Genre : comédie, trash, horreur, gore, extrême (interdit aux - 16 ans avec avertissement)
Année : 2009 - 2014
Durée : 34 minutes
Synopsis : Un homme dont la femme se retrouve à l'état de zombie est pris d'hallucinations morbides qui le rendent affamé de chair humaine.
La critique :
Et un ovni de plus sur Cinéma Choc, un ! Chers amis blogueurs, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le film français le plus gore de l'histoire ; eh oui, rien que ça. Alors vous pouvez oublier les Haute Tension, À l'intérieur et même le très sanguinolent Making Off. Ils sont littéralement renvoyés à leurs chères études par cette trilogie outrancière réalisée par François Yagopian entre 2009 et 2014. Faim De Mort, c'est le gore cartoonesque d'Evil Dead à la puissance cinquante, tout en conservant cet humour (très) noir et en y rajoutant des déviances morales et sexuelles gratinées.
Pour trouver des équivalents aussi détraqués que cet objet filmique improbable, il nous faudra nous rendre outre-Rhin où sévit le maître de l'ultra gore européen, Olaf Ittenbach ou bien outre-Atlantique, avec les oeuvres marécageuses d'hémoglobine de Brian Paulin. En effet, avec cette trilogie de courts-métrages, François Yagopian surpasse de très loin tout ce qui a été fait en matière de films d'horreur hexagonaux. À la fois hyper sanglantes, malsaines et jubilatoires, les oeuvres déjantées de ce cinéaste loufoque et talentueux renouvellent en profondeur le genre horrifique dans un cinéma français toujours à la traîne dans ce domaine.
Ceci, même si le récent Grave a accumulé les louanges de la critique. Mais Grave, malgré toutes ses qualités, est lui aussi proprement pulvérisé par la folie furieuse de Faim De Mort Trilogy, laquelle il est vrai, ne joue pas du tout dans le même registre. Au sérieux de Grave, Faim De Mort répond par une orgie mémorable de gore excentrique où le réalisateur se lâche plein pot pour nous en mettre plein les mirettes. Oui, ces trois petits films représentent réellement une pure éclate pour les amateurs de films qui éclaboussent l'écran d'un beau rouge sang.
En fait, Faim De Mort Trilogy représente un cas d'école de tout ce qu'il faut faire pour rendre un film d'horreur jouissif. Un exercice de style à l'ancienne avec des tripes qui volent, des corps déchiquetés, des sexes découpés, j'en passe et des meilleures. Inévitablement, cette oeuvre décomplexée du hachoir nous fait penser de suite aux débuts frappadingues de Peter Jackson avec ses mythiques Bad Taste et Braindead ; ce dernier ayant détenu pendant longtemps le titre honorifique de "film le plus gore de tous les temps".
En tant que cinéaste débutant et indépendant, Yagopian a été confronté au même problème que le réalisateur néo-zélandais à son époque: le manque flagrant de moyens financiers (400€ par épisode !). Et pour compenser cette carence à priori rédhibitoire, Yagopian ne manque vraiment pas d'imagination. Jouant à fond sur le délire visuel à outrance, le réalisateur s'autorise tous les excès : barbaques découpées, tête tranchée, yeux transpercés, sexe arraché, chair dégustée, tout y passe mais toujours sur un ton humoristique très noir et sur une bande musicale complètement décalée puisque toutes ces horreurs sont proposées au spectateur sur des grands airs d'opéra, des chansons populaires voire des grognements porcins ! L'originalité vient aussi et surtout, du synopsis en lui-même : un homme vivant qui dévore des zombies, il fallait oser y penser et renverser le postulat qui depuis des décennies nous offrait la situation inverse. Les regrettés George Romero et Lucio Fulci doivent se retourner dans leur tombe ! Yagopian s'octroie le rôle principal et l'action se déroule, dans sa quasi-totalité, dans un appartement miteux.
Le film flirte donc avec un amateurisme pleinement assumé. Pourtant nous sommes à des années-lumière des séries Z germaniques honteuses et décérébrées signées Andreas Schnass (Violent Shit) ou Heiko Fipper (Das Komabrutale Duell) qui fleurissaient dans le cinéma underground teuton des années quatre-vingt-dix. Très loin aussi du nanar français culte (mais d'une nullité sans nom) Ogroff Mad Mutilator, à qui le réalisateur adresse un clin d'oeil lors d'une rapide scène, où l'on voit l'affiche de ce film allègrement aspergée de sang. Excellent derrière la caméra, Yagopian l'est tout autant devant et se révèle très drôle en hurluberlu cannibale et mal embouché, victime d'une démence qui ne va faire que s'empirer au fil des minutes. Comparé à ce qui lui arrive, les déboires d'Ash dans Evil Dead ressemblent à de petits problèmes insignifiants ! Attention spoilers : Opus n°1 : un homme se réveille devant sa télévision, une bouteille de whisky vide à la main. Sa femme zombifiée apparaît soudain.
Il la décapite, met sa tête dans une poubelle et s'allume tranquillement une cigarette. Survient aussitôt un autre mort vivant en état de décomposition avancée. Le cadavre ambulant mal en point, s'arrache le sexe sur un clou. Notre "héros" en proie à de sévères hallucinations, découpe alors le zombie et commence à le déguster avec de la ratatouille niçoise au son du Beau Danube Bleu de Johan Strauss.
Opus n°2 : l'histoire monte d'un cran dans les déviances trash proposées : fellation de la femme zombie qui arrache le sexe du "héros", dégustation d'un foetus à la broche, etc. Ici, les scènes sont accompagnées par des couinements de porc et des chansons populaires comme "Parlez-moi d'amour" et "Tiens, voilà du boudin". Le court métrage s'achève avec l'homme qui déambulent dans un cimetière et qui crache sur sa propre tombe. Opus n°3 : véritable feu d'artifice final, cet opus met l'homme aux prises avec un démon féminin qu'il décapite mais le démon se régénère aussitôt.
Au programme : pénis tire-bouchonné (scène aussi horrible qu'hilarante), images religieuses éclaboussées d'hémoglobine, squelette qui urine du sang, visions subliminales, zombie crucifié avec posture christique et couronne d'épines sur la tête, etc. Ça va ? Vous tenez le coup ? Il est vrai qu'à la lecture de telles insanités, on pourrait croire à une oeuvre blasphématoire, pornographique ou que sais-je. Pas du tout, du tout ! S'il y a bien un film à prendre au millième degré, c'est bien Faim De Mort Trilogy.
Imaginez (une supposition) que Sam Raimi, Jimmy Screamerclauz et Tex Avery aient eu l'opportunité de se rencontrer et de faire un film ensemble ; cela aurait donné quelque chose de très proche de cet objet filmique. Difficile de faire plus barge dans le comique horrifique que ces trois courts-métrages qui alignent, sans discontinuer, du hardgore de la première à la dernière seconde. Quant aux scènes de comédie pure, elles sont pléthores, surtout dans le deuxième opus quand le héros a de sérieux problèmes avec un sexe (en latex) plutôt récalcitrant. La tête du malheureux lorsque son attribut masculin tombe dans les toilettes alors qu'il est en train d'uriner est indescriptible de drôlerie.
Jamais l'expression "à pisser de rire" n'aura aussi bien porter son nom ! Rarement, la comédie et l'horreur auront été aussi bien mises en scène formant une osmose totale dans le déroulement de l'action. Comment passer sous silence la prouesse de l'équipe du film pour la qualité des effets spéciaux au vu du budget incroyablement famélique dont disposait Yagopian pour réaliser chacun des épisodes : 400 euros ! Une telle indigence pécuniaire aurait dû se voir à l'écran comme le nez au milieu du visage. Que nenni.
Comme quoi avec trois bouts de ficelle, beaucoup d'imagination et pas mal de talent, on peut réussir des merveilles. Évidemment, cette trilogie comico-trash restera destinée à végéter dans les tiroirs de l'art underground mais Dieu, que c'est dommage ! Ce film fait souffler un vent de folie sur le cinéma de genre à tel point que les commentateurs d'Amazon USA sont unanimement dithyrambiques à son sujet. Le film est d'ailleurs beaucoup plus connu aux États-Unis qu'en France et le dvd n'est disponible qu'en zone 1, c'est-à-dire approprié aux seuls lecteurs dvd américains, canadiens ou multizones. Un comble pour un film français... Quoiqu'il en soit, François Yagopian a su créer son propre univers avec un style inimitable. Aucun tabou, aucune limite ne semble arrêter l'iconoclaste réalisateur d'origine arménienne. Le troisième opus de la trilogie est sur ce point assez intéressant car Yagopian s'attaque frontalement aux symboliques religieuses et mystiques. Il le fait, bien sûr et comme toujours sur le ton de la dérision et de l'absurde, mais sous ces dehors d'irrévérence burlesques, on peut deviner la satyre clairement affichée du christianisme.
Au passage, il gratifie son final de quelques inévitables références à L'exorciste ou à Amityville La Maison Du Diable, lorsqu'il fait couler (à l'envers) du sang des murs. Icônes de vierges, crucifix et autres pictogrammes sont ainsi sévèrement malmenés lors du combat final avec un démon muni de plusieurs pénis qu'il utilise comme revolvers. Pour le bon goût, on repassera...Mais c'est justement en bousculant les codes du sacré de manière caricaturale que Faim De Mort Trilogy puise sa force de propos et sa puissance d'attraction cinématographique. Rien à voir cependant avec les succubes qui dévorent le Christ dans Subconscious Cruelty. Ici, le traitement est beaucoup plus léger et beaucoup moins blasphématoire graphiquement, mais la virulence de la critique est tout aussi appuyée.
Pour conclure cette chronique élogieuse, je constate avec amusement que j'ai été plutôt généreux en termes de notation ces derniers temps. De deux choses l'une, soit je deviens plus indulgent avec l'âge, soit les films que j'ai proposés dernièrement sont de très bons films. J'ai la faiblesse de pencher pour la deuxième explication. Avec Faim De Mort Trilogy, les amateurs de gore et de déviances en tous genres vont se retrouver propulsés dans une dimension délirante et inconnue dans le cinéma français. Faim De Mort Trilogy, c'est 34 minutes de furie à l'écran comme vous n'en verrez pas souvent. Alors, un grand coup de chapeau à François Yagopian qui a réussi le tour de force de réaliser ce film qui va vous écoeurer en même temps qu'il vous fera hurler de rire.
Excellent visionnage à tous les cinéphiles curieux... et courageux !
Note : 17,5/20