Genre : fantastique, heroic fantasy, aventure
Année : 1962
Durée : 1h29
Synopsis : En l'An 1000 dans les Cornouailles, le roi Mark exile le Prince Noir. Pour se venger, il fait enlever la fille du roi par un géant. Mais le fils d'un humble fermier, Jack, sera quémandé par le roi pour sauver sa fille des griffes du géant. Son chemin sera semé d'embûches et de monstres fabuleux...
La critique :
Promis à une carrière d'architecte, Nathan Juran abandonne finalement ses études et même son futur travail d'orfèvre pour se consacrer, totalement, au métier de dessinateur pour le compte de la société R.K.O. C'est dans ce contexte que Nathan Juran affine et peaufine son style d'artiste avisé sur les tournages de The Loves of Edgar Allan Poe (Harry Lachman, 1942), Le Fil du Rasoir (Edmund Goulding, 1946), ou encore L'Orchidée Blanche (André De Toth, 1947) en se parant des atours de directeur artistique. Pour Nathan Juran, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à l'orée des années 1950 pour signer son tout premier long-métrage, Le Mystère du Château Noir (1952).
Après un détour élusif par le western (Quand la poudre parle en 1953), Nathan Juran se découvre une véritable fascination pour le cinéma fantastique et de science-fiction.
Impression corroborée par la sortie de La Légende de l'Epée Magique (1953), une série B qui accrédite sa passion pour le cinéma bis. Viennent également s'agréger La chose surgit des ténèbres (1957), A des millions de kilomètres de la Terre (1957), Le cerveau de la planète Arous (1957), L'Attaque de la femme de 50 pieds (1958), ou encore Le Septième Voyage de Sinbad (1958). Le nom de Nathan Juran devient alors indissociable du cinéma bis.
Le metteur en scène prise et affectionne toutes ces histoires fantaisistes relatives aux contes, à des héros crânes et opiniâtres, aux épopées héroïques, ainsi qu'à des créatures féériques, célestes et/ou gargantuesques. Le Septième Voyage de Sinbad (précédemment mentionné) bénéficie de la technique de la stop-motion et surtout de l'érudition de Ray Harryhausen, un autre parangon de la série B.
Le Septième Voyage de Sinbad reste également le long-métrage le plus notoire de Nathan Juran et le cinéaste souhaite rééditer ce petit exploit commercial dans les salles obscures. C'est pour cette raison qu'il s'attelle à la réalisation de Jack le Tueur de Géants en 1962, film pour lequel il retrouve Kerwin Mathews qui interprétait justement le fameux Sinbad... dans Le Septième Voyage de Sinbad (au cas où vous n'auriez toujours pas compris...).
L'acteur se révélera en 1955 avec le film On ne joue pas avec le crime de Phil Karson et collectionnera les aventures fantastiques au cinéma, que ce soit dans Les Voyages de Gulliver (Jack Sher, 1960), OSS 117 se déchaîne (André Hunebelle, 1963) et Banco à Bangkok pour OSS 117 (André Hunebelle, 1964). Puis, après ces succès populaires, le comédien disparaîtra subrepticement des radars.
Pour le tournage de Jack le tueur de géants, Nathan Juran ne bénéficie plus de la dextérité de Ray Harryhausen, le technicien vaquant à d'autres projets cinématographiques. Le travail est donc diligenté par d'autres techniciens beaucoup moins émérites, ce qui se ressent lors du visionnage du film. C'est aussi la raison pour laquelle Jack le tueur de géants est souvent répertorié parmi les nanars azimutés en raison de ses montres grotesques et funambulesques. Reste à savoir si le métrage mérite réellement de figurer parmi les mauvais films sympathiques.
Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... Hormis la présence de Kerwin Mathews, la distribution du film se compose de Judi Meredith, Torin Thatcher (qui interprétait déjà un vil magicien dans Le Septième Voyage de Sinbad... Bis repetita...), Walter Burke, Don Beddoe, Barry Kelley et Dayton Lummis.
Attention, SPOILERS ! (1) L'ignoble sorcier Pendragon, banni d'Angleterre, veut s'emparer du trône de Cornouailles en faisant abdiquer le roi et en épousant sa ravissante fille, la princesse Elaine. Il la fait enlever par un de ses serviteurs, un immense géant, mais Jack, un modeste fermier, parvient à le tuer et sauve ainsi la belle captive. Mais Pendragon n'a pas renoncé à ses sombres desseins (1). Une nouvelle ruse du magicien permet de transformer Elaine en une ignoble sorcière sous l'emprise d'un terrible sortilège. Pour rompre le charme, Jack devra se colleter avec plusieurs créatures étranges, cruelles et monstrueuses. A l'aune de cette exégèse, difficile de ne pas considérer Jack le tueur de géants comme un remake officieux (et à peine déguisé) de Le Septième Voyage de Sinbad.
Le même acteur (Kerwin Mathews) rempile pour une aventure similaire mais sous un autre pseudonyme (Jack au lieu de Sinbad).
Thorin Thatcher joue derechef les magiciens cupides et fallacieux. Le scénario est peu ou prou analogue, à la seule différence que Jack n'est pas marin (contrairement à Sinbad...), mais un modeste fermier sans histoire qui sauve la belle d'un sort funeste. Seule différence et pas des moindres, les effets spéciaux et visuels de Jack le Tueur de Géants ne sont plus prodigués par Ray Harryhausen. De facto, Jack le Tueur de Géants souffre inévitablement de la comparaison avec son auguste devancier. En effet, difficile de ne pas ergoter ni clabauder sur la piètre qualité de la stop-motion.
D'ailleurs, les nouveaux techniciens se contentent de copier - limite de parodier - l'excellent travail de Ray Harryhausen sur Le Septième Voyage de Sinbad. Certes, cet avatar joliment obsolète s'intitule Jack le Tueur de Géants.
Pourtant, les géants se comptent sur les doigts atrophiés de la main. Pour information, vous ne verrez que deux créatures de taille cyclopéenne dans cette bisserie impécunieuse. De surcroît, le design chancelant des montres anthropomorphes peine réellement à convaincre (voir la photo ci-dessus). Pour le reste, Nathan Juran se montre plutôt magnanime en termes d'actions et de saynètes joyeusement surannées. Heureusement, le film possède un solide bestiaire avec des squelettes sévèrement dégingandés, des spectres et même des morts-vivants putrescents !
En fait, le charme délicieusement périmé du film ne repose pas vraiment sur les épaules malingres de Kerwin Mathews, plutôt timoré pour l'occasion, mais sur ses décors kitchs, ses costumes défraîchis et ses couleurs bigarrées et ringardes !
Même pour une oeuvre du début des années 1960, Jack le Tueur de Géants apparaît comme une pellicule désuète. Toutefois, difficile réellement de parler de nanar en dépit de ce combat avarié entre une sorte d'ophidien et un géant bicéphale. En l'état, Jack le Tueur de Géants possède un charme ineffable, celle d'une bisserie désargentée qui a sérieusement accusé le poids des années. Pour une fois, la réalisation d'un remake éponyme par les soins de Bryan Singer en 2013 est totalement justifiée. Ensuite, force est de constater que l'on ne s'ennuie jamais.
Néanmoins, cette aventure truculente et rocambolesque s'adresse presque exclusivement au jeune public ou aux fans invétérés du cinéma bis, soit ceux et celles qui se délectent de productions presque anachroniques. Ma note finale fera donc preuve d'une étonnante mansuétude car objectivement, le film mérite moins, beaucoup moins...
Note : 10/20
Alice In Oliver