piranhas 1978

Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 1978

Durée : 1h35

Synopsis : Une nouvelle espèce de piranhas créée par l'armée, capable de vivre en eau douce et en eau salée, est accidentellement relâchée dans un fleuve durant l'été. Le carnage commence..

La critique :

Toujours la même ritournelle... Le succès colossal de Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975) place le squale et plus précisément la menace aquatique au centre des débats dans le cinéma horrifique. De surcroît, Steven Spielberg n'a jamais tari d'éloges pour certaines pellicules du cinéma bis, notamment L'Etrange Créature du lac noir (Jack Arnold, 1954), première source d'inspiration de Jaws. Sous ses faux airs d'agression animale (ce qu'il est intrinsèquement), Les Dents de la Mer se transmute en critique acerbe du capitalisme. Le vrai requin, ce n'est pas ce poisson vorace qui happe et dévore des nageurs dans une station balnéaire des Etats-Unis, mais ces vils promoteurs qui sacrifient des touristes au nom du lucre et de l'appât du gain. Ainsi, le requin de Jaws apparaît comme une sorte de machine implacable qui surgit des tréfonds de l'océan, d'un vide inextinguible et d'un néant finalement indicible.

Ce n'est pas un hasard si Les Dents de la Mer engendre de nombreux épigones, notamment La Mort Au Large (Enzo G. Castellari, 1981), Orca (Michael Anderson, 1977), Tintorera du sang dans la mer (René Cardona Jr., 1977), ou encore Apocalypse dans l'océan rouge (Lamberto Bava, 1985). Vient également s'ajouter Piranhas, réalisé par Joe Dante en 1978. Le succès phénoménal de Les Dents de la Mer n'a pas échappé à Roger Corman, le pape du cinéma bis.
Le cinéaste et producteur a déjà remarqué le talent et l'érudition de Joe Dante, formé à l'école "Corman". De facto, le scénario de Piranhas est conçu comme une gaudriole et même comme un pastiche de Jaws. L'agression aquatique devient donc un sujet d'autodérision. Contre toute attente, Steven Spielberg appréciera l'épigramme et jugera Piranhas comme le seul et digne successeur de Les Dents de la Mer.

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Reste à savoir si le long-métrage de Joe Dante mérite un tel panégyrisme. Réponse dans les lignes à venir... Premier constat, Piranhas se nourrit des mêmes influences. Lui aussi vient puiser ses accointances du côté de Jack Arnold (La Créature du Lac Noir, déjà précitée) et de cette fascination indéfectible pour le cinéma bis, celui qui voit des créatures, des insectes ou encore des êtres humains se métamorphoser en d'ignobles brachycères. A l'origine, le scénario de Gremlins devait échouer sous la caméra avisée de Steven Spielberg. Philanthrope, le metteur en scène confiera finalement le projet à Joe Dante qui, en 1984, sera couronné par son plus gros succès au cinéma.
A l'instar de Les Dents de la Mer, Piranhas va lui aussi influencer plusieurs générations de films et de cinéastes.

En 1981, James Cameron réalise l'inénarrable Piranha 2 : les tueurs volants. L'Invasion des Piranhas (Antonio Margheriti, 1979), Piranha 3D (Alexandre Aja, 2010) et Piranha 2 3D (John Gulager, 2012) sont autant d'hommages appuyés. Hélas, aucun de ces devanciers ne rivalise avec ce troisième essai de Joe Dante. La distribution du film réunit Bradford Dillman, Heather Menzies, Kevin McCarthy, Keenan Wynn, Dick Miller, Barbara Steele, Belinda Balasky, Melody Thomas Scott et Paul Bartel.
Attention, SPOILERS ! (1) Un couple de randonneurs pénètre par effraction dans un ancien domaine de l'armée qui semble abandonné. Ils découvrent une piscine, et la jeune femme convainc son compagnon de prendre un bain. Ils sont tous deux dévorés par des piranhas. Une jeune femme part à la recherche des deux disparus.

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Elle se fait aider par un homme qui vit dans la vallée en solitaire, séparé de sa femme et alcoolique. Ils découvrent rapidement l'ancienne bade militaire, et son laboratoire peuplé de créatures mutantes. Ils décident de vider le réservoir pour trouver les corps des randonneurs, dont ils ont découverts les sacs et les habits dans le laboratoire. Un savant qui vit seul dans le laboratoire tente en vain de leur interdire de vider le réservoir. Ils le ligotent, mais finissent par comprendre la vérité : une nuée de piranhas mutants conçus lors de la guerre du Vietnam a été accidentellement déversée dans une rivière fréquentée par de nombreux baigneurs... Une course poursuite s'engage pour sauver les usagers du lac artificiel (1). Piranhas reste avant tout une déclaration d'amour au cinéma bis.
Il suffit de regarder la production du film pour s'en rendre compte.

Joe Dante, Roger Corman, Phil Tippett, Rob Bottin, Mark Goldblatt... Autant de noms qui marqueront de leur empreinte tout un pan du cinéma, celui qui se démarque d'une certaine morosité et qui verse à la fois dans la nonchalance et le spectaculaire. Telle est la genèse de Piranhas. Ainsi, dès l'introduction du film, Joe Dante a le mérite de présenter les animosités via une première agression aquatique. Le metteur en scène ne montre pas directement la complexion énigmatique de ces poissons gloutons et transformés par la science moderne. Ainsi, sa caméra se polarise sur l'oeil rougeoyant et comminatoire de ces créatures surgissant de nulle part. Finalement, Piranhas, c'est aussi ce retour à Tarantula ! (Jack Arnold, 1955), une autre série B désargentée dans laquelle un arachnide vient tarabuster la tranquillité d'une petite communauté. Le scénario de Piranhas, griffonné par les soins de John Sayles, s'achemine lui aussi sur cette dialectique.

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A l'instar des séries B horrifiques des années 1950, Piranhas se nimbe à son tour du complexe d'Icare, de ce traumatisme véhiculé par la Guerre Froide, par la peur de la radioactivité et de ses corollaires sur notre écologie en désuétude. Contre toute attente, le film de Joe Dante tient un vrai discours politique, sociologique et idéologique, celle d'une société humaine prête à sacrifier les siens au nom du progrès, de la pécune et de la science. En outre, le cinéaste fait preuve de la même désinvolture. Ainsi, cette bisserie impécunieuse et d'une étonnante condescendance n'échappe pas à quelques plans "nichons". Mais sur l'autel de la rouerie et de l'outrecuidance, ce sont aussi de jeunes enfants qui sont sacrifiés et offerts à des piranhas à l'appétit intarissable. Vous l'avez donc compris.
Dans le genre agression aquatique, Piranhas reste une référence incontournable et peut se targuer de contrarier le trône insaisissable de Les Dents de la Mer. En deux mots : une réussite.

Note : 16/20

sparklehorse2 Alice In Oliver 

(1) Synopsis du film : https://fr.wikipedia.org/wiki/Piranhas_(film)