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Genre : Thriller, fantastique (interdit aux -12 ans)

Année : 1979

Durée : 1h28

 

Synopsis :

Dans une Chine ancienne en proie à de nombreuses guerres de clans, le château d'un puissant seigneur est pris d'assaut par une horde de papillons tueurs. Un message de détresse est alors envoyé, faisant converger différents guerriers dans l'enceinte du château. Ces derniers vont découvrir que l'invasion des insectes n'a rien de spontané et qu'une terrible machination s'organise dans leur dos.

 

La critique : 

Sur le blog, divers réalisateurs chinois ont pu recevoir les honneurs d'une belle chronique. Des réalisateurs très souvent barrés, en accord avec l'idéologie "borderline" de leur cinéma, sans pour autant atteindre la fulgurance de leurs cousins nippons. Cependant, il y a encore un autre petit cinéaste qui n'a pas eu droit à son quart d'heure de gloire. Cinéaste qui a su se forger une certaine réputation dans le cinéma bis. Son nom ? Tsui Hark que certains d'entre vous doivent connaître. Originaire du Vietnam, le bonhomme a très vite su ce qu'il allait faire de sa vie en partant étudier à Hong-Kong, suivi des USA pour étudier le cinéma avant de retourner à Hong-Kong.
Cependant, le concept de film ne sera pas son objectif puisqu'il officiera d'abord pour des séries de télévision. En 1979, Tsui Hark va finalement se lancer dans un projet nettement plus ambitieux : le long-métrage. Ainsi naquit Butterfly Murders qui sortit dans une sombre époque du cinéma hongkongais. En effet, à la fin des années 70, ce cinéma est à bout de souffle en se contentant de recycler la comédie facile et de produire par camions des films de kung-fu. Incapable de se moderniser, de faire preuve d'inventivité et de tenter des choses, le cinéma national pourra compter sur l'arrivée de jeunes metteurs en scène qui permettront de concilier racines chinoises et influences occidentales.

Cette profonde crise d'identité pourra se combler avec des cinéastes tels qu'Ann Hui, Alex Cheung, Patrick Tam et bien sûr Tsui Hark. Ceux-ci, ainsi que d'autres, seront à l'origine d'une "Nouvelle Vague" ne s'appuyant, néanmoins, sur aucune quelconque thématique commune ou révolution esthétique. Il s'agit avant tout de redynamiser un circuit cinématographique mourant. A ce niveau, non content d'être sa première pellicule, Butterfly Murders sera considéré comme le chef de file de cette Nouvelle Vague vu qu'il est le premier du mouvement. Vous l'avez compris, sous ses travers de film confiné à une relative confidentialité, c'est un pan important du septième art chinois auquel je m'attaque. Un pan qui sera un échec cuisant au moment de sa sortie alors que les critiques internationales apprécieront unanimement l'expérience.

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ATTENTION SPOILERS : Dans une Chine ancienne en proie à de nombreuses guerres de clans, le château d'un puissant seigneur est pris d'assaut par une horde de papillons tueurs. Un message de détresse est alors envoyé, faisant converger différents guerriers dans l'enceinte du château. Ces derniers vont découvrir que l'invasion des insectes n'a rien de spontané et qu'une terrible machination s'organise dans leur dos.

Le fait d'avoir employé le terme "cousins nippons" n'est pas anodin au vu de l'imagination débordante de ce que les asiatiques savent faire. A peu de choses près, Hong-Kong sait marcher dans le sillage du Japon en ce qui concerne les oeuvres "what the fuck". Nous sommes donc bien loin du réalisme de notre cinéma, plus posé, moins barré. On aime ou on n'aime pas, mais soit ! On peut dire que Tsui Hark n'a pas peur de l'originalité en mélangeant film de sabre et le thriller fantastique mâtiné d'un très léger soupçon d'horreur. Un cocktail détonant dont la dimension fantastique est symbolisée par l'un des insectes les plus chaleureux que nous puissions connaître : le papillon.
Oui ce petit insecte volant aux ailes d'une beauté parfois remarquable. Le choix de cet insecte ne tient pas du hasard vu que, dans le folklore asiatique, le papillon est étroitement apparenté au monde des esprits. Dans un premier temps, cette surprenante menace aurait pu se voir comme une revanche de la nature sur l'homme la détruisant à travers des guerres omniprésentes, incapable de comprendre l'autre et tiraillé par ses pulsions archaïques. Avec de petites connaissances acquises sur le folklore asiatique (merci l'exposition "Enfers et fantômes d'Asie" du Musée du Quai Branly. Un très chouette musée que j'ai découvert ainsi que Paris, tardivement à 24 ans !), on peut y voir un autre niveau de lecture. Un niveau de lecture plus ancestral, ésotérique même.

Ces papillons anthropophages semant la mort et le chaos partout où ils passent, pourraient refléter la vengeance des âmes perdues, victimes de la cruauté de la guerre. Des âmes vengeresses vociférant leur haine et leur frustration sur leur propre vie gâchée au nom de guerres et de massacres inutiles. Butterfly Murders pourrait, à première vue, se voir comme un manifeste pacifiste mais il n'en est rien. Alors que le potentiel était là pour en faire un métrage profond, les ambitions sont, dès le départ, sujettes à tout sauf à un spectacle intelligent. Les papillons seraient sous la coupe de certaines personnalités malfaisantes dont les objectifs se révèleront petit à petit. Bon, ça casse déjà un peu la chose car le récit aurait vraiment gagné en profondeur s'il avait été tourné autrement.
En soi, le tout est assumé donc on ne pourra pas rechigner là-dessus. Que soit, l'incident du château est ébruité un peu partout et différents guerriers tous plus obscurs les uns que les autres vont y converger, afin d'enquêter. Les intentions de certains seront floues à mesure que ces papillons feront des victimes. Des filets seront étendus pour se protéger et une grande partie du film se passera dans les tunnels souterrains. A partir de ce moment-là, on pourra se permettre de pousser une petite gueulante car ce choix de narration va impacter sur le sentiment de menace que nous étions censés être en droit d'attendre.

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Contre toute attente, les papillons ne feront pas souvent leur apparition. La menace proviendra bien de ce microcosme de combattants. Ca pose problème car on s'aventure dangereusement vers du conventionnel. Le danger ne vient pas d'une situation surréaliste mais d'une situation réaliste, en l'occurrence un banal complot. Alors que Butterfly Murders avait des inspirations plus qu'originales, le basique s'immerge un peu trop et éclipse la dimension première qui aurait dû être là : l'insolite sous forme d'un essaim de papillons indestructibles massacrant sans sourciller tout individu. Bref, on pourrait reposer nos attentes sur une dimension scénaristique stimulante.
Un véritable jeu de piste où les soupçons peuvent peser sur tous et tous peuvent être coupable de cette machination diabolique. Sauf que Tsui Hark sature son film d'éléments narratifs à foison, rendant le schéma fort alambiqué et difficile à suivre. Au final, on a bien du mal à se passionner de cet ersatz de complot qui ne nous tient jamais en laisse. Encore heureux que le métrage ne dure que 1h28 ! 

Néanmoins, tout n'est pas à jeter non plus ! Tsui Hark parvient à incorporer des scènes d'action d'une inventivité assez folle à l'image de cette poursuite sur les toits entre une jeune guerrière et un soldat masqué. Les chorégraphies sont d'un niveau de professionnalisme certain et valent pas mal le détour. L'esthétique du film ne se défend pas mal du tout. Certes, que cela soit l'édition physique ou la version illégale, certains défauts de pellicules se font ressentir et gâchent un petit peu le visuel mais on appréciera beaucoup les décors en plein jour et la luminosité.
Côté bande son, le constat est assez bon également mais là encore quelques petits défauts techniques. Pour ce qui est du casting, on retrouvera Lau Siu-Ming, Michelle Mee, Wong Su-Tong, Zhang Guozhu ou Chen Qiqi. Là encore, c'est plutôt pas mal. Les acteurs jouent bien leur personnage à l'expression volontairement déjantée. A noter que la VOSTFR vous sera d'office imposée car il n'existe tout simplement, à ma connaissance, aucune version française.

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Nous pouvons dire, en conclusion, que Butterfly Murders est un film bien étrange qui a ce mérite de réveiller l'inanité du cinéma hongkongais à l'époque. Nanti d'un budget que l'on estime peu élevé, Tsui Hark parvient à adopter un style, dans l'absolu, plaisant. Malheureusement, on ne peut pas dire que le film soit réussi. Sans aller jusqu'à partir dans des débats philosophiques, aucun second niveau de lecture n'était présent alors que l'emblème du papillon aurait mérité des choix un peu plus recherchés que de simples outils anthropophages sous contrôle. Mais bon, passons !
Il n'empêche que ces papillons ne parviennent pas à nous impressionner, à créer ce sentiment d'oppression tel qu'Hitchcock a pu le faire dans Les Oiseaux. Il n'y a pas cette tension palpable, ce danger en raison d'une enquête se déroulant un peu trop à l'abri des papillons. Il n'y a guère de suspens pour maintenir notre attention. Reste que la dimension des arts martiaux est pas mal du tout et que toute la plastique du film a son petit charme. Cependant, tout cela est bien maigre face à la faiblesse d'un cinéaste en devenir, au potentiel présent mais maladroit, dont il faut pardonner le fait que ce fut son premier long-métrage. Une note qui risquera, peut-être, d'en titiller plus d'un mais quand ça ne passe pas...

 

Note : 08/20

 

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