Genre : science-fiction
Année : 1959
Durée : 1h26
Synopsis : Une équipe de savants extraterrestres et une sorte de homard géant débarquent sur la terre. Dotés d'un menaçant rayon, désintégrateur de chair, ces extraterrestres entament l'exploration de la planète afin de la coloniser. Mais l'un d'eux se rend compte qu'il existe une véritable notion d'unité familiale sur Terre : une valeur qui fait cruellement défaut sur sa planète d'origine. L'extraterrestre va alors faire tout son possible pour arrêter le massacre.
La critique :
Certes, parmi les parangons de la série Z science-fictionnelle, les amateurs de truculence et de nanardise condescendante citeront aisément Plan 9 From Outer Space (Ed Wood, 1959), It Conquered the World (Roger Corman, 1956), Danger Planétaire (Irvin S. Yeaworth Jr., 1958), Robot Monster (Phil Tucker, 1953), ou encore Les Tueurs de l'Espace (W. Lee Wilder, 1954) parmi les pires méfaits cinématographiques. Attention à ne pas minorer l'impact fatidique et rédhibitoire de L'Invasion Martienne, soit Teenagers From Outer Space dans la langue de Shakespeare, et réalisé par les soins de Tom Graeff en 1959 ; un cinéaste inconnu au bataillon... Ou presque.
En effet, le metteur est un ancien élève de Roger Corman, le pape du cinéma bis. Sa carrière cinématographique démarre dès l'orée des années 1950.
Son premier long-métrage se nomme Toast Our Brother (1951), une production méconnue et inédite dans nos contrées hexagonales. Tom Graeff enchaîne alors avec Orange Coast College Story (1954), Island Sunrise (1954) et The Noble Experiment (1955) soit autant de productions qui lui permettent de s'aguerrir derrière la caméra. Mais c'est surtout avec Not of this Earth (1956), un film de science-fiction qu'il coréalise avec Roger Corman, qu'il connaît ses premiers relents de notoriété. Tom Graeff corrobore ses prédispositions pour la science-fiction et les extraterrestres bellicistes avec L'Invasion Martienne, une série Z qui va s'arroger le statut de film culte au fil des décennies et pour cause...
Puisqu'à l'instar de Plan 9 From Outer Space et de It Conquered the World, Teenagers from outer space va s'octroyer le titre de nanar azimuté, une gloriole peu flatteuse...
Pis, L'Invasion Martienne va même inscrire son monogramme parmi les pires films de toute l'histoire du Septième Art. Pour information, cette bisserie impécunieuse est aussi sortie sous les titres de Killers from outer space, The boy from out of this world, Invasion of the gargon ou encore The Gargon Terror. Dès le début du tournage, Tom Graeff doit composer avec un budget étriqué et même revu à la baisse pour l'occasion. Le budget imparti avoisine péniblement les vingt mille dollars. Certes, Tom Graeff griffonne un scénario élusif dans lequel il serait question d'une invasion martienne (d'où l'intitulé francisé du film...), mais le réalisateur ne dispose que d'une poignée d'acteurs sur son plateau.
Tom Graeff doit revoir ses ambitions à la baisse, mais s'ingénie sur le chemin escarpé d'une invasion extraterrestre.
Au moment de sa sortie, Teenagers From Outer Space se solde par un bide commercial. Pis, cette série B (série Z...) de science-fiction essuie les anathèmes et les quolibets des critiques et de la presse spécialisée. Reste à savoir si L'Invasion Martienne mérite une telle rebuffade. La réponse est hélas positive et c'est ce que nous allons tenter de décrypter dans cette chronique. La distribution du film ne risque pas de vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de David Love, Dawn Bender, Bryan Grant, Harvey B. Dunn, Helen Sage, Frederic Welch et Sonia Torgeson ; mais j'en doute... Attention, SPOILERS ! Une équipe de savants extraterrestres et une sorte de homard géant débarquent sur la terre. Dotés d'un menaçant rayon, désintégrateur de chair, ces extraterrestres entament l'exploration de la planète afin de la coloniser.
Mais l'un d'eux se rend compte qu'il existe une véritable notion d'unité familiale sur Terre : une valeur qui fait cruellement défaut sur sa planète d'origine. L'extraterrestre va alors faire tout son possible pour arrêter le massacre. Ce n'est un secret pour personne. La majorité des productions de science-fiction des années 1950 se nimbent de consonances martiales et sonnent à la fois le tocsin de la guerre froide et du rideau de fer qui s'est instauré en le bloc soviétique et les Etats-Unis. Cet état de paranoïa général se traduit par une xénophobie latente et irréfragable.
Certains américains poltrons et pusillanimes croient voir des espions soviétiques partout sur le territoire des Etats-Unis. Corrélativement, la zone 51 vient accréditer cette impression d'invasion, voire de fin du monde, via l'arrivée impromptue d'extraterrestres belliqueux.
Des films tels que La Guerre des Mondes (Byron Haskin, 1953), Le Jour où la Terre s'arrêta (Robert Wise, 1951), La Chose d'un autre Monde (Christian Nyby, 1951), ou encore Les Survivants de l'Infini (Joseph M. Newman, 1955) tancent et admonestent une société humaine en décrépitude. En outre, L'Invasion Martienne ne s'inscrit pas dans ce didactisme eschatologique. Cette oeuvre science-fictionnelle ne s'imprègne aucunement de velléités politiques et/ou idéologiques. Dès le préambule, le film met en exergue un décor frugal, à savoir un paysage naturel isolé au beau milieu de nulle part, mais bientôt secoué par l'arrivée d'une soucoupe volante.
Trois ou quatre aliens de nature anthropomorphique sortent de l'appareil. Leur but ? Faire de la Terre leur univers.
Pour ce faire, ils disposent d'un homard friand de chair humaine. Que soit. L'étrange crustacé est appelé à atteindre une taille démesurée et à cannibaliser l'espèce humaine. Mais Derek, un extraterrestre de passage, ne l'entend pas de cette oreille et conteste les injonctions de ses hiérarques. Le jeune homme part à la rencontre de notre civilisation et s'énamoure de la jolie Betty Morgan. La petite escapade de Derek provoque le courroux de Thor, l'un de ses comparses. Dès lors, L'Invasion Martienne oscille vers une direction alambiquée. Le film tergiverse sans cesse entre les dilections amoureuses de Derek et de sa fiancée, les pérégrinations meurtrières de Thor au sein d'une petite communauté humaine et les extravagances d'un homard géant qui décime la population locale.
Le long-métrage étonne sans cesse par la sobriété (pour être gentil...) de ses effets spéciaux. Gare à ne pas effaroucher le méchant Thor (rien à voir avec le super-héros populaire...) sous peine d'être métamorphosé en squelette de laboratoire !
Sur ce dernier point, Tom Graeff nous gratifie d'effets spéciaux joliment surannés. De surcroît, l'interprétation est au mieux indigente. Mais Teenagers from outer Space ne serait pas ce nanar pittoresque et échevelé sans les apparitions hilarantes et inopinées de son homard de service ! Faute de budget, Tom Graeff appose sur sa pellicule l'ombre d'un véritable crustacé, l'animal en mode inamovible se contentant de pousser des cris d'orfraie. On comprend mieux pourquoi cette oeuvre désopilante a marqué autant de générations de "nanardeurs" avisés.
Indubitablement, L'Invasion Martienne possède un charme ineffable, nébuleux et désuet à cause ou grâce (vous choisirez) de son aspect Bis (ou "Z") inassumé. En revanche, le film perd de sa tonitruance ringarde lorsqu'il se polarise sur les verbiages de ses divers protagonistes.
Côte : Nanar
Alice In Oliver