street trash

Genre : horreur, épouvante, gore, comédie (interdit aux - 12 ans)
Année : 1987
Durée : 1h35

Synopsis : Fred et Kevin sont deux adolescents paumés qui vivent dans une décharge, au royaume des clochards. Par misère ou méchanceté, tous ceux qui gravitent autour du bidonville leur en veulent et essaient d'avoir leur peau, sans compter un alcool frelaté qui transforme les buveurs en une flaque de bouillie jaunâtre.           

La critique :

Il faut se rendre sur le site Wikipédia (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma_bis) pour trouver une définition précise et méticuleuse du cinéma bis. Ce sous-genre cinématographique reprend donc les formules, les préceptes et les recettes éculées de films à succès. Le cinéma bis rime invariablement avec le cinéma d'exploitation et, dans une moindre mesure, avec le cinéma indépendant. Ce terme cinéphilique regroupe à la fois des pellicules impécunieuses et des productions subversives condamnées à écumer les bacs à dvd.
De surcroît, le cinéma bis n'a jamais caché son extatisme pour le registre horrifique, que ce soit en matière d'anthropophagie (Cannibal Ferox, Umberto Lenzi, 1981), de zombies en putréfaction (La Nuit des Morts-Vivants, George A. Romero, 1968), de gore qui tâche et qui pique les yeux (Braindead, Peter Jackson, 1992), ou encore de slasher irrévérencieux (Carnage, Tony Maylam, 1981).

En outre, les productions Troma, qui oscillent entre les films indépendants et la bisserie de seconde (troisième...) zone, s'emparent de ce phénomène controversé via plusieurs pellicules harangueuses et outrecuidantes, leur long-métrage le plus célèbre s'intitulant The Toxic Avenger (Michael Herz et Lloyd Kaufman, 1985). Au moment de sa sortie, le film de Lloyd Kaufman tance et vilipende un système hollywoodien sous la férule de producteurs avides et mercantiles, et en narrant les tribulations d'une créature anthropomorphe et issue de radiations toxiques.
Corrélativement, d'autres pellicules tentent d'imposer leur monogramme indélébile via le support vidéo et d'échapper au diktat régenté par le cinéma hollywoodien. C'est par exemple le cas de Street Trash, réalisé par les soins de James Michael Muro (James Muro pour les intimes) en 1987.

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Au fil des années, cette oeuvre éparse et débridée s'est octroyée le statut de film culte, un titre que Street Trash partage avec d'autres parangons (ou fleurons) du cinéma bis, notamment Braindead (précédemment mentionné), Bad Taste (Peter Jackson, 1987), Le Blob (Chuck Russell, 1988), ou encore Frères de Sang (Frank Henenlotter, 1982). Il faut se rendre sur le site IMDb (source : http://www.imdb.com/name/nm0614013/) pour trouver quelques informations élusives sur James Muro.
En l'occurrence, Street Trash reste la seule et unique réalisation de l'intéressé. Toutefois, depuis la sortie de Street Trash, l'artiste plutôt prolifique n'a pas chômé puisqu'il a officié, en tant que superviseur ou opérateur, sur les tournages de plusieurs productions proverbiales, parmi lesquelles on relève Maniac Cop (William Lustig, 1988), Vendredi 13, chapitre 8 : l'ultime retour (Rob Hedden, 1989), Predator 2 (Stephen Hopkins, 1990), ou encore Strange Days (Kathryn Bigelow, 1995).

Mais c'est sous la férule de Frank Henenlotter et en particulier sur le tournage de Frères de Sang (précédemment mentionné) que James Muro s'aguerrit derrière la caméra. Conjointement, il signe son tout premier court-métrage, sobrement intitulé Street Trash, un premier essai qui se focalise à son tour sur un microcosme urbain, et plus précisément sur cette populace fustigée et ostracisée par un consumérisme forcené. Pugnace, James Muro décide de transposer son court-métrage en une pellicule d'une heure et 35 minutes de bobine.
Hélas, ce nouveau projet cinématographique est loin de susciter l'enthousiasme des producteurs. Frileux, ces derniers somment James Muro d'euphémiser ses ardeurs. La requête est hélas ouïe par le réalisateur. Le gore, le sang et les saynètes érubescentes sont alors évincées au profit de couleurs bigarrées et étrangement irisées ; un choix qui a le mérite de désarçonner.

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Pour le reste, James Muro possède de solides arguties dans sa besace. Pour la réalisation de Street Trash, l'artiste reconnaît que les films de Russ Meyer (entre autres, Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! en 1965 et La Vallée des Plaisirs en 1970) et de John Waters (en particulier Pink Flamingos en 1972) sont les principales influences et références de cette bisserie nantie d'un budget dérisoire. Pourtant, à l'aune de Street Trash, difficile d'appréhender de telles accointances puisque le film ne contient aucune allusion érotique ou libidineuse ; si ce n'est par quelques insinuations évasives.
Certes, le scopophile avisé pourra déceler, çà et là, une jeune gourgandine dépoitraillée, mais rien d'alarmant ni d'effarouchant. Seule assonance avec le cinéma de Russ Meyer et de John Waters, c'est sûrement cet intérêt pour la plèbe et cette polarisation sur ce microcosme périurbain, à savoir ces individus haillonneux et loqueteux répudiés par la middle class américaine et condamnés à errer dans une décharge publique et parmi les déchets.

La distribution de Street Trash risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de Mike Lackey, Bill Chepill, Marc Sferrazza, Jane Arakawa, Nicole Potter et Pat Ryan ; mais j'en doute... Attention, SPOILERS ! (1) Dans le quartier de Brooklyn, le tenancier d'un magasin de boissons alcoolisées découvre, cachée derrière une paroi de sa boutique, une caisse de flacons "Viper". Il vend ces bouteilles à des clochards qui vivent dans une casse de voitures, partiellement reconvertie en un véritable bidonville. Les premiers vagabonds à consommer le mystérieux breuvage en sont pour leurs frais : il s'agit d'un violent poison ayant pour effet secondaire de les liquéfier vivants (1) ! Autant l'annoncer de suite. La réputation sulfureuse et tumultueuse de Street Trash est plutôt usurpée. Certes, l'affiche du film arbore deux pieds tuméfiés et en sérieux état de décomposition.

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Certes, le métrage de James Muro peut s'enhardir de saynètes à la fois inventives, égrillardes et condescendantes, à l'instar de ces clopinards qui se désagrègent et se liquéfient après avoir consommé de l'alcool un peu trop frelaté. Certes, le cinéaste ne se montre pas spécialement magnanime avec ces gueux sévèrement avinés qu'il mutile, estropie et dilapide avec un plaisir jubilatoire. Mais là où un Frank Henenlotter ou un Peter Jackson aurait sans doute versé dans l'excès d'impudence, Jim Muro, lui, se contente d'échanger les couleurs rougeaudes par des tonalités étrangement chromatisées. De facto, ce choix déroutant réduit subrepticement l'impact de Street Trash
En sus, le métrage a bien souffert du poids des années si bien que Street Trash se transmute promptement en une oeuvre obsolescente qui pâtit inévitablement de la comparaison avec Brain Dead, Elmer le remue-méninges (Frank Henenlotter, 1987) et une concurrence pléthorique en la matière. In fine, le film de James Muro est victime de son concept frénétique en cédant à quelques verbiages, hélas préjudiciables à la qualité du métrage. Vous l'avez donc compris.
L'auteur de ces lignes n'est guère dithyrambique à l'égard de Street Trash, mais si le film possède ses propres arguties, ainsi que ses aficionados et ses thuriféraires.

Note : 12/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://www.devildead.com/indexfilm.php3?FilmID=900