Genre : horreur, trash, extrême (interdit aux - 18 ans)
Année : 2016
Durée : 1h16
Synopsis : Un homme se retrouve prisonnier dans un cachot exigu. Par un écran accroché au mur, il assiste à une succession de situations macabres où des hommes et des femmes s'infligent mutuellement d'atroces châtiments corporels. Chaque fois qu'une histoire s'achève, les parois des murs du cachot se referment un peu plus sur le condamné. Pas de doute, l'homme est bien en enfer...
La critique :
Après quelques semaines d'interruption dues à une grosse surcharge de travail, je reviens sur le blog plus énervé que jamais. Et je vous promets que ça va faire mal. Très mal. Sorti tout droit de l'enfer, voici le dernier film extrême qui va vous flanquer une secousse d'une violence dévastatrice et qui vous scotchera direct au plafond. Voici Tales From Deep Hell. Un métrage signé Davide Pesca, un réalisateur rital sévèrement décalqué qui, sortant de nulle part, arrive tel un bulldozer dans le microcosme du cinéma underground. Jusqu'à aujourd'hui, Debris Documentar (Marian Dora, 2003) et NF713 (Michaël Stamp, 2009) pouvaient être considérés comme les oeuvres européennes les plus extrêmes jamais réalisées (je laisse volontairement de côté les outrances filmiques italo-américaines de Marco Malattia et l'ultra gore fauché de Messieurs Ittenbach, Fipper et Schnaas).
Mais à présent, ce duo risque de voir débarquer un troisième larron sur ses talons (en attendant l'arrivée du mastodonte Flesh Of The Void). En effet, en termes de violence graphique, Tales From Deep Hell pousse fort, très fort. Si fort que le film de Davide Pesca envoie valdinguer les trois quarts de la concurrence actuelle.
C'est un fait, l'Italie se repositionne sur le devant de la scène du film gore. Elle qui a régné sans partage sur le cinéma de genre durant les décennies 70 et 80 grâce à Lucio Fulci, Joe d'Amato ou Alberto Cavallone, connut par la suite une longue éclipse de près de trente ans. C'est bien fini à présent. Déjà en 2014, les transalpins nous gratifiaient du très pervers et bien gratiné Hippocampus M21th, chroniqué ici même. En 2016, Davide Pesca, nouveau venu dans le cinéma extrême, fait grimper le niveau de plusieurs crans et accouche de Tales From Deep Hell, un film trash surpuissant qui mêle fantastique, gore et performances hardcore. Il semblerait que le film à sketches revienne à la mode dans le cinéma extrême. Ainsi l'oeuvre dont nous parlons aujourd'hui se présente sous la forme de plusieurs "contes", hommage non dissimulé à la fameuse série télévisée américaine Tales From The Crypt des années 90. Pour le reste rien, mais alors rien à voir entre les deux...
Tales From Deep Hell est un spectacle visuel qui laisse le spectateur sous le choc et qui a représenté sans nul doute, une expérience douloureuse pour certains acteurs-performeurs qui jouèrent dans le film. Davide Pesca nous propose un scénario où la fiction flirte sans cesse avec le réel, où les effets spéciaux gore et classiques côtoient la pure performance graphique.
Sans aller jusqu'aux extrémités des monstrueux GSKD, Tales From Deep Hell se rapprocherait par certains aspects de son sadisme affiché, du superbe Pig (Nico B. et Rozz Williams, 1998), l'esthétisme et l'onirisme en moins, où les sévices effectués sur la victime sont présentées sans aucun trucage. Ici, les protagonistes sont aiguillés au front, crochetés aux avants bras, transpercés à travers les joues... Mais limiter uniquement le film de Pesca à ces séquences serait par trop réducteur. Le réalisateur italien fait preuve d'un certain savoir-faire pour plonger et maintenir le spectateur dans un monde mortifère, sombre et oppressant, où il fait s'entredéchirer des personnages soumis aux turpitudes de la damnation éternelle. Attention spoilers : Un homme se retrouve au fond d'un cachot sombre et exigu.
Sur le mur, se trouve apposé un écran par lequel l'individu assiste à une succession de scènes macabres qui met en scène des hommes et des femmes s'infligeant des sévices moraux et corporels. À chaque fois qu'une séquence se termine, les murs du cachot se referment un peu plus sur le condamné. Jusqu'à l'inéluctable dénouement final...
- Peep Show : un homme glisse des billets dans une fente au travers d'un mur. Une stripteaseuse se met à danser mais l'homme la pousse à se dépecer elle-même et à s'éventrer afin qu'il puisse arriver à la jouissance. - Philosophy of beauty : une femme au physique ingrat tue de superbes créatures afin de leur prélever un élément avantageux de leur anatomie. Elle place les organes dans un mixeur et s'en fait un masque de sang. Elle se couvre le visage de bandelettes et attend quelques heures que la mixture fasse effet. Mais dépitée de ne constater aucun résultat, elle se suicide.
- Reborn : un homme gravement blessé, aveugle et affublé d'un cordon ombilical erre dans un souterrain obscur. Il rencontre un clown monstrueux qui s'auto-énuclée pour lui offrir ses yeux. - Child's play : une enfant s'adonne au vaudou par l'intermédiaire de ses poupées.
- Discovery of love: un jeune homme voulant découvrir l'amour physique se fait égorger par une vestale diabolique. - The vice is the enemy : deux hommes tatoués disputent une partie d'échecs. Un démon apparaît soudain et se met à torturer les protagonistes en leur perçant et lacérant différentes parties du corps et du visage ou en les brûlant à la cire de bougie.
- Woman's body : une femme masquée se mutile en se déchirant certaines parties de son corps. - Two sisters : deux soeurs zombies dévorent les entrailles d'un homme tenu prisonnier dans une cave. - Call in blood : une femme dépèce l'avant-bras et le visage d'un homme. Elle recueille le sang dans une coupole puis devenue un démon, elle en boit le contenu avant d'entamer une danse satanique. - Decadence : une jeune femme prise de folie se fait harakiri.
Comme vous pouvez le constater, Tales From Deep Hell ne fait pas dans la dentelle. Scalp, énucléation, égorgement, dédoublement physique par sortie ventrale et éviscération font partie des réjouissances proposées par le réalisateur. 76 minutes de film seulement mais quasiment sans aucun temps mort. Les amateurs de gore extrême seront sûrs de trouver leur bonheur d'autant que les effets spéciaux, signés par Davide Pesca lui-même, sont d'un réalisme saisissant. Mais c'est évidemment le segment "The vice is the enemy" qui reste le point culminant du film.
Dans cette histoire, deux individus jouent aux échecs tandis qu'un démon surgi des enfers joue lui-même à les supplicier. Un des acteurs est réellement percé au front, transpercé à la bouche de part en part alors que l'autre a les avants bras ferrés par des crochets et piqués par des aiguilles d'où des bougies laissent couler de la cire vive sur la peau. La séquence est terriblement impressionnante et contribua en grande partie à la réputation du film à sa sortie vidéo (pas de sortie en salles, évidemment). De par son scénario, Tales From Deep Hell est obligé d'évoluer dans un univers glauque et sordide, censé représenter un enfer rempli de crasse, voué à son rôle de tortionnaire des âmes châtiées.
Au hasard des diverses situations, le spectateur se retrouve face à des créatures plus maléfiques les unes que les autres : un clown cauchemardesque, deux soeurs anthropophages, et surtout des femmes vénéneuses. Les femmes jouent ici un rôle prépondérant de tentatrices perverses, souvent dénudées, et qui se transmutent en monstres informes infligeant des tortures atroces aux mâles tombés sous leurs charmes. Pesca affiche donc une vision très chrétienne de la punition divine qui associe l'acte de chair hors mariage au péché mortel. Rien d'étonnant pour un réalisateur empreint de fortes traditions venant d'un pays où le catholicisme est religion d'Etat.
Le film, et cela est normal pour un premier essai, est loin d'être parfait pour autant. Même si l'on ne peut nier une certaine recherche au niveau de l'esthétisme visuel, l'oeuvre de Davide Pesca ne se démarque pas esthétiquement des productions underground actuelles. Les acteurs, sans être catastrophiques, ne brillent pas non plus par leur jeu et n'auront certainement jamais l'Oscar d'interprétation ! Au niveau de la structure même du film, on peut regretter que les différents segments soient d'une durée et surtout d'une qualité très inégale. Comme si le cinéaste italien avait privilégié certaines histoires au détriment d'autres. Cela est dommage car certaines histoires auraient mérité d'être plus approfondies mais c'est souvent le point faible des films à segments. Bref, il restera pas mal de choses à améliorer dans l'avenir, ce dont je ne doute pas un seul instant. Toutefois, ces quelques aspérités n'enlèvent en rien l'uppercut délivré par cet objet filmique d'une violence graphique implacable dont une fois de plus, le label Blacklava (décidément sur tous les bons coups) se trouve à l'origine de la diffusion en Europe.
Il y a eu l'enfer de Dante et ses neuf cercles ; il y a maintenant l'enfer de Pesca et ses dix histoires épouvantables. Tales From Deep Hell est une réelle découverte. Une sacrée bonne surprise qui nous poussera à suivre avec intérêt les futurs projets de Davide Pesca. Ce réalisateur italien fait preuve, pour son premier film, d'un véritable sens de la mise en scène macabre et n'a l'air de ne s'imposer aucune limite dans la puissance des images qu'il propose. Aux côtés de l'absolue référence Marian Dora, les nouveaux venus Kasper Juhl, James Quinn et maintenant Davide Pesca démontrent que le cinéma underground européen a encore de très beaux jours devant lui.
Grâce à ces réalisateurs bourrés de talent et dénués de tout complexe, le Septième Art dans ce qu'il a de plus extrême demeure toujours plus attractif. Au contraire d'un cinéma commercial s'enlisant en remakes insipides, qui devient lui par contre, toujours plus aseptisé et rébarbatif.
Note : 15/20
Inthemoodforgore