phone game

Genre : thriller, policier 
Année : 2002
Durée : 1h21

Synopsis : Stu Shepard, un attaché de presse, passe devant une cabine publique. Le téléphone sonne, Stu répond à l'appel. Une voix qu'il ne connaît pas l'informe qu'il est mort s'il raccroche le combiné. Le point lumineux d'un rayon infrarouge sur son torse prouve que le mystérieux interlocuteur ne bluffe pas... Un terrible incident ayant éclaté à quelques mètres de la cabine, la police arrive sur les lieux, flanquée de tireurs d'élite. Tous pensent que Stu, et non son invisible interlocuteur téléphonique, en est l'auteur. L'officier responsable, le capitaine Ramey, tente de convaincre Stu de sortir de la cabine...         

La critique :

Le nom de Joel Schumacher, réalisateur, producteur et scénariste américain, rappelle de biens mauvais souvenirs aux thuriféraires du justicier de Gotham puisque le metteur en scène s'est chargé de dévoyer la saga fantastique vers d'étonnantes tortuosités à travers Batman Forever (1995) et Batman § Robin (1997). La filmographie de Joel Schumacher brille avant tout par son erratisme, culminant parfois vers des productions notoires et notables, et souvent vers des productions présomptueuses et harangueuses. La carrière cinématographique de Joel Schumacher débute vers l'orée des années 1980 via The Incredible Shrinking Woman (1981), une comédie fantastique qui rend évidemment hommage à L'Homme Qui Rétrécit (Jack Arnold, 1957).
Pour le metteur en scène, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusque 1987 pour connaître son premier grand succès au box-office avec Génération Perdue.

Joel Schumacher enchaîne alors avec L'expérience interdite (1990), Chute Libre (1993), 8 millimètres (1999), Tigerland (2000), Bad Company (2002), Le fantôme de l'opéra (2004), Le Nombre 23 (2007), Blood Creek (2009) et Effraction (2011), son dernier long-métrage en date. Depuis cette ultime réalisation, peu ou prou de nouvelles de l'intéressé si ce n'est une participation à la série House of Cards (2013 - 2014). Il faut néanmoins préciser que le metteur en scène ne fait pas spécialement l'unanimité auprès des critiques et de la presse spécialisée.
Par exemple, Le fantôme de l'opéra et Le nombre 23 sont unanimement conspués et gourmandés par des critiques pour le moins sarcastiques. Que soit. En 2002, Joel Schumacher échoit de la réalisation de Phone Game, un thriller en forme de huis clos téléphonique et anxiogène, qui doit logiquement être attribué aux soins de Larry Cohen.

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Le producteur est un artisan bien connu de la série B et des séries télévisées américaines. Les thuriféraires de Larry Cohen citeront aisément la série Les Envahisseurs (1967 - 1968), Le Monstre Est Vivant (1974), Les Monstres Sont Toujours Vivants (1979), Epouvante sur New York (1982), The Stuff (1985), La Vengeance des Monstres (1987), ou encore Les Enfants de Salem (1987). En outre, Larry Cohen n'a jamais tari d'éloges ni caché son effervescence pour les films d'Alfred Hitchcock, le maître du suspense. Cela fait déjà plusieurs années que le célèbre cacographe besogne ardument sur le script de Phone Game. Le synopsis repose sur une idée roublarde, à savoir placer un homme aux tendances mégalomanes aux prises avec un psychopathe, et condamné à soliloquer avec le forcené pour ne pas se prendre une balle en pleine tête.

L'idée séduit immédiatement les producteurs avisés, ainsi que de nombreuses vedettes hollywoodiennes. Par exemple, Mel Gibson manifeste prestement son intérêt pour s'arroger le rôle principal (source : http://tortillapolis.com/critique-film-phone-game-joel-schumacher-2002/). Mais Larry Cohen refuse de céder à la tentation du lucre et du consumérisme et aspire à réaliser une série B malicieuse. Sa requête n'est hélas pas ouïe par les producteurs, Gil Netter et David Zucker. Larry Cohen reste à sa place de scénariste émérite et Joel Schumacher est chargé d'adapter un film de commande. 
Pour l'anecdote, la date de sortie de Phone Game sera maintes fois prorogée en raison d'une actualité tumultueuse. Conjointement, les Etats-Unis doivent juguler les activités meurtrières "de deux snipers terrorisant la ville de Washington" (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Phone_Game). 

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A l'époque, Phone Game recueille des avis pour le moins mitigés. D'un côté, les adulateurs encensent une pellicule iconoclaste qui parvient à transcender son concept. A contrario, les contempteurs brocardent et admonestent une production éparse, indigeste, voire racoleuse. Indubitablement, le cas de Phone Game divise les critiques et la presse spécialisée. C'est ce que nous allons tenter de décrypter à travers nos colonnes. La distribution de ce thriller se compose de Colin Farrell, Forest Whitaker, Kiefer Sutherland, Radha Mitchell, Katie Holmes, Tory Kittles, Ben Foster et Richard T. Jones.
Attention, SPOILERS ! Stu Shepard, un attaché de presse vaniteux et prétentiard, passe devant une cabine publique. Le téléphone sonne, Stu répond à l'appel. Une voix qu'il ne connaît pas l'informe qu'il est mort s'il raccroche le combiné. 

Le point lumineux d'un rayon infrarouge sur son torse prouve que le mystérieux interlocuteur ne bluffe pas... Un terrible incident ayant éclaté à quelques mètres de la cabine, la police arrive sur les lieux, flanquée de tireurs d'élite. Tous pensent que Stu, et non son invisible interlocuteur téléphonique, en est l'auteur. L'officier responsable, le capitaine Ramey, tente de convaincre Stu de sortir de la cabine... A l'aune de cette exégèse, difficile de ne pas s'enthousiasmer devant un synopsis aussi machiavélique, à condition de tenir les promesses sur une durée lapidaire, à peine une heure et vingt minutes de bobine. En vérité, Phone Game se segmente en deux parties bien distinctes. 
La première se focalise sur les activités crapuleuses de Stewart ("Stu" pour les intimes) Shepard, un attaché de presse qui cocufie sa femme avec une comédienne subalterne. 

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Pour Joel Schumacher, c'est aussi l'occasion de brosser à la fois le portrait d'un homme cupide et obséquieux et d'une société de communication désormais régie par une soliloquie ostentatoire. Indiscutablement, l'arrivée du téléphone portable a changé notre quotidien et notre façon de communiquer. Cette première section est, sans aucun doute, la partie la plus éloquente du film traduisant, de facto, cette incommunicabilité intrinsèque à notre société phagocytée par l'hédonisme et l'individualisme ad nauseam. In fine, Stu Shepard préfigure à lui seul l'intumescence de cette déréliction.
C'est sûrement pour cette raison et donc pour ce qu'il représente que Stu est choisi par un serial killer de passage. En outre, le maniaque n'est pas à pas première forfaiture. Le forcené fait montre d'une redoutable espièglerie et a déjà poussé au suicide, voire au meurtre, de précédentes victimes.

C'est la seconde partie de Phone Game. Le scénario, griffonné par les soins de Larry Cohen en son temps, trouve enfin ses principaux leitmotivs, à savoir la menace et la manipulation. Stu se retrouve dans une situation indélicate. Voilà l'attaché de presse narquois obligé de révéler ses boniments à sa propre épouse, ainsi qu'à un subordonné qu'il triture depuis plusieurs semaines ! A fortiori, l'idée de départ de Phone Game est plutôt séduisante. Stu n'est qu'un affabulateur parmi tant d'autres sommé d'expier ses fautes impardonnables. Seul bémol et pas des moindres, le susdit bonimenteur est certes un être spécieux et fallacieux, mais pas plus que la grande majorité de la populace.
De facto, on se demande pourquoi le tueur en série, lui aussi mégalomane, choisit cet individu lambda pour faire parler la poudre et déplacer toute la police, ainsi que la presse de New York. 
Pis, Phone Game nous afflige de ses moralines condescendantes via les interminables logorrhées téléphoniques de son héros en déveine. Passons également sur les longues facondes de son serial killer énigmatique ("Un téléphone qui sonne exige que l'on réponde, n'est-ce pas ?"). 
Certes, Colin Farrell se démène et le forcené se montre suffisamment habile pour faire gober l'ingénieux stratagème. En résulte un thriller parfois malicieux qui exploite, avec plus ou moins de méticulosité, son concept. Néanmoins, lors du générique final, impossible de ne pas songer ni d'ergoter la scansion suivante : "Tout ça... pour ça...".

Note : 11/20

sparklehorse2 Alice In Oliver