Genre : drame (interdit aux - 12 ans)
Année : 2000
Durée : 1h38
Synopsis : Issu d'une famille bourgeoise de Beverly Hills, Ron Decker, tombé pour un petit trafic de drogue, n'a rien d'un criminel endurci. Mais la justice choisit, en dépit de son âge, d'en faire un exemple et le condamne à une lourde peine : la réclusion à San Quentin, une des prisons les plus dures et les plus vétustes des Etats-Unis. Ron découvre alors un monde cruel et organisé avec ses clans, ses clivages ethniques, ses luttes de pouvoir et d'influence, ses échanges clandestins. Un environnement instable, violent, où le moindre relâchement peut être fatal... Un univers dont il a tout à apprendre, sous la protection d'Earl Copen, ancien chef de gang qui connaît les us et coutumes du monde carcéral sur le bout des doigts.
La critique :
Le monde carcéral, ses gardes chiourmes et ses détentionnaires ont toujours fasciné et même passionné le noble Septième Art. Ainsi, ce cinéma dramaturgique, parfois aux accents fantastiques voire méphistophéliques, peut s'enhardir de détenir un certain nombre de classiques incontournables, entre autres La Ligne Verte (Frank Darabont, 1999), Les Evadés (Frank Darabont, 1994), Un Prophète (Jacques Audiard, 2009), Midnight Express (Alan Parker, 1978), Papillon (Franklin J. Schaffner, 1973), La Grande Evasion (John Sturges, 1963), Au nom du père (Jim Sheridan, 1994), L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979), ou encore le trop méconnu Scum (Alan Clarke, 1979).
De facto, on était légitimement en droit de se demander sur quel chemin escarpé allait s'imbriquer l'acteur Steve Buscemi avec Animal Factory, sorti en 2000, qu'il réalise et scénarise.
En outre, l'artiste hétéroclite est surtout connu pour sa carrière d'acteur émérite, néanmoins relégué dans des rôles subalternes. Néanmoins, les thuriféraires de Steve Buscemi pourront aisément citer The King of New York (Abel Ferrara, 1990), Reservoir Dogs (Quentin Tarantino, 1992), Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994), Fargo (Joel Cohen, 1996), Big Fish (Tim Burton, 2003), ou encore The Big Lebowski (Joel Cohen, 1999) parmi ses rôles les plus proverbiaux.
Avant The Animal Factory, Steve Buscemi avait déjà officié derrière la réalisation d'un court-métrage, What happened to Pete (1992), inconnu au bataillon et inédit dans nos contrées hexagonales. Il enchaîne alors avec Trees Lounge (1996) qui passe, lui aussi, relativement inaperçu dans les salles et même via le support vidéo.
Avec une telle carte de visite, Steve Buscemi s'est taillé une solide réputation dans l'univers galvaudé d'Hollywood. Pour la réalisation d'Animal Factory, son deuxième long-métrage, il choisit d'adapter le roman éponyme d'Edward Bunker. Mieux, le metteur en scène parvient à coaliser plusieurs grands noms du cinéma américain via la participation de Willem Dafoe, Edward Furlong, Danny Trejo, Mark Boone Junior, Mickey Rourke, Seymour Cassel, Tom Arnold, John Heard et Chris Bauer.
A noter que Steve Buscemi vient également s'agréger parmi ce casting pléthorique... et toujours dans un rôle subsidiaire, celui d'A. R. Hosspack, le directeur d'un pénitencier dans l'Etat de San Quentin aux Etats-Unis. Dans cette distribution faramineuse, le cinéphile avisé notifiera la présence d'Edward Furlong, un comédien en pleine ascension à l'époque.
Hélas, par la suite, l'acteur sombrera dans la toxicomanie et dans un éthylisme chronique ; une longue neurasthénie qui lui coûtera presque sa carrière à Hollywood, avant de revenir (mais de façon timorée) dans quelques épisodes de séries télévisées notoires (Les Experts : Manhattan, entre autres...), avant de sombrer de nouveau dans la déchéance en 2013. Mais ne nous égarons pas et revenons à l'exégèse d'Animal Factory ! Attention, SPOILERS ! Issu d'une famille bourgeoise de Beverly Hills, Ron Decker, tombé pour un petit trafic de drogue, n'a rien d'un criminel endurci.
Mais la justice choisit, en dépit de son âge, d'en faire un exemple et le condamne à une lourde peine : la réclusion à San Quentin, une des prisons les plus dures et les plus vétustes des Etats-Unis. Ron découvre alors un monde cruel et organisé avec ses clans, ses clivages ethniques, ses luttes de pouvoir et d'influence, ses échanges clandestins.
Un environnement instable, violent, où le moindre relâchement peut être fatal... Un univers dont il a tout à apprendre, sous la protection d'Earl Copen, ancien chef de gang qui connaît les us et coutumes du monde carcéral sur le bout des doigts. A l'aune de ce synopsis, difficile de ne pas tiquer devant la trame narrative d'Animal Factory. En effet, si on scrute allègrement la concurrence apoplectique en la matière, on se demande ce qui peut ressurgir de cette énième tragédie carcérale.
Malicieux, Steve Buscemi prend son temps pour planter son décor, assez vétuste pour l'occasion. Le pénitencier de l'Etat de San Quentin pâtit d'une réputation exécrable puisque la prison confédère, à elle toute seule, les pires taulards et malotrus des Etats-Unis ; des tueurs en série, des criminels fallacieux, en passant par les délinquants sexuels les plus libidineux.
Dans cet univers séditieux, Ron Decker, une petite crapule sans envergure, est condamné soit à croupir dans les affres des oubliettes, soit à subir les roueries d'individus peu scrupuleux. En résumé, c'est l'enfer qui pointe le bout de son nez muselé à la face et à la barbe (si j'ose dire...) de Ron Decker. Dès lors, Steve Buscemi opacifie son propos et étaye les portraits de divers protagonistes en déveine. A chaque minute, à chaque instant de la journée, le joli minois de Ron est menacé par des pervers et des sadiques aux tendances satyriasiques et homosexuelles.
Contre toute attente, l'adulescent, à peine pubescent, reçoit la protection et même la mansuétude d'Earl Copen, un vieux routier de la prison qui dirige et malmène à la fois certains pénitenciers et pensionnaires avec une influence et une autorité despotiques.
Le monde carcéral apparaît alors comme une des nombreuses collatérales d'un univers souterrain, celui de la criminalité avec ses échanges, ses vindictes, ses trafics, sa xénophobie latente et ses exécutions sommaires et en catimini ; parfois sous l'oeil béat et complice de gardes félons et pusillanimes. Point de rédemption ni de réinsertion dans ce lieu lugubre et nimbé par les ténèbres. Pour survivre, il faut s'assurer de la philanthropie ou de la protection d'une tête de gondole.
"Les fauves rentrent au bercail" déclame péremptoirement un Earl Copen dogmatique à ses fidèles acolytes. Indubitablement, la rencontre impromptue avec Earl marque un tournant fatidique et rédhibitoire. Dans un premier temps rétif, Rick finit par lutiner et s'acoquiner avec ce prisonnier influent et autocratique qu'il considère à la fois comme un oracle et même comme un simulacre de figure paternelle. Certes, Earl manifeste quelques égards à priori érotomanes, mais guère plus. Les avances sont élusives et tournent même aux gaudrioles et aux rodomontades.
Indiscutablement, l'affection d'Earl pour Rick est sincère et à la fois emprunte de paternalisme et d'humanisation. Ainsi, Rick devient ce fidèle prosélyte qui aguerrit aux rouages de l'univers carcéral. C'est sans doute la section la plus éloquente du film. En revanche, Animal Factory perd une partie de sa sobriété et de sa sagacité lorsqu'il se polarise sur des desseins d'évasion, une section un peu trop invraisemblable ou capillotractée (vous choisirez...) pour susciter l'entière adhésion.
En résulte un drame probe et tout à fait recommandable, de surcroît magnifié par son duo principal, Edward Furlong et Willem Dafoe en tête.
Note : 14/20
Alice In Oliver