lifeboat

Genre : drame
Année : 1944
Durée : 1h36

Synopsis : Un navire américain est coulé par un sous-marin allemand. Les survivants gagnent un canot de sauvetage, bientôt rejoints par Willy, un marin appartenant à l'équipage du sous-marin, également naufragé. Tandis que Willy prend le contrôle de l'embarcation, une liaison semble naître entre deux rescapés, la journaliste Constance Porter et le mécanicien Novak. 

La critique :

On oublie souvent de le souligner et de le préciser. Mais avant de connaître la gloire et la consécration aux Etats-Unis, Alfred Hitchcock était déjà un cinéaste populaire sur ses terres britanniques. Déjà, dès les années 1930, des longs-métrages tels qu'A l'est de Shanghai (1932), L'Homme qui en savait trop (1934), Les 39 Marches (1935), Agent Secret (1936), ou encore Une femme disparaît (1938) ont contribué à ériger sa notoriété. Ainsi, dès les années 1940, le producteur David O. Selznik s'adjoint les services et l'érudition du maître du suspense. Ensemble, les deux hommes produisent et réalisent plusieurs films de commande, notamment Rebecca (1940), La Maison du Docteur Edwardes (1945) et Les Enchaînés (1946). Mais Alfred Hitchcock n'apprécie pas toujours les instigations de Selznick et accepte de coopérer avec la 20th Century Fox.

Cette cooptation marque un tournant fatidique et rédhibitoire dans la carrière d'Alfred Hitchcock, surtout dans un contexte de forte tension internationale et en pleine Seconde Guerre Mondiale. Alfred Hitchcock est alors engagé pour tourner son tout premier film politique, idéologique et surtout à caractère propagandiste. Ce sera Lifeboat, sorti en 1944. A l'origine, le long-métrage doit encourager et même promouvoir l'effort de guerre contre un ennemi tout désigné : le Nazisme, soit cette doxa pernicieuse, factieuse et criminelle qui doit être à tout prix annihilée.
A l'origine, le scénario de Lifeboat est l'adaptation d'une nouvelle de John Steinbeck. Le célèbre grimaud fait alors à Jo Swerling et Ben Hecht pour affiner le script du long-métrage. Sur la forme, Lifeboat doit donc s'apparenter à un maelström mélangeant à la fois l'action, le huis clos et le drame psychologique.

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Une requête peu ou prou ouïe par le maître du suspense qui n'a pas spécialement envie de réaliser une pellicule impersonnelle et de facture conventionnelle. Pour Alfred Hitchcock, la guerre conduit les hommes, qu'ils soient affiliés au camp du "bien" ou au camp du "mal", à retrouver prestement leur nature primordiale, à savoir celle qui est régentée par notre simple instinct reptilien (donc l'instinct de survie), quitte à sacrifier les siens. Si dans Lifeboat, le rescapé "nazillard" est bel et bien décrit comme un être vaniteux et cupide, ses nouveaux comparses, cette fois-ci bien américains, montrent à leur tour une nature hostile régie par les sentiments de l'animosité, de l'amertume, de la pleutrerie et de la pusillanimité.
Thématiques sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement. Lifeboat peut donc être perçu de deux façons différentes.

Dans sa version primaire et partiale, le film peut effectivement apparaître comme un simple film de commande et de propagande. A contrario et par certains menus détails, Lifeboat exige un tout autre niveau de lecture. La communication, la linguistique et les relations humaines sont complexes, déclame un Alfred Hitchcock dogmatique. Bien conscient du caractère politique de cette pellicule, John Steinbeck abhorre et répudie le montage final. Le cacographe exige que son nom soit oblitéré du générique du film. Alors que les premières critiques s'étaient montrées unanimement panégyriques, certaines, plus subtiles, renâclent le subterfuge, habilement mené par un Alfred Hitchcock malicieux.
Inutile alors de préciser qu'un tel film, aussi tendancieux, méritait de figurer dans nos colonnes. La distribution de Lifeboat se compose de Tallulah Bankhead, William Bendix, Walter Slezak, Mary Anderson et John Hodiak.

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Attention, SPOILERS ! 1943. Un navire américain est coulé par un sous-marin allemand. Les survivants gagnent un canot de sauvetage, bientôt rejoints par Willy, un marin appartenant à l'équipage du sous-marin, également naufragé. Tandis que Willy prend le contrôle de l'embarcation, une liaison semble naître entre deux rescapés, la journaliste Constance Porter et le mécanicien Novak. Lifeboat, c'est avant tout un seul et unique lieu, ainsi qu'un contexte historique particulier.
Pendant une durée académique d'une heure et 35 minutes de bobine (environ), nous voici transportés au bord d'un canot et au milieu d'une mer capricieuse. Laissés à la dérive, les neufs passagers semblent condamnés à exhaler leur dernier soupir. Mais au cours de leur escapade (si j'ose dire), les rescapés recueillent à leur tour un certain Willy, un survivant ennemi.

Marin et pilote de son état, ce dernier est le seul à pouvoir affronter une mer houleuse et tempétueuse. Suite à plusieurs bourrasques, les victuailles et l'eau s'amenuisent jusqu'à disparaître par-dessus bord. Dès lors, plusieurs axes de réflexion se confrontent. Faut-il préserver ce nouvel hôte antagoniste ? Faut-il se venger et lui faire payer ses crimes de guerre ? Ou alors faut-il pactiser avec le "diable" pour assurer sa propre survie et occire ce renégat par la suite ?
Autant d'oxymorons qui trouveront leur réponse au cours de cette péripétie marine. A bord du canot, Willy n'est pas le seul personnage fallacieux et obséquieux. Bientôt, chaque protagoniste révèle sa véritable nature. Les tropismes politiques et idéologiques sont promptement évincés au profit d'une intrigue plus complexe, d'un huis clos anxiogène et d'un drame éminemment humain.

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Alors que Lifeboat se devait de revêtir les oripeaux d'un film de commande et de propagande, la pellicule se transmute en thriller oppressant, happant littéralement le spectateur à la gorge. Là où bon nombre de réalisateurs se seraient irrémédiablement cassé les dents, Alfred Hitchcock s'ébaudit de la situation et de ses divers protagonistes. Curieux que ce Lifeboat ne soit pas plus souvent cité dans la filmographie, il est vrai foisonnante et exhaustive, du cinéaste tant le film exige, derechef, plusieurs niveaux de lecture. Par d'habiles stratagèmes, le long-métrage pose déjà les questions de la culpabilité et de la responsabilité. Le Nazi est évidemment l'ennemi tout désigné.
Or, l'Axe du "bien" commettra à son tour des crimes de guerre afin, argueront les Alliés, de rétablir la paix, la fraternité et la sérénité. Hitler et ses "nazillons" seront néantisés au profit de nouvelles belligérances, celles qui opposeront le drapeau étoilé de l'Oncle Sam aux accents soviétiques du communisme péroré par Staline.

Note : 15/20

sparklehorse2 Alice In Oliver