Genre : drame, policier, thriller
Année : 1973
Durée : 1h35
Synopsis : Le corps d'une jeune femme est découvert en pleine campagne dans la neige, à côté de la ferme ou vit la famille de Rose, mère autoritaire et souveraine de cette dernière. Une certaine amitié se lie entre elle et le juge d'instruction menant l'enquête.
La critique :
Acteur, dialoguiste, compositeur, producteur, réalisateur, metteur en scène et scénariste français, Jean Chapot démarre sa carrière de cinéaste vers le milieu des années 1960 avec Le dernier matin de Percy Shelley (1965), un court-métrage inconnu au bataillon. Il enchaîne ensuite avec plusieurs téléfilms (entre autres, Docteur Teyran en 1980, Livingstone en 1981, Les Mouettes en 1991 et Honorin et la Loreleï en 1992) et plusieurs épisodes de séries télévisées notoires, notamment Les Cinq Dernières Minutes (Les Loges du Crime en 1978, La tentation d'Antoine en 1982 et Meurtre sans pourboire en 1984). Indubitablement, Les Granges Brûlées, sorti en 1973, reste son long-métrage le plus proverbial, d'autant plus que le film sort la même année que L'Affaire Dominici (Claude Bernard-Aubert, 1973), un drame inspiré d'un fait réel et avec Jean Gabin dans le rôle de Gaston Dominici.
A l'instar de L'Affaire Dominici, Les Granges Brûlées relate les dernières années d'une France rurale encore transie d'agriculture. Plus pour longtemps... Autant de thématiques sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement. En revanche, le film de Jean Chapot ne réitère pas la performance de L'Affaire Dominici dans les salles obscures. Les granges brûlées réunit un peu moins d'un million de spectateurs dans les salles (991 624 entrées pour être exact - Merci Wikipédia !), ce qui reste un score probe et honorable, surtout dans une France encore sous l'aval des Trente Glorieuses (1945 - 1975) et en pleine mutation économique, sociale, sexuelle et culturelle.
En outre, Les Granges Brûlées peut s'enhardir de coaliser des acteurs populaires via la présence d'Alain Delon, Simone Signoret, Paul Crauchet, Bernard Le Coq, Pierre Rousseau, Catherine Allégret, Miou-Miou et Béatrice Costantini.
Parmi cette distribution prestigieuse, on trouve donc deux immenses acteurs du cinéma français. Inutile de procéder à l'exégèse de la carrière cinématographique d'Alain Delon. A l'époque, le comédien ressort à peine du tournage de Scorpio (Michael Winner, 1973). Ce n'est pas la première fois que l'interprète collabore avec Simone Signoret puisque les deux acteurs ont déjà tourné ensemble dans La Veuve Couderc (Pierre Granier-Deferre, 1971). Quant à Simone Signoret, la comédienne collectionne les rôles dramatiques et/ou politiques durant la décennie 1970, comme l'attestent des longs-métrages comme L'Aveu (Costa-Gavras, 1971), La Veuve Couderc (précédemment mentionnée), ou encore Le Chat (Pierre Granier-Deferre, 1971). Mais ne nous égarons pas et revenons au synopsis de Les Granges Brûlées...
Attention, SPOILERS !
Le corps d’une jeune femme est découvert en pleine campagne dans la neige, à côté de la ferme où vit la famille de Rose, mère autoritaire et souveraine de cette dernière. Une certaine amitié se lie entre elle et le juge d’instruction menant l’enquête. Hélas pour Rose, les choses se compliquent sérieusement lorsque le Juge Pierre Larcher (Alain Delon) s'intéresse de près (de trop près...) à sa famille, en particulier à l'un de ses fils, Paul. En effet, ce dernier a dérobé plusieurs liasses de billets appartenant à la victime. Il est donc le principal suspect sur la liste d'un Juge aussi avenant qu'opiniâtre.
Après La Veuve Couderc qui proposait un couple atypique (Alain Delon/Simone Signoret) dans le cinéma français, Jean Chapot décide de coaliser de nouveau ces deux ténors du cinéma hexagonal. Dans Les Granges Brûlées, Alain Delon incarne le couperet acéré et impartial de la Justice.
Il mène donc son enquête cérémonieuse dans une France champêtre et bucolique qui commence sérieusement à se tuméfier. C'est sans aucun doute la thématique prédominante du film, à savoir cette scission, de plus en plus prégnante, entre une France rurale et agricole incarnée par une Simone Signoret déguisée en matriarche ; et une France moderne et urbaine, évidemment symbolisée par un Alain Delon circonspect. Malgré son jeune âge et sa relative inexpérience, le Juge saisi de l'enquête a parfaitement renâclé le subterfuge. La famille de Rose entretient une liaison intrinsèque avec le meurtre perpétré... En l'occurrence, Rose, grimée en marâtre parfois un peu revêche, enfile les oripeaux du patriarche et tient d'une main de fer une famille qui ne tarde pas à révéler ses fêlures.
Dès lors, Les Granges Brûlées se transmute subrepticement en huis clos anxiogène.
Ingénieux, Jean Chapot prend son temps pour planter le décor rustique et rudimentaire, ainsi que ses personnages, pour le moins taciturnes. Il faudra donc faire preuve de longanimité et patienter un long moment avant que le long-métrage ne dévoile ses innombrables tortuosités. Rien que pour la confrontation entre Alain Delon et Simone Signoret, Les Granges Brûlées justifie à lui seul son visionnage. Hélas, la mise en scène reste un peu trop basique et archaïque pour susciter l'entière adhésion sur la durée (à peine une heure et 35 minutes de bobine).
A la décharge de ce drame déguisé en enquête policière, le tournage sera émaillé par de nombreuses disputes avec le réalisateur. La plupart des comédiens tancent et admonestent un cinéaste qu'ils jugent arrogant, nonchalant et incompétent.
Dépité, Alain Delon reprend les choses en main. Petit moment d'accalmie sur le tournage, mais Jean Chapot est prié de retourner gentiment dans ses pénates. C'est sûrement la raison pour laquelle le nom de l'acteur est aussi crédité en tant que réalisateur du film. Le comédien consciencieux s'échine à diriger un casting désarçonné et atrabilaire. De facto, difficile d'identifier le sceau ou le monogramme d'un cinéaste derrière ce drame familial. En dépit de ses menus détails et d'une réalisation indigeste, Les Granges Brûlées remplit néanmoins son office via un dernier retournement de situation habilement disséminé. Derechef, le duo Simone Signoret/Alain Delon permet de phagocyter les tares et les carences de ce huis clos aux teintes hivernales. Indiscutablement, la neige, le froid et le blizzard sont autant de personnages subsidiaires dans cette oeuvre mélancolique. Dommage que Jean Chapot n'ait pas davantage étayé son propos, ni son décor dégingandé, pour magnifier de plus belle ses comédiens.
Les thuriféraires du cinéma français reconnaîtront, par ailleurs, la magnifique Miou-Miou dans un rôle subalterne.
Note : 14/20