haute tension

 

Genre : horreur, gore, trash (interdit aux - 16 ans)
Année : 2003
Durée : 1h31

Synopsis : Marie, une étudiante de vingt ans, révise ses examens dans la ferme isolée des parents de sa meilleure amie. En l'espace d'une nuit, un tueur, qui ignore son existence, assassine à tour de rôle les membres de cette famille... 

La critique :

Le cinéma français n'a jamais montré de réelles aspérités pour le registre horrifique. Seuls George Franju (le magnifique et onirique Les Yeux Sans Visage en 1960) et Jean Rollin (La Vampire Nue, Le frisson des vampires, Lèvres de sang, Les raisins de la mort, La Nuit des traquées...) ont attesté de réelles dispositions pour le genre épouvante. Par la suite, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à la fin des années 1990 pour voir poindre, de nouveau, le registre horrifique dans nos contrées hexagonales. Ainsi, des productions putassières telles que Promenons-nous dans les bois (Lionel Delplanque, 1999) et Brocéliande (Doug Headline, 2002) marchent directement dans le sillage et le continuum de Scream (Wes Craven, 1996) et Le Projet Blair Witch (Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, 1999). Hélas, la comparaison avec ces grands classiques de l'épouvante s'arrête bien là.

Verdict : le cinéma d'horreur français ne convainc pas et n'ameute pas spécialement les foules dans les salles. Le chef d'oeuvre putride et méphitique de George Franju (donc Les Yeux Sans Visage... Bis repetita...) fait figure d'exception. Exception qui confirme la règle. Matois, Alexandre Aja, le fils d'Alexandre Arcady, aspire à intervertir cette didactique. Dans les années 1980, Alexandre Aja épouse une carrière d'acteur éphémère via des rôles subsidiaires dans les films de son paternel, notamment dans Le Grand Pardon (1982), Le Grand Carnaval (1983), L'Union Sacrée (1989) et Le Grand Pardon 2 (1992). Puis, Aja se tourne vers le court-métrage et signe sa toute première réalisation, Over the Rainbow (1997), avec la collaboration de Grégory Levasseur.
Présenté dans divers festivals, cette comédie dramatique teintée d'épouvante et d'érubescences attise immédiatement la curiosité et même un certain enthousiasme. 

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Alexandre Aja et Grégory Levasseur n'ont jamais caché leur fascination pour l'horreur à l'ancienne. C'est dans ce contexte qu'ils imaginent, ratiocinent et griffonnent un script assez laconique sur deux jeunes femmes claustrées dans une maison, puis assaillies par un tueur sanguinaire. Ce sera Haute Tension, sortie en 2003. Le long-métrage est conçu comme une sorte d'hommage et de bréviaire à toutes ces productions rougeoyantes des années 1970, entre autres Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974), Délivrance (John Boorman, 1972) et La Colline A Des Yeux (Wes Craven, 1977).
Le film a également pour vocation de réveiller un cinéma d'horreur français apathique, voire même d'ébranler le diktat imposé par l'industrie hollywoodienne et sa panoplie et de slashers, de torture porn, de préquelles et de remakes.

Hélas, Haute Tension se soldera par un bide commercial en France. Que soit. Le métrage se distingue dans divers festivals. Il remporte le Grand Prix du film fantastique européen, ainsi que les prix du meilleur réalisateur et des meilleurs maquillages (pour Giannetto De Rossi) lors du Festival international de Catalogne en 2003 (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Haute_Tension_(film,_2003). De surcroît, le film d'Alexandre Aja n'est pas sans raviver l'intérêt de certains producteurs américains. Par la suite, le cinéaste s'expatriera chez l'Oncle Sam pour réaliser des projets beaucoup ambitieux et dispendieux, notamment le remake éponyme de La Colline A Des Yeux en 2006 et Piranha 3-D (2010). Pour Alexandre Aja, Haute Tension constitue et restera une étape prééminente dans sa carrière prolifique. Conjointement, cette oeuvre gore et horrifique inspire à son tour d'autres longs-métrages d'épouvante. 

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Ils (Xavier Palud et David Moreau, 2005), La Meute (Franck Richard, 2009), Frontière(s) (Xavier Gens, 2007), ou encore Martyrs (Pascal Laugier, 2009) sont autant de tentatives, plus ou moins éloquentes, d'exhumer l'horreur à la française de son sépulcre. Le réveil sera néanmoins de courte durée. En l'occurrence, le tournage de Haute Tension sera loin d'être une sinécure pour les acteurs. Plusieurs accidents et de nombreuses intempéries ponctuent régulièrement le tournage. La distribution du film se compose par ailleurs de Cécile de France, Maïwenn, Philippe Nahon, Franck Khalfoun, Andreï Finti, Oana Pellea et Jean-Claude De Goros.
Attention, SPOILERS ! Marie, une étudiante de vingt ans, révise ses examens dans la ferme isolée des parents de sa meilleure amie, Alex, dont elle est secrètement amoureuse.

En l'espace d'une nuit, un tueur, qui ignore son existence, assassine à tour de rôle les membres de cette famille... A l'aune de cette exégèse, difficile réellement de s'extasier devant un synopsis aussi rudimentaire. Par ailleurs, Haute Tension sera même accusé de plagiat. 
Le film d'Alexandre Aja s'inspire d'un autre téléfilm horrifique, sobrement intitulé Intensity (Stephen Tolkin, 1997). Une réprobation qu'Aja a toujours récusée... En outre, Haute Tension renoue arrogamment avec le slasher des années 1970 dans cette volonté farouche de verser complaisamment dans l'horreur et les séquences de carnage brutes de décoffrage. En France, personne - ou presque... - n'avait montré une telle outrecuidance. Malicieux, Alexandre Aja et Grégory Levasseur vont directement à l'essentiel via un scénario basique, un lieu conventionnel (une demeure parentale) et des personnages eux aussi prosaïques (deux étudiantes en pleine séance de révision...).

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Une fois le décor et les personnages plantés, place désormais aux inimitiés ! Là où la plupart des films d'horreur se polarisent à la fois sur les victimes et les bourreaux, Haute Tension se focalise avant tout sur un seul et unique personnage, Marie, une jeune femme à priori avenante et courtoise, interprétée par l'excellente Cécile de France. A partir de là, Alexandre Aja peut s'ébaudir de son principal protagoniste, jouer avec ses propres fantasmes et confronter Marie à ses pulsions les plus reptiliennes (la peur, la colère et l'incompréhension entre autres...), le tout corseté par une pointe d'érotisme (Cécile de France en pleine séance d'onanisme...).
La grande force de Haute Tension repose indubitablement sur sa mise en scène, réalisée avec maestria et un grand savoir-faire.

Qu'Alexandre Aja se rassérène... Il est le digne épigone de son patriarche. Si Haute Tension s'achemine sur la même trajectoire mortifère que Massacre à la Tronçonneuse et consorts, il ne possède pas, à l'inverse, leurs arguties politiques et/ou idéologiques. Le film d'Aja ne cherche pas à distiller un message ou un quelconque ressort sociologique. De facto, difficile de ranger Haute Tension parmi ces chocs cinéphiliques qui marquent durablement les persistances rétiniennes. In fine, le scénario, en mode alambiqué, ne manquera pas de désarçonner dans sa révélation finale.
Non Haute Tension ne délivre pas l'uppercut annoncé et ne mérite sans doute pas autant de dithyrambes. Cependant, le film a au moins le mérite de réveiller une horreur à la française jusqu'ici moribonde et de prouver, au monde entier, que notre cinéma hexagonal peut visiter d'autres tortuosités. C'est déjà pas mal.

Note : 13/20

 

sparklehorse2 Alice In Oliver