Genre : horreur, gore, trash, inclassable (interdit aux - 18 ans)
Année : 1987
Durée : 58 minutes
Synopsis : Le film est constitué de trois sketches indépendants les uns des autres. Sans aucune ligne narrative, cette oeuvre indéterminée et très proche de la série Z, se démarque totalement dans le cinéma français traditionnel par un gore grand-guignolesque et un érotisme d'une perversité extrême.
La critique :
Les productions Massacre Video présentent Sexandroïde : "Bienvenue dans le temple de l'épouvante et de l'érotisme. Vous allez être plongés dans un spectacle d'horreur. Mais est-ce vraiment un spectacle ? Les acteurs sont-ils réellement des acteurs? Ou bien se servent-ils de ce prétexte pour atteindre le plus grand nombre d'entre nous ? Dès à présent, vous n'êtes plus en sécurité ; surveillez vos voisins, observez leurs moindres mutations. Dès maintenant, et au-delà même de la mort, vous êtes nos invités..." Sacrés américains ! Quand ils veulent nous vendre quelque chose, ils savent y mettre les formes ! Donc, à lire cette introduction bien anxiogène du dvd de Massacre Video, nous sommes en présence d'un film absolument atroce, à la limite du snuff movie, dont il conviendrait d'avertir les spectateurs qui oseraient visionner des images insoutenables de cruauté. Hé, hé...
Les plaisanteries les plus courtes étant toujours les meilleures, j'ai le désagrément de mettre un terme brutal à ces fantasmagories purement commerciales pour nous faire revenir toucher du doigt la dure réalité.
Je vous annonce donc que 1) Sexandroïde est un film d'horreur français des années 80 (déjà ça calme), 2) qu'il n'est qu'un moyen métrage (very) low coast sérieusement ravagé du bulbe, 3) que les acteurs du film ont dû être recrutés en CDD et à mi-temps dans une quelconque ANPE (années 80 obligent) de Seine Saint Denis 4) et surtout, que ce film soi-disant terrifiant a été réalisé par Michel Ricaud. Mais comment ça, vous ne connaissez pas cet "immense" cinéaste, ce géant du Septième Art ? Vous êtes impardonnables ! Ah, Michel Ricaud... Le Scorsese de la turlute, le Coppola de l'éjac' faciale, le Spielberg du gang bang. Michel Ricaud auprès duquel Fabien Onteniente ressemblerait sans aucun problème à Orson Welles. Souvenez-vous des premiers mois de l'existence de Cinéma Choc.
En mai 2015 (hé oui, déjà), j'avais eu l'insigne honneur de révéler à vos esprits incrédules, l'existence du film pornographique français le plus abject de tous les temps, Corps De Chasse. Je me souviens qu'à l'époque, ce repoussoir filmique avait créé une véritable polémique sur le blog.
Cet étron scandaleux était donc signé Michel Ricaud, l'un des pires tâcherons du X, et même du cinéma français tous genres et toutes époques confondus. Vingt-cinq ans après la mort du réalisateur (noyé par un tsunami ayant déclenché des vaguelettes de soixante-dix centimètres...), certains ont essayé de dénicher une "oeuvre", une seule, qui aurait pu émerger de sa filmographie abyssale de médiocrité. Et à force de la chercher, on l'a peut-être trouvée cette perle rare ; enfin, presque! Ayant bâti toute sa "carrière" dans le hard crade putassier et racoleur, Ricaud décide de s'accorder un break en 1987 (marre de filmer du pipi caca, Michel ?) pour réaliser Sexandroïde.
Ce film, au titre annonciateur de gigantesque navet, n'en est même pas un. Il navigue dans une autre dimension. Au-delà du navet, au-delà du nanar, se situent des oeuvres complètement "autres" ; des bizarreries filmiques que le cinéma lui-même aurait refusé de reconnaître. Bref, des aberrations sur pellicule qui évoluent dans des sphères inconnues de la logique humaine et qui dépassent de loin l'entendement.
Avec Sexandroïde, nous avons à faire à un maître étalon de ce genre indéfini qui oscille entre le tout et le n'importe quoi. Sans se préoccuper des dégâts occasionnés sur la santé mentale du spectateur, cette improbabilité hybride fait cohabiter sans le moindre état d'âme des nymphomanes à brushing, un vampire libidineux et un monstre de fête foraine. Le tout baignant dans une ambiance complètement surréaliste qui suinte l'amateurisme à travers l'écran. Et pourtant, cet objet mutant possède un petit truc indéfinissable qui le rendrait presque génial. Bienvenue dans l'univers parallèle de Michel Ricaud !
Attention spoilers : la première histoire met en scène un homme qui s'adonne à une séance de vaudou sur la photo d'une jeune femme. Celle-ci, assise au comptoir d'une taverne, subit en temps réel les sévices que son mystérieux tortionnaire lui inflige à distance. Perforée de toute part et après s'être vidée de son sang, elle finira pendue dans les toilettes de l'établissement. Le deuxième volet du film nous entraîne dans une cave obscure.
Une fille terrorisée descend les escaliers, une torche à la main. Elle est aussitôt agressée par un monstre cagoulé qu'elle tue grâce à un revolver (de théâtre) qui traînait négligemment sur une table. Le monstre ressuscite et se barre. Puis, comme possédée par ces lieux maléfiques, la jeune femme se déshabille tout en se livrant à une danse démoniaque où elle s'auto-flagelle. Le monstre à la tronche de Frankenstein verdâtre, rapplique aussitôt et dérouille la donzelle à coups d'aiguilles dans la langue et de rasoir sur les tétons pour terminer par une énucléation bien sentie.
La troisième et dernière histoire sombre dans le délire le plus total. Dans une chambre mortuaire, une veuve éplorée veille son mari raide mort dans un cercueil ouvert. Quelques instants plus tard, le mari (qui s'avérait être un vampire) se jette sur sa dulcinée, lui arrache ses vêtements et la mord au cou avant de réintégrer sa sépulture. Devenue vampire à son tour, la veuve entièrement nue entame alors une danse effrénée style peep show au son de musiques typées à mort années 80 sous le regard concupiscent du mari revigoré et émoustillé par le spectacle.
Tout naturellement, les deux tourtereaux finiront dans le cercueil pour un câlin crapuleux en n'oubliant pas d'apposer la petite pancarte "Do not disturb"... Hé oui, je vous avais prévenus. Dans le genre "portnawak" on peut difficilement faire pire que Sexandroïde. Bon, nous allons quand même tenter un brin d'analyse de cette euh... chose. Au programme donc de ces trois sketches, de la violence gratuite, de la nudité obligatoire et une absence totale de scénario. Il ne faut pas rêver ; ce n'est pas parce que le réalisateur faisait une pause dans son parcours de pornographe foireux qu'il allait pour autant acquérir un minimum de talent, comme ça par miracle, en s'essayant au cinéma d'horreur.
En bon Ed Wood franchouillard, Michel Ricaud nous sert sur un plateau une oeuvre ultra fauchée, mal filmée, mal jouée et mal postsynchronisée. Le budget total du film ayant été sans doute équivalent à un demi SMIC d'un intermittent du spectacle, l'amateur inconditionnel de bisseries avariées ne sera pas dépaysé. Le style est laborieux, la réalisation poussive, les couleurs improbables et les décors sont limités à leur plus simple expression, c'est-à-dire une obscure taverne et une cave qui serviront d'ailleurs pour deux sketches différents.
Déformation professionnelle sans doute, Ricaud se croit obliger de faire dénuder ses actrices (enfin, ses potiches) en deux temps trois mouvements et cela bien qu'elles soient confrontées à des événements surnaturels menaçants (vaudou, monstre, vampire). Ce tableau déjà accablant ne serait pas complet si je ne mentionnais pas une interprétation apocalyptique de nullité, les acteurs (si on peut les qualifier ainsi) ne faisant strictement aucun effort dans leur jeu pour transmettre la moindre émotion aux spectateurs. À partir de là, tout cinéphile normalement constitué devrait prendre ses jambes à son cou et fuir cette imposture filmique comme la peste. Et pourtant...
Là où Sexandroïde fait très fort, c'est que l'on reste scotché, comme hypnotisé devant son écran à contempler des situations ridicules, interprétés par des personnages encore plus ridicules. Ce n'est donc pas un navet. Il se différencie également du nanar car son visionnage n'entraîne aucun rictus imbécile, aucun sourire moqueur sur notre visage.
On se retrouve juste bouche bée, sans réaction, comme assommé par un uppercut de stupéfaction. Après la projection, une seule question s'impose à nous : Michel Ricaud possédait-il bien toutes ses facultés mentales ? Nul ne le saura jamais. Quoiqu'il en soit, il nous offre avec Sexandroïde l'un des plus gros OFNI jamais réalisés en France. Une oeuvre indescriptible de crétinisme mais ô combien salutaire dans un cinéma français frileux de toutes velléités innovatrices. Dans les années soixante et soixante-dix, le cinéma français avait accouché en grand nombre d'oeuvres transgressives.
Dans le lot des plus remarquables, nous citerons Pierrot Le Fou (Jean-Luc Godard, 1965), La Philosophie Dans Le Boudoir (Jean-Pierre Scandelari, 1971), Themroc (Claude Faraldo, 1973) ou encore Les Valseuses (Bertrand Blier, 1974). Plus provocateurs encore, ont été les fondateurs du mouvement Panique, le franco-chilien Alejandro Jodorowsky et le franco-espagnol Fernando Arrabal qui eux, ont véritablement démoli les codes et marqué durablement les esprits avec des films complètement fous qui ne s'imposaient aucune limite moralistes.
Mais leurs oeuvres demeuraient trop confidentielles pour bousculer un large public. Avec les années 80, ces fulgurances insoumises ont eu tendance à se raréfier dans une mouvance générale déjà sclérosée dans le politiquement correct. Autres temps, autres moeurs, le cinéma des de cette décennie effectua un spectaculaire bond en arrière. Terminés les excès libertaires des années hippies et place au nouveau roi du box-office, le fric. Ceux qui en font à cette époque s'appellent Luc Besson, Coline Serreau ou Claude Zidi dont les films populaires et consensuels attirent des millions de spectateurs dans les salles. Ce cinéma-là est des années-lumière du circuit underground et mal famé de Michel Ricaud. Inutile donc de préciser qu'à l'époque de sa sortie (1987), Sexandroïde ne ressemblait à rien de connu.
Trente ans plus tard, c'est toujours le cas. C'est pour cela qu'aujourd'hui encore, ce film qui flirte avec l'expérimental et l'extrême représente un spécimen unique dans le paysage du cinéma hexagonal. Qu'il navigue dans les eaux de la débilité profonde n'a finalement que peu d'importance; il a simplement le mérite d'exister.
Le réalisateur, avec les infimes moyens dont il dispose, réussit à imaginer des situations ubuesques dans un univers irrationnel tout en capturant l'attention d'un spectateur médusé qui peut difficilement décrocher son regard de ce spectacle abracadabrantesque. À cela, il faut ajouter que le film place la barre assez haut en matière de perversité et d'actes de torture, notamment lors du deuxième segment. Les sévices, en particulier les perforations mammaires, sont très gratinées et réellement effectués. Quant au perçage de langue, le doute est permis sur sa véracité tant les effets spéciaux sont bluffants.
Indubitablement, la totalité du famélique budget du film à dû y être consacrée. Une telle violence graphique, un tel sadisme ouvertement affiché sont restés inédits dans le paysage cinématographique français jusqu'à l'éclosion, dix ans plus tard, du performeur underground Jean-Louis Costes et de son "mythique" I Love Snuff. À l'instar du film de Costes, et même s'il ne contient aucun passage pornographique, Sexandroïde a écopé d'une interdiction aux mineurs en raison de la très grande perversité à connotation sexuelle des actes de tortures présentés lors du deuxième segment.
Du gore, des monstres moisis et des filles dépoitraillées vous attendent à bras ouverts dans ce "sommet artistique" de la carrière de Michel Ricaud. Cela vous donne un petit aperçu de ce que doit être le reste de son oeuvre... Et pourtant, il est inconcevable que tout bon cinéphile, curieux ou suicidaire, qui se respecte passe à côté de cette exceptionnelle fumisterie made in France. Oui, un tel film existe et il est français ! Bon, de là à en être fier, c'est une autre histoire...
Note : ???
Inthemoodforgore