Genre : fantastique, aventure
Année : 1993
Durée : 2h02
Synopsis : Ne pas réveiller le chat qui dort... C'est ce que le milliardaire John Hammond aurait dû se rappeler avant de se lancer dans le "clonage" de dinosaures. C'est à partir d'une goutte de sang absorbée par un moustique fossilisé que John Hammond et son équipe ont réussi à faire renaître une dizaine d'espèces de dinosaures. Il s'apprête maintenant avec la complicité du docteur Alan Grant, paléontologue de renom, et de son amie Ellie, à ouvrir le plus grand parc à thème du monde. Mais c'était sans compter la cupidité et la malveillance de l'informaticien Dennis Nedry, et éventuellement des dinosaures, seuls maîtres sur l'île...
La critique :
Inutile de procéder à l'exégèse de la carrière cinématographique de Steven Spielberg, un cinéaste, producteur et scénariste (entre autres) présenté à maintes reprises sur ce blog via une pléthore de chroniques. Sur Cinéma Choc, le cinéma de Steven Spielberg est plutôt bien représenté et pour cause... puisque le metteur en scène reste le réalisateur de Les Dents de la Mer (1975), un blockbuster horrifique qui va bientôt devenir le nouveau parangon de l'épouvante via ce squale affamé et aux incroyables rotondités. Depuis la sortie de Jaws, Steven Spielberg a parfaitement su allier divertissement et scénario un peu plus nébuleux sur fond de quête aventureuse (la saga Indiana Jones), les rencontres inopinées avec des aliens pacifistes (Rencontres du Troisième Type en 1977 et E.T. L'Extra-Terrestre en 1982), ou encore des drames beaucoup plus personnels (La Couleur Pourpre en 1985).
Corrélativement, Steven Spielberg n'a jamais caché son extatisme pour le vieux cinéma fantastique de naguère, celui qui a vu poindre les premiers relents de la technique de la stop-motion avec Le Monde Perdu (Harry O. Hoyt, 1925), un long-métrage qui a permis de mettre en exergue l'érudition et la dextérité de Willis O'Brien, soit le véritable démiurge de l'animation d'image par image ; un travail colossal qui exige des heures et des heures de dure labeur juste pour une séquence de quelques minutes (à peine) avec un ou plusieurs dinosaures. Que soit.
Dans les salles obscures, les spectateurs ulcérés assistent à la renaissance de l'ère paléontologique sur grand écran. Evidemment, Le Monde Perdu va influencer et engendrer de nombreux homologues, notamment King Kong (Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933), Gorgo (Eugène Lourié, 1961), Le monstre des temps perdus (Eugène Lourié, 1953), et bien sûr Godzilla (Ishiro Honda, 1954).
Toutes ces pellicules réitèrent peu ou prou la formule ânonnée par Le Monde Perdu, soit la découverte d'un univers inconnu de l'homme, puis l'arrivée impromptue d'un monstre gargantuesque et la capture de cette créature qui se regimbe contre ses ravisseurs, déclenchant ainsi l'annihilation de la cité moderne. Malicieux, Steven Spielberg et Michael Crichton cherchent justement à renouveler cette formule un rébarbative. Depuis la fin des années 1980, les deux hommes ratiocinent et hypostasient sur une multitude de scénarii possibles. Dans un premier temps, l'écrivain et scénariste Michael Crichton imagine un enfant qui reconstituerait un dinosaure, mais le cacographe abandonne promptement cette idée spinescente. Puis après l'échec commercial et artistique de Hook ou la revanche du Capitaine Crochet (1991), Steven Spielberg requiert le talent de Stan Winston pour créer les premiers dinosaures en animatroniques.
Le cinéaste planche déjà sur le script d'un film qui devrait s'intituler Jurassic Park. Spielberg et Crichton élaborent alors une histoire qui s'inspirerait directement du film L'île du Docteur Moreau (Don Taylor, 1977), où il est question de visiteurs d'un parc d'attraction à qui l'on présente des animaux ou des créatures étranges. C'est ainsi que "Spielby" et Crichton peaufinent et affinent un scénario de départ plutôt alambiqué. Jurassic Park sort finalement en 1993 et solde par un succès titanesque, non seulement au box-office américain, mais à travers le monde entier, à tel point que le film de Steven Spielberg va se transmuter en une tétralogie lucrative.
Aidé par Michael Crichton, Spielberg vient de réinventer le concept de Le Monde Perdu en transposant l'ère paléontologique dans un parc d'attraction et surtout grâce à notre technologie moderne.
Ce n'est pas un hasard si Jurassic Park s'est octroyé un florilège de récompenses dont le prix des meilleurs effets spéciaux et visuels pour Stan Winston et Phil Tippett. Reste à savoir si Jurassic Park mérite ce concert de louanges et de flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose de Sam Neill, Laura Dern, Jeff Goldblumm, Richard Attenborough, Bob Peck, Martin Ferrero, Joseph Mazzello, Ariana Richards et Samuel L. Jackson. Attention, SPOILERS ! (1) John Parker Hammond, le PDG de la puissante compagnie InGen, parvient à donner vie à des dinosaures grâce à la génétique et décide de les utiliser dans le cadre d’un parc d'attractions qu’il compte ouvrir sur une île au large du Costa Rica.
Avant l'ouverture, il fait visiter le parc à un groupe d'experts pour obtenir leur aval.
Pendant la visite, une tempête éclate et un informaticien corrompu par une entreprise rivale en profite pour couper les systèmes de sécurité afin de voler des embryons de dinosaures. En l'absence de tout système de sécurité pendant plusieurs heures, les dinosaures s'échappent sans mal, mais le cauchemar des visiteurs ne fait que commencer... (1). Autant l'annoncer de suite. D'un point de vue pécuniaire, Jurassic Park est probablement le long-métrage le plus abouti de Steven Spielberg puisque le film coalise à lui tout seul le cinéma, le merchandising et même le parc d'attractions. Roublard, le cinéaste vient d'exhumer les dinosaures pour au moins 25 longues années.
Preuve en est avec les trois nouveaux épisodes qui seront réalisés à posteriori, sans compter les nombreux succédanés que le film va à son tour inspirer par la suite.
Toutefois, il serait bien réducteur de résumer Jurassic Park à un simple divertissement avide et lucratif. En outre, la thématique prédominante reste évidemment ce complexe d'Icare et cette volonté de jouer au thaumaturge divin en ressuscitant une forme de vie abrogée par les lois de la nature. C'est d'ailleurs ce que révèle un Jeff Goldblum désabusé devant un John Parker Hammond présomptueux. Les dinosaures ont disparu à cause de la chute d'une météorite sur notre planète il y a environ 75 millions d'années. Peut-on réellement contredire cette didactique darwinienne décrétée par la nature céleste ? De facto, peut-on réellement prédire l'adaptation et le comportement de ces animaux préhistoriques plongés dans un nouveau chaos, celui de la société moderne ?
In fine, en exhumant l'ère paléontologique via le prélèvement de l'ADN, l'homme ne risque-t-il pas d'intervertir les lois à priori irréfragables de l'échelle alimentaire ?
Autant de questions en filigrane qui se posent et tarabustent le spectateur au cours de cette pellicule grandiloquente. Indubitablement, les 45 premières minutes sont les plus réussies et les plus abouties du film. Dans sa seconde section, Jurassic Park oblique vers une direction beaucoup plus conventionnelle en revêtant les oripeaux du genre agression animale. Voilà que les dinosaures se regimbent contre leurs propres créateurs. Magnanime, Steven Spielberg multiplie les saynètes d'action et cherche à satisfaire un public qui soit le plus large possible, des 7 aux 77 ans, en passant par les thuriféraires les plus acharnés qui ne manqueront pas de tiquer après certains menus détails ; ou encore un public plus intellectuel qui pestera peut-être contre la thèse scientifique pérorée par le cinéaste.
N'ayez crainte, l'ère paléontologique ne devrait pas renaître de ses cendres même en prélevant quelques échantillons de sang dans le dard d'un moustique un peu trop téméraire... Tout du moins, normalement ! Qu'à cela ne tienne, il faudrait se montrer bien sévère pour ne pas reconnaître le savoir-faire ainsi que le travail onctueux prodigué par Steven Spielberg malgré quelques facilités scénaristiques, comme par exemple le Professeur Alan Grant (Sam Neill) qui se découvre des velléités de patriarche au contact de deux mômes un peu trop volubiles. Mais Spielberg n'en a cure.
Le cinéaste est un vieux roublard. Avec ce genre de stratagème, il sait qu'il va appâter la populace et amasser le jackpot, ainsi que la couronne suprême et déifiée du box-office. Que soit. A ce jour, Jurassic Park reste de loin le meilleur chapitre d'une tétralogie erratique. Même aux commandes du second opus, Spielberg ne réitérera pas une telle prouesse scénaristique.
Note : 16.5/20
Alice In Oliver