Il ne fait aucun doute que Scorsese a su créer et mettre en scène un héros fascinant qui, malgré ses sauts d'humeur et son égocentrisme, nous apparaît terriblement attachant. Si l'ascension est compliquée, à force de ténacité et de courage, La Motta arriva à ses fins et mit la main au rêve qu'il chérissait depuis tant d'année. Un bonheur qui ne sera que temporaire car le déclin se profilera et de héros de la boxe, le personnage tomba pour finir simple entertainer dans des bars miteux. Scorsese ne se contente pas de complexifier son personnage mais sait filmer les moments forts et se livre à une opération chirurgicale de la vie de Jake La Motta.
Une ascension remarquable et un déclin foudroyant. Une vie qui n'est pas sans rappeler le mythe d'Icare et dont on peut voir la métaphore déjà dans le générique du début, comme je l'ai précisé au-dessus.
Le cinéaste nous offre un récit passionnant à suivre sur la durée, ponctué de temps morts quasiment inexistants et ciblant l'essentiel de la vie de La Motta. Peut-être trop l'essentiel car on risque d'être un peu déçu de ne pas avoir eu une épopée plus étendue de sa vie. La faute sans doute à un scénario d'un peu plus de 2h. Si ça ne tenait qu'à moi, un rajout de 30 voire 40 minutes n'aurait pas été de trop. Après, je chipote un peu et ça reste subjectif mais il y avait matière à encore approfondir un peu la chose. Néanmoins, on se couche devant le réalisme de la situation et on jurerait que n'importe quel geste du film se serait produit dans la vraie vie. Les évènements sont toujours crédibles et rien n'est téléphoné ou stéréotypé. De ce point de vue, c'est du Scorsese tout craché qui jette à la poubelle toute notion de facilité et met en place une leçon de mise en scène.
La crédibilité peut, d'une certaine manière, être renforcée par l'image noir et blanc s'imbriquant en toute logique très bien avec le contexte des années 40 et le début des années 50. Ce choix fut surtout dû au fait que le tournage démarra avec une caméra 8mm en couleur mais suite à l'obtention d'une image terne, il fut décidé de tourner le film en noir et blanc. Un pari largement plus judicieux qui renforce l'aspect passionnant du monde de la boxe durant l'époque d'après-guerre. L'image est belle et la caméra filme toujours bien l'action et c'est un détail qu'il faut souligner.
Pourquoi ? Dans un souci de réalisme, Scorsese utilisa une technique particulière qui ne consista qu'à l'utilisation d'une seule caméra, placée à l'intérieur même du ring, à la façon d'un participant direct au combat. Une technique pour le moins fastidieuse et qui demandait un jeu précis de la part des acteurs, devant se placer aux bons endroits et exécuter rigoureusement les mouvements prévus. C'est cette difficulté qui expliqua la durée importante du tournage.
Il convient évidemment de parler du jeu d'acteur et sans trop de surprise, on ne peut que se coucher par KO devant la remarquable interprétation de De Niro, parfait dans la peau de ce boxeur à la personnalité exécrable n'hésitant pas à gueuler sur tout le monde et frapper tout le monde aussi (sauf les enfants). Comme d'habitude, l'acteur s'est complètement investi dans la peau de son personnage et prendra 30kg en seulement 4 mois. Une performance pas loin du héros de Super Size Me. Le reste du casting s'en sort tout aussi bien avec au menu Cathy Moriarty, Joe Pesci, Frank Vincent, Nicholas Colasanto ou encore Lori Ann Flax. Aucun défaut majeur dans les différentes prestations n'est à souligner et tous signent un jeu d'acteur réaliste.
En conclusion, et sans trop de surprises, Raging Bull peut être considéré comme une autre grande oeuvre de la grande filmographie de Martin Scorsese. Plus qu'un simple film de boxe, le long-métrage s'apparente au périple d'un jeune caïd des bas quartiers devenu l'un des boxeurs les plus craints et redoutés. Un boxeur qui n'avait pas peur des coups et dont on pourra le voir avec ce sang giclant des arcades et du nez. Un boxeur à la personnalité dérangeante, détestable mais complexe et que l'on devine cachant de noirs secrets que l'on ne découvrira jamais. Besoin de reconnaissance ? Vengeance sur la vie ? Simple narcissisme ? Les questions demeureront sans réponse et pourquoi pas après tout.
Vouloir connaître le pourquoi du comment casserait en quelque sorte la méchanceté reconnue de l'homme. Une analyse psychologique servie par une réalisation exemplaire, un contexte passionnant pour les amateurs d'ambiance des années 40 et 50 et un jeu d'acteur impeccable où De Niro crève une fois de plus l'écran. Le seul regret est le fait que l'on aurait aimé avoir droit à un approfondissement de certains passages de la vie du boxeur. Personnellement, j'ai trouvé la partie du déclin un peu rapide. Quoi qu'il en soit, Raging Bull reste un passage obligé dans la carrière de tout cinéphile qui se respecte et ne pourra que charmer ceux qui accepteront le principe du noir et blanc (ou peut-être les convertir, qui sait...)
Note : 17/20