crocodile fury

Genre : horreur, inclassable
Année : 1988
Durée : 1h25

Synopsis : Dans un petit village de Thaïlande, un monstrueux crocodile dévore un à un les habitants...  

La critique :

Il faut se rendre sur le site Wikipédia (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_films_consid%C3%A9r%C3%A9s_comme_les_pires) pour accéder aux pires films de toute l'histoire du cinéma. Une gloriole attribuée à plusieurs films aux titres souvent évocateurs, et parmi lesquels on trouve Glen or Glenda (Ed Wood, 1953), Robot Monster (Phil Tucker, 1953), Plan 9 From Outer Space (Ed Wood, 1959), The Creeping Terror (Vic Savage, 1964), Turkish Star Wars (Cetin Inanç, 1982), ou encore Le Père Noël contre les Martiens (Nicholas Webster, 1964). En l'occurrence, la première place est souvent attribuée à Plan 9 From Outer Space, à égalité avec Turkish Star Wars (deux nanars azimutés précédemment mentionnés).
Dans le cas éhonté de Plan 9 From Outer Space, cette série Z de science-fiction doit sa réputation de "naveton" avarié en raison de l'utilisation de stock-shots et d'un amateurisme (mise en scène et comédiens inclus) goguenard.

Une première dans le cinéma de science-fiction en particulier et dans le Septième Art d'une façon générale ! Quant à Turkish Star Wars, difficile d'évoquer brièvement une telle fumisterie, le long-métrage pompant allègrement saynètes et musiques de Star Wars, Indiana Jones et même Midnight Express, le tout couronné par l'apparition de momies dégingandées, de cascades effectuées sur des trampolines (hélas visibles à l'écran), ainsi que des gros plans acérés sur le visage ahuri des comédiens. A priori, rien ni personne ne semble en mesure de contrarier l'omnipotence de Turkish Star Wars. Tout sauf quelques nanars sévèrement décérébrés.
Parmi ces rares pellicules à pouvoir prétendre ébranler l'hégémonie de Turkish Star Wars, les thuriféraires de nanardises citeront aisément Dinosaur From The Deep (Norbert Moutier, 1994), Eaux Sauvages (Paul W. Kener, 1979), Clash Commando (Godfrey Ho, 1987), Virus Cannibale (Bruno Mattei, 1980), Ultime Combat (David A. Prior, 1987), ou encore Robo Vampire (Joe Livingstone, 1988).

69755782_p

Vient également s'ajouter Crocodile Fury, réalisé par Ted Kingsbrook en 1988. En l'occurrence, le film est auréolé par un tournage pour le moins nébuleux. Dans un premier temps et comme le titre l'indique, le métrage est conçu comme un film de crocodile et d'agression animale. Puis, suite à de nombreux atermoiements, une autre pellicule est tournée en parallèle avec des vampires et des zombies. Dans les deux cas, les deux films manquent d'être parachevés. Mais peu importe.
Il faut trouver un réalisateur suffisamment calamiteux pour coaliser les deux longs-métrages sur une seule bobine. Ted Kingsbrook répond doctement à l'appel. Que soit. Selon certaines galéjades, Godfrey Ho aurait lui aussi officié derrière la caméra de Crocodile Fury. Vous l'avez donc compris. Nous sommes bel et bien présence d'une série Z joliment foutraque.

Tel est par ailleurs l'apanage de la firme hongkongaise Filmark, à savoir produire des films "deux en un". La distribution du film obéit elle aussi à la même rhétorique en combinant de façon incompréhensible des acteurs asiatiques et occidentaux, ainsi que de nombreux noms falsifiés. Ainsi, les noms de Kent Wills, Sorapong Chatree, Ernest Mauser, Trudy Calder et Lucas Byrne sont mentionnés par le générique de Crocodile Fury. Le scénario du film brille essentiellement par son amphigourisme. Donc, merci de bien suivre l'exégèse qui va suivre ! Attention, SPOILERS !
(1) Plusieurs petits villages de Thaïlande subissent les assauts répétés de crocodiles envoyés par un Maître aux intentions visiblement obscures. Ce Maître et une sorcière ont pour projet de conquérir le monde en créant une race de vampires (1).

97014170

Un villageois, Jack, comprend que sa femme a été réincarnée en crocodile. Pour rompre le charme, il doit tout d'abord se colleter avec plusieurs reptiles et déjouer les vils desseins de la sorcière. Corrélativement, un mercenaire tente à son tour d'affronter le maître thaïlandais. Pour y parvenir, il devra affronter une armée de zombies et de vampires. Vous n'avez absolument rien pigé à ce synopsis ? Rassurez-vous, c'est normal ! Bienvenue dans Crocodile Fury !
Dans un premier temps, comment ne pas s'attarder, quelque peu, sur l'affiche délicieusement outrageante du film ? Sur cette oriflamme, apparaît en premier plan un énorme saurien tortorant une nageuse savamment dépoitraillée. Au second plan, c'est un homme musculeux et robuste qui arbore une mitrailleuse. Voilà pour les inimitiés !

Même les adulateurs de nanars et de pellicules écervelées risquent d'être sérieusement décontenancés par le prosaïsme de Crocodile Fury ! Pour les néophytes, merci de quitter leur siège ou alors, merci de prendre plusieurs Efferalgans au risque d'être victimes de céphalées ! Car Crocodile Fury ne se refuse aucune excentricité. Chaque saynète, aussi funambulesque soit-elle, est immédiatement suivie par une autre séquence encore plus absurde !
Il ne serait donc pas étonnant que Godfrey Ho, réputé pour sa cancrerie légendaire, se soit invité parmi les inimitiés ! Rien que pour ses 45 premières minutes en fanfare (et le mot est faible...), Crocodile Fury justifie son visionnage. Pour les amateurs des productions Asylum et leurs requins gargantuesques réalisés en images de synthèse, merci de phagocyter vos références !

images

Car Crocodile Fury estourbit la concurrence avec une étonnante désinvolture ! Ainsi, les 45 premières minutes s'apparentent à un carnage perpétuel dans lequel un crocodile en plastique et à l'appétit pantagruélique massacre et dévore les habitants d'une petite communauté. Première question : pourquoi les villageois restent-ils, sans sourciller, au bord de l'eau, à admirer les prouesses carnassières du saurien ? Pourquoi diable ces mêmes villageois ne prennent-ils pas la poudre d'escampette ? A ces questions, peu ou prou de réponse. Et pas la peine de chercher la moindre logique ni cohérence à Crocodile Fury ! Excentrique, le film met en exergue un reptile qui vole, saute dans les airs à plusieurs mètres de hauteur et manque de se casser en deux à chaque fois qu'il attrape une pauvre victime d'infortune. Visiblement, la créature est malhabilement activée par des techniciens avinés. 

Sur ce dernier point, le long-métrage accumule toutes les extravagances, "le réalisateur" poussant le vice jusqu'à faire plonger un jeune nageur directement dans la gueule du crocodilien ! A contrario, cette série Z perd peu à peu de sa fougue et de son irrévérence dans sa dernière partie. En réalité, il s'agit du deuxième film... Ou lorsque Crocodile Fury se transmute promptement en film de vampires et de zombies... La pellicule devient alors beaucoup plus prolixe et fastidieuse. 
Pour le reste, Crocodile Fury possède suffisamment d'arguties dans sa besace pour contrarier la suprématie arrogante de Turkish Star Wars. Avec quelques stock-shots supplémentaires et une musique cacophonique et assourdissante, Crocodile Fury aurait pu prétendre à revêtir durablement la couronne détenue par le Star Wars à la sauce kebab. Mais que Ted Kingsbrook et Godfrey Ho se rassérènent. Parmi les séries Z azimutées, Crocodile Fury tient une place prééminente et fait désormais partie des classiques incontournables.

Côte : Nanar

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://salerepugant.canalblog.com/archives/2014/06/18/30100762.html