Genre : horreur, thriller (interdit aux - 16 ans)
Année : 1986
Durée : 1h26
Synopsis : Gunther, propriétaire d'un immeuble, est un homme tout a fait charmant et comme on dit "au-dessus de tout soupçon". Il n'a aucun vice, il aime son chat. Il loge dans son immeuble des jeunes femmes qu'il protège discrètement. Or un jour tout bascule en lui et peu a peu il se transforme en meurtrier jouant au chat et à la souris avec ses victimes. Steiner, qui a découvert la véritable personnalité de Gunther, ose le défier sur son territoire.
La critique :
Réalisateur, scénariste et producteur américain, David Schmoeller appartient à la catégorie de ces honnêtes artisans du cinéma bis. Sa carrière cinématographique débute dès la fin des années 1970 avec Le Piège, aka Tourist Trap (1979) de son titre original, un film d'horreur qui réactualise le slasher via un abominable croquemitaine affublé de pouvoirs télékinésiques. Si le long-métrage reste plutôt confidentiel dans nos contrées hexagonales, Tourist Trap s'octroie rapidement le statut de film culte aux Etats-Unis. La carrière de David Schmoeller part, à fortiori, sous les meilleurs auspices.
Grisé par ce succès inopiné, David Schmoeller pense qu'il va s'arroger la couronne honorifique du maître de l'épouvante. Tout du moins, c'est ce que croit ingénument le metteur en scène. Pourtant, il ne réitérera jamais un tel score au box-office américain.
En l'état, ses films suivants font figure de bisseries impécunieuses et reléguées dans les affres des oubliettes. Certes, les thuriféraires du cinéaste (mais enfin, qui sont-ils ?) citeront peut-être des pellicules telles que Tele Terror (1982), Catacombs (1988), The Arrival (1991), Netherworld (1992), et surtout Puppet Master (1989). Vient également s'agréger Fou à Tuer - En pleine possession de ses moyens, sorti en 1986. En outre, ce thriller horrifique déclenchera les anathèmes et les quolibets presque quinze ans après sa sortie. En effet, en 1999, David Schmoeller signe un documentaire, Please Kill Mr. Kinski. Ce documentaire relate à la fois la personnalité bipolaire et les sautes d'humeur légendaires du comédien décédé huit ans auparavant (donc en 1991).
Le documentaire sera évidemment très mal réceptionné par la famille et l'entourage de l'acteur.
Taxé d'opportuniste, David Schmoeller est accusé de régler ses comptes avec Klaus Kinski alors que l'interprète est décédé depuis plusieurs années. De facto, ce dernier est dans l'impossibilité de répondre et de contester les arguties pérorées par ce documentaire tempétueux. Pour l'anecdote, ce n'est pas la première fois que l'irritabilité de Klaus Kinski fait l'objet d'un documentaire. La même année, Werner Herzog réalise Ennemis Intimes, un documentaire qui revient sur le tournage tumultueux de cinq films : Aguirre la colère de Dieu (1972), Nosferatu, fantôme de la nuit (1979), Woyzeck (1979), Fitzcarraldo (1982) et Cobra Verde (1987). A priori, le tournage de Fou à Tuer a lui aussi été émaillé par les coups de semonce récurrents de Klaus Kinski, à tel point que cette série B horrifique sera reniée par David Schmoeller. Hormis le comédien atrabilaire, la distribution du film se compose aussi de Talia Balsam, Barbara Whinnery, Kenneth Robert Shippy, Carole Francis et Tane McClure.
Attention, SPOILERS ! (1) Karl Guenther, fils d'un médecin nazi, est un propriétaire consciencieux qui ne loue ses appartements qu'à de jeunes et attrayantes femmes. Jessica, héroïne de téléromans, Harriet secrétaire sensuelle et vivace, Sophie, pianiste accomplie et Lori, jeune étudiante qui vient d'emménager, tous habitent dans des appartements de Karl. La seule discorde qui trouble leur quiétude est un "tap, tap, tap" provenant du vide sanitaire au-dessus de leurs chambres. Karl leur dit que c'est sûrement des rats, mais en réalité, c'est lui-même qui les espionne.
Une par une, ses locataires, ainsi que Josef Steiner, un chasseur de nazis, deviennent ses victimes qu'il torture lentement jusqu'à la mort. Lori est la dernière survivante et entre dans le vide sanitaire. Elle est maintenant seule avec un fou capable de tout (1).
Si Fou à Tuer - Crawlspace de son titre original - n'a pas spécialement ameuté les foules dans les salles obscures, il se solde, à l'inverse, par un succès commercial lors de son exploitation en vidéo. A l'origine, le scénario de Fou à Tuer prévoit de mettre en exergue un ancien vétéran du Vietnam qui s'enlise peu à peu dans une folie inextinguible. Mais cette thématique, pour le moins rébarbative, est déjà l'apanage de plusieurs productions hollywoodiennes.
En témoignent la saga Rambo et le trop méconnu Combat Shock (Buddy Giovinazzo, 1984), issu des productions Troma. Charles Band, producteur de Crawlspace, exhorte alors David Schmoeller à obliquer vers une toute autre direction. Fou à Tuer revêt alors les oripeaux d'un huis clos anxiogène. Ensemble, les deux hommes ratiocinent et griffonnent sur un script qui mettrait en scène un adulateur du nazisme.
Charles Band et David Schmoeller souhaitent revisiter à leur manière la genèse de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960) et surtout de Peeping Tom, aka Le Voyeur (Michael Powell, 1960). Si le film de David Schmoeller se déroule dans un seul et unique endroit (une immense résidence opulente), le cinéaste exploite habilement son décor, pour le moins famélique. Evidemment, livré à lui-même, Klaus Kinski brille par son cynisme, son magnétisme et son charisme animal.
Fou à Tuer justifie presque à lui seul son visionnage pour l'interprétation dantesque et impériale de Klaus Kinski. Clairement, l'acteur est inimitable lorsqu'il incarne des personnages sadiques, captieux, ignominieux et fallacieux. Le reste du casting, Talia Balsam en tête, peine réellement à exister face à la figure hiératique et majestueuse de Klaus Kinski.
Si le long-métrage ne rivalise pas avec Psychose ni, par ailleurs, avec le chef d'oeuvre machiavélique de Michael Powell, Fou à Tuer reste néanmoins une série B tout à fait probe et recommandable. En outre, la folie latente du personnage central montre crescendo jusque l'inexorable. Impossible de déceler les arcanes et les secrets de cette personnalité psychopathique qui affectionne tout particulièrement les rongeurs trapus, la mort, le meurtre et évidemment la torture.
A fortiori, le maniaque a pleinement conscience de son état de psychasthénie mentale. "Tuer, c'est ma drogue, mon opium, mon idée fixe !" s'écrie le forcené. Seul petit bémol, on pourra déceler, ici et là, quelques lenteurs et longueurs superflues. Rien de grave nonobstant. Les adulateurs de Klaus Kinski seront en terrain connu et quasiment conquis. Les autres découvriront un huis clos de facture honnête, à défaut d'être indispensable.
Note : 13/20
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fou_%C3%A0_tuer