Les_Revoltes_de_l_an_2000

Genre : horreur, gore (interdit aux - 16 ans)
Année : 1976

Durée : 1h47

Synopsis : Un couple de touristes anglais arrive sur une île espagnole. Bientôt, ils se rendent compte que les enfants règnent en maîtres sur l'île et qu'ils assassinent tous les adultes. 

La critique :

Les enfants criminels, sociopathiques et même parenticides au cinéma, ou un genre qui va connaître son apogée dès les prémisses des années 1960 avec Le Village des Damnés (Wolf Rilla, 1960), qui met justement en scène des marmots tarabustant la plénitude d'une petite communauté. A l'époque, le film de Wolf Rilla marque une rupture rédhibitoire dans le cinéma horrifique. Surtout, il casse la dialectique ânonnée par les films de la Hammer depuis plusieurs décennies.
Avant la sortie du long-métrage, l'épouvante se focalise presque essentiellement sur des histoires de malédiction et de vampirisme. Le docteur Frankenstein, la momie, le loup-garou et Dracula sont donc priés de retourner gentiment dans leurs sépulcres au profit d'une horreur beaucoup plus contemporaine.

Désormais, ce sont nos jeunes bambins en culottes courtes qui suscitent les cris d'orfraie dans les salles obscures. Une didactique corroborée par plusieurs films notables et notoires, entre autres Sa Majesté des Mouches (Peter Brook, 1963), Rosemary's Baby (Roman Polanski, 1968), L'Exorciste (William Friedkin, 1973), ou encore La Malédiction (Richard Donner, 1976). Vient également s'ajouter Les Révoltés de l'An 2000, réalisé par Narciso Ibanez Serrador en 1976.
Le film est une production espagnole qui va largement influencer plusieurs générations de longs-métrages et de cinéastes ibériques. Quien Puede Matar A Un Nino ?, soit le titre original de cette pellicule, est souvent encensé comme une référence majeure par Jaume Balaguero et Paco Plaza, les deux futurs réalisateurs de Rec (2007). Mais pas seulement.

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En l'occurrence, Les Révoltés de l'An 2000 va influencer tout un pan du cinéma horrifique, notamment pour sa violence, son âpreté et toutes les questions qu'il suscite sur cette nouvelle génération d'éphèbes indociles, thématique sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Afin d'éviter les problèmes de censure corrélés à sa sulfureuse réputation, le film sortira sous plusieurs intitulés, notamment Who can kill a child ?, Island of Death, Would you kill a child ?, Trapped, Island of the Damned, Death is Child’s play, The Killers’s Playground, soit autant de titres anglophones qui permettront au long-métrage de s'exporter à l'étranger, en particulier aux Etats-Unis.
Toutefois, Les Révoltés de l'An 2000 n'échappe pas au regard avisé des censeurs. Le film est donc interdit de diffusion en Finlande et en Islande pour sa violence, jugée malsaine et outrancière.

Reste à savoir si cette pellicule mérite de telles opprobres et polémiques. Réponse dans les lignes à venir. Les Révoltés de l'An 2000 reste avant tout l'adaptation d'un roman, El Juego de les Ninos, de Juan José Plans et reçoit le Prix de la critique au festival international du film fantastique d'Avoriaz en 1977. La distribution du film réunit Lewis Fiander, Prunella Ransome, Antonio Iranzo et Miguel Narros. Pour la petite anecdote, Anthony Hopkins sera approché pour interpréter le rôle principal (Tom), mais le comédien déclinera poliment l'invitation, vaquant à d'autres occupations.
Attention, SPOILERS ! (1) Un couple de touristes anglais, Tom et Evelyn, arrivent au port espagnol de Benavis en pleine fête locale, pour dès le lendemain aller passer une quinzaine de vacances sur la paisible île d’Almanzora.

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Mais à leur arrivée sur place, ils sont surpris de trouver le village comme abandonné, tout juste occupé par de mystérieux enfants mutiques. Bientôt, ils vont être confrontés à l’inenvisageable réalité : les enfants ont tué tous les habitants de l’île, et ils sont les prochaines victimes de leurs jeux macabres (1). Pendant longtemps, Narciso Ibanez Serrador tancera et fustigera la longue saynète d'introduction du film qui comporte plusieurs images et photographies d'archives, par ailleurs en noir et blanc. Cette scène d'ouverture montre plusieurs séquences de différentes guerres tristement célèbres : le Cambodge, le Vietnam et bien sûr la Seconde Guerre Mondiale.
Le message péroré par le cinéaste ibérique se veut radical et brut de décoffrage. Non seulement, les guerres sont barbares, sauvages et violentes, mais elles mutilent, torturent, dilapident, carbonisent et canonisent des victimes innocentes, en particulier des enfants, justement symboles de cette même innocence.

A l'origine, cette longue séquence d'introduction devait justement clôturer le film. Or, pour certains contempteurs, cette intromission est souvent jugée inutile et racoleuse. Autant de saillies qui n'échapperont pas à Narciso Ibanez Serrador. En dépit de ce début aguicheur, Les Révoltés de l'An 2000 brille néanmoins par son propos visionnaire et d'une redoutable perspicacité. Ainsi, le réalisateur espagnol prend son temps pour planter le décor, assez schématique en l'occurrence (une île), et ses divers protagonistes. A peine arrivés sur une île en déshérence et aux couleurs chatoyantes, Tom et Evelyn découvrent un village vidé de sa substance. Tous les adultes semblent avoir mystérieusement disparu sans laisser la moindre trace. Seuls, quelques groupes d'enfants subsistent et sillonnent des rues asseulées et ensanglantées. 

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Soucieux, Tom et Evelyn découvrent rapidement le terrible subterfuge. Tous les adultes ont été exterminés par des éphèbes en pleine insubordination et les jeunes moutards furibonds ne font pas de prisonnier. Pis, les rares survivants sont torturés, dilacérés et même violés, à l'image de cette jeune femme dévêtue et atrocement suppliciée. Face à cette situation pour le moins anxiogène et inhabituelle, c'est l'incompréhension qui domine. Comment lutter contre cette bande de jouvenceaux sociopathiques ?
Tom et Evelyn sont-ils prêts à prendre les armes pour se défendre ? Certes, Evelyn attend un heureux événement mais sa future progéniture se regimbe contre sa maternelle. C'est probablement la séquence la plus traumatisante et probablement à l'origine de la censure du film dans plusieurs pays. Narciso Ibanez Serrador nous conte alors une étrange histoire de contamination.

Ici point de virus mais une nouvelle forme de communication délétère. D'un simple regard comminatoire, les enfants transmettent leur psychopathie naissante à d'autres bambins d'infortune. Encore une fois, tous les adultes sont massacrés, exterminés et néantisés sans sommation. Via Les Révoltés de l'An 2000, Narciso Ibanez Serrador bouscule et admoneste les conventions habituelles. Iconoclaste, le réalisateur signe une pellicule ensanglantée, parfois assez gore et brutale, qui décontenancera les esprits les moins aguerris. Surtout, le film s'inscrit dans cette colère sociale et culturelle en pleine expansion au milieu des années 1970. Certains fans du long-métrage y voient une allégorie sur l'avènement de l'enfant-roi qui se révolte contre la fin du Patriarcat.
Cet hédonisme meurtrier signe le glas de la société de naguère et doit se répandre dans le monde entier. Inexorablement. Tel est le message, en filigrane, déployé par un Narciso Ibanez Serrador dépité par la nouvelle génération à venir, celle qui doit anéantir l'éducation parentale et mettre un terme à une société en pleine déliquescence. Certes, le film n'est plus forcément cet uppercut du passé, mais son propos reste d'une étonnante actualité.

Note : 16/20

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(1) Synopsis du film sur : http://www.dvdclassik.com/critique/les-revoltes-de-l-an-2000-serrador