Genre : aventure, thriller, survival (interdit aux - 12 ans)
Année : 1972
Durée : 1h50
Synopsis : Quatre Américains de classe moyenne, Ed Gentry, Lewis Medlock, Bobby Trippe et Drew Ballinger décident de consacrer leur week-end à la descente en canoë d'une impétueuse rivière située au nord de la Géorgie. Ils envisagent cette expédition comme un dernier hommage à une nature sauvage et condamnée par la construction d'un futur barrage. Mais les dangers qu'ils affronteront ne proviendront pas uniquement des flots tumultueux de la rivière...
La critique :
Producteur, réalisateur et scénariste britannique, John Boorman démarre sa carrière cinématographique vers le milieu des années 1960 via une série télévisée, The Newcomers (1964), inédite dans nos contrées hexagonales. L'année suivante, il signe son tout premier long-métrage, Sauve qui peut (1965). La filmographie de John Boorman brille avant tout par éclectisme. Tout au long de sa carrière, le cinéaste a exploré divers registres cinématographiques, que ce soit l'aventure, le film de guerre, le thriller, l'horreur, la science-fiction ou encore le fantastique.
On relève ainsi plusieurs oeuvres notoires, entre autres Duel dans le Pacifique (1968), Zardoz (1974), L'Exorciste 2 : L'Hérétique (1977), Excalibur (1981), La forêt d'émeraude (1985), La Guerre à sept ans (1987), Rangoon (1994), ou encore Queen and Country (2014).
En 1970, après avoir réalisé une comédie, Leo the Last, John Boorman décide de s'attaquer à un film d'aventure, et plus particulièrement à un survival se déroulant à l'orée d'une rivière. Ce sera Délivrance, sorti en 1972. Cette oeuvre choc et érubescente reste sans aucun doute l'un des films les plus populaires de John Boorman. A l'origine, le métrage est l'adaptation d'un opuscule éponyme de James Dickey. Nous sommes au début des années 1970 et Délivrance s'inscrit dans le sillage et le continuum d'oeuvres polémiques et sulfureuses, et plus précisément dans la lignée de Les Chiens de Paille (Sam Peckinpah, 1971), Les Diables (Ken Russell, 1971), La Dernière Maison sur la Gauche (Wes Craven, 1972), ou encore La Grande Bouffe (Marco Ferreri, 1973).
Autrement dit, Délivrance signe le retour de nos pulsions primitives, bestiales et archaïques.
Paradoxalement, le film sort en pleine révolution sociale, sexuelle et culturelle censée couronner l'individu roi au sein d'une globalisation exponentielle. Un oxymore. En vérité, Délivrance est le digne épigone de Les Chasses du Comte Zaroff (Ernest B. Schoedsack et Irvin Pichel, 1934), une pellicule iconoclaste qui apparaît comme le tout premier survival de l'histoire du cinéma. En l'état, Délivrance reprend peu ou prou la même trame scénaristique en explorant d'autres thématiques. Thématiques sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.
Avec le temps, Délivrance s'est octroyé le statut de film culte et même de classique du noble Septième Art. Ainsi, en 2008, le long-métrage "est entré dans le National Film Registry pour conservation à la bibliothèque du congrès aux Etats-Unis" (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9livrance_(film,_1972).
En outre, Délivrance va marquer durablement les persistances rétiniennes, ainsi que plusieurs générations de films et de cinéastes. Que ce soit la saga Détour Mortel, la franchise Predator, Eden Lake (James Watkins, 2008), Sans Retour (Walter Hill, 1981) ou encore Les Ruines (Carter Smith, 2008), toutes ces pellicules ne sont que les homologues du film de John Boorman... et de Les Chasses du Comte Zaroff (par certaines accointances...). Vous l'avez donc compris.
Dans l'histoire du cinéma et du survival en particulier, Délivrance tient une place prééminente. La distribution du film se compose de Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty et Ronny Cox. Dans un premier temps, John Boorman fait appel à l'érudition de Lee Marvin et de Marlon Brando pour tenir les deux rôles principaux.
Mais les deux acteurs, se jugeant trop chenus pour une telle aventure, déclinent poliment l'invitation. Pour des raisons de budget, les comédiens effectuent la plupart des cascades du film. En déveine, Burt Reynolds se casse le coccyx lors d'une saynète en canoë. Les autres interprètes ressortent harassés d'un tournage grandeur nature et dans une forêt hostile. Voilà pour les inimitiés ! Attention, SPOILERS ! (1) Ed Gentry, Lewis Medlock, Bobby Trippe et Drew Ballinger, quatre hommes d'affaires d'Atlanta, se réunissent lors d'un week-end afin de descendre une rivière très mouvementée en canoë.
Cette rivière au pied des Appalaches en Géorgie devant être recouverte par l'inondation de la région à la suite de la construction d'un barrage, ils montent cette expédition comme un dernier hommage à la nature défigurée par l'homme.
Les épreuves qu'ils affrontent ne proviennent cependant pas seulement de la dangerosité du milieu naturel. Le défi lancé par ces hommes s'adresse à la nature sauvage mais aussi à leurs propres faiblesses : Lewis, bâti en athlète, champion de tir à l'arc, dominateur, voudrait que ce défi soit un jeu dont il serait le seul à maîtriser les codes, que ce soit face aux rapides, aux rochers, à la nuit inquiétante, au meurtre d'un homme. Drew est un doux scrupuleux, Bobby est le petit gros dont on s'amuse, Ed semble timoré. Mais au fil du récit, ceux qui paraissent le moins aptes à affronter les dangers et les souffrances sont ceux qui vont les vaincre et en réchapper alors que Lewis, la jambe brisée, geint au fond du canoé et s'accroche à ceux qu'il méprisait (1). A l'aune de cette exégèse, difficile de s'extasier, à fortiori, pour Délivrance tant le scénario paraît convenu, presque indigeste.
Pourtant, c'est le traitement et le sens de la mise en scène opérés par John Boorman qui font toute la différence. Par certaines analogies, le scénario de Délivrance n'est pas évoquer le script à la fois philosophique et métaphysique de La Source (Ingmar Bergman, 1960). Là aussi, l'élément de l'eau tient une place prédominante. Mais au-delà de cette source symbolique et métaphorique, c'est bien la nature qui devient un personnage essentiel du film.
Ainsi, quatre amis partent à l'aventure et ont l'outrecuidance de défier Dame Nature. Sur ce dernier point, John Boorman n'élude pas les poncifs et les stéréotypes habituels. Il faudra donc se contenter d'un athlète musculeux et aventureux, d'un blondinet poltron et pusillanime, d'un bibendum raillé par ses pairs et d'un amoureux de la guitare.
Au cours de leurs pérégrinations, ils tombent sur des chasseurs loqueteux, adeptes de la torture et du sadomasochisme. Au sein de cette nature primordiale, l'homme redevient cette primauté archaïque. On comprend mieux alors l'intitulé du film. "Délivrance", soit la libération de nos instincts les plus intimement refoulés. Certes, Ed Gentry et sa bande tenteront de dominer et même de réfréner ces pulsions ancestrales. Une chimère. Face au danger, face à une montagne abrupte et face à une rivière tumultueuse, Ed et ses fidèles prosélytes retrouvent, le temps de quelques belligérances, ces réflexes de l'homme de Néandertal. Si le portrait de ces hommes infortunés paraît tout d'abord archétypal, John Boorman affine les hostilités pour nous transporter vers des firmaments de violence et malséance.
A aucun moment, le cinéaste britannique ne relâche la pression sur le spectateur, qu'il happe littéralement à la gorge. Indubitablement, Délivrance laisse une impression malaisante et ce, jusqu'à la conclusion finale. Tous les personnages ressortiront mutilés et médusés de cette expérience. D'autres périront dans les vagues et exhaleront leur dernier soupir à la lisière d'une rivière capricieuse. Bref, une telle oeuvre mériterait sans doute une analyse beaucoup plus précautionneuse.
Lors du générique final, on comprend mieux pourquoi Délivrance reste une référence incontournable pour tout un pan du cinéma. Souvent imité mais jamais égalé.
Note : 18/20
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9livrance_(film,_1972)
Ce film est culte ahah la réplique " Squeal like a pig " ou " Fais la truie " en Français, restera pour toujours gravée dans ma mémoire !
Sinon le fait de rendre un personnage plus faible et innocent au début du récit indépendant par rapport à un personnage plus fort qui s'affaibli et qui sera sauvé par le "faible", peut rappeler la structure de certains contes de fées comme Hansel et Gretel. En lisant ce que tu disais sur le sujet, ça m'a rappelé un cours que j'ai eu sur les contes et qui montrait ce côté inversement de situation au niveau des caractères etc..