when black birds fly

Genre : horreur, gore, trash, extrême, inclassable, underground, expérimental, animation (interdit aux - 18 ans)
Année : 2015
Durée : 1h35

Synopsis : (1) Heaven est une merveilleuse petite banlieue où chacun peut vivre en toute tranquillité. Dirigée par Caine, seule une règle est imposée, ne jamais franchir le mur entourant la ville. Un enfant devient de plus en plus intrigué par le nombre croissant d'oiseaux noirs venant de derrière le mur... (1) 

La critique :

En l'espace d'un seul long-métrage, le bien nommé Where the Dead Go To Die (2012), le nom de Jimmy ScreamerClauz est devenu la nouvelle égérie du cinéma underground et extrême. Mais attention, pour cet artiste protéiforme, pas question de tourner un film réel et dans la grande tradition du cinéma actuel ! Seul un long-métrage d'animation peut arborer son univers cauchemardesque sur pellicule. Pour mémoire, Where the Dead Go To Die ne versait pas spécialement dans la dentelle ni dans la bienséance. L'histoire ? Labby, un chien doué de parole, guide un groupe d'amis à travers différentes dimensions où ils se retrouvent confrontés à l'avènement de l'antéchrist qui a choisi la mère de l'un d'eux pour naître. A travers ce film d'animation expérimental, radical et hétéroclite, Jimmy ScreamerClauz expose arrogamment des saynètes sanguinolentes fortement imprégnées par les dogmes spirituels.

Certains contempteurs y verront peut-être une oeuvre à consonance satanique... En l'état, difficile réellement de se prononcer... Mais Where the Dead Go To Die, c'est aussi un programme outrecuidant qui affiche complaisamment des séquences sexuelles explicites et hors norme avec un canidé provenant des limbes de l'enfer, des rites mortifères, ainsi que des séquences d'agapes et de priapées, le tout morcelé par des graphismes volontairement hideux, voire outranciers. Nonobstant ses délires oniriques et visuels, Where the Dead Go To Die narre pourtant la longue déliquescence de personnages anomiques et plus largement le portrait au vitriol d'une société en état de putréfaction.
En dépit de ses tares et de ses désagréments, notamment au niveau de la qualité de l'animation, Where the Dead Go To Die permettait d'apprécier le style épars et iconoclaste de Jimmy ScreamerClauz ; un style amphigourique, ésotérique et, in fine, indiscernable.

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Evidemment, après une telle pellicule, qui n'a pas manqué d'effaroucher les adulateurs du cinéma trash sur les réseaux sociaux et la Toile, Jimmy ScreamerClauz était impatiemment attendu au tournant. Pour When Black Birds Fly, sorti en 2015, pas question pour l'artiste insondable de réitérer les mêmes forfaitures sanguinaires ! Néanmoins, ce second long-métrage d'animation se doit de respecter l'essence et la genèse de l'univers de Jimmy ScreamerClauz. Non, le metteur en scène et scénariste n'est pas qu'un trublion se délectant de fantasmes morbides et de scènes de meurtres totalement gratuites.
Indubitablement, Jimmy ScreamerClauz possède de solides arguties dans sa besace. C'est sûrement la raison pour laquelle Stephen Biro et ses subordonnés ont fait appel à son érudition pour le triptyque American Guinea Pig.

Présenté dans divers festivals américains, When Black Birds Fly s'arroge le titre du meilleur film d'animation underground, une récompense ultime qui érige enfin le talent et le potentiel de Jimmy ScreamerClauz à la face du monde. Pour tenter de discerner une pellicule telle que When Black Birds Fly, encore faut-il se focaliser sur son synopsis. Attention, SPOILERS ! Heaven est une merveilleuse petite banlieue où chacun peut vivre en toute tranquillité. Dirigée par Caine, seule une règle est imposée, ne jamais franchir le mur entourant la ville.
Un enfant, Marius, devient de plus en plus intrigué par le nombre croissant d'oiseaux noirs venant de derrière le mur. Intrépide, le bambin finit par braver l'interdiction et découvre un univers dicté par un Dieu suprême et hégémonique, arborant deux visages différents : celui de l'amour ou celui du mal à l'état pur en fonction des labilités émotionnelles du Dieu autocratique. 

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Ce monde se révèle encore plus cauchemardesque que la ville de Heaven, révélant à Daryl les secrets indicibles de la vastité de l'univers, ainsi que ses penchants religieux... En l'état, difficile d'en dire davantage. Sur la forme, When Black Birds Fly se segmente en deux parties bien distinctes. La première s'apparente à une dystopie politique et idéologique rappelant, par certaines accointances, la société effrayante du roman 1984 de George Orwell. Dès lors, Jimmy ScreamerClauz opacifie son propos en analysant et en décryptant une dystopie terrifiante.
En se polarisant sur le cas de Marius, un enfant issu d'une procréation génétique et animale, le réalisateur décrit un monde où l'essentiel de la rhétorique se centre sur la personnalité absolutiste de Caine, une sorte de Big Brother totalement souverain sur la communauté d'Heaven ; et qui diligente, depuis sa demeure impénétrable, une répression policière.

A l'instar des dystopies habituelles, celle de Caine coalise tous les ingrédients de la dictature stalinienne via la surveillance, la propagande, la dénonciation, la répression policière, ainsi que des rituels de vénération de son gourou impératif. "Caine is watching you !" scande péremptoirement une sorte de télécran apposé en haut d'une tour. Malicieux, Jimmy ScreamerClauz a parfaitement cerné les rouages et les roueries d'un tel système, même s'il omet le didactisme du langage. Pas de novlangue dans When Black Birds Fly, mais une vague espérance de la populace envers la religion.
Or, cet aspect spirituel ne mène pas vraiment les hommes sur le chemin de la bienveillance ni de la sollicitude. C'est ce que va apprendre à ses dépens le jeune Marius... Ainsi, Jimmy ScreamerClauz fait de nombreuses allusions au péché (et donc aux sept péchés capitaux...), à la Bible, à l'Ancien et même au Nouveau Testament. 

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Mieux, When Black Birds Fly a même des aspérités philosophiques. Sur la forme, la banlieue d'Heaven s'apparente à une nouvelle relecture de l'Allégorie de la Caverne de Platon. Prière de ne pas franchir les limites de la ville sous peine de voir surgir des ombres malfaisantes ! Paradoxalement, ces mêmes ombres ignominieuses reflètent un autre versant de la réalité, celle d'un monde phagocyté par un Dieu hébéphrénique et éprouvé par une dualité qu'il ne parvient pas à juguler. Tantôt philanthrope, tantôt séditieux, ce Dieu oppressif semble malmené par ce masque équivoque.
Jimmy ScreamerClauz accentue cette dichotomie entre Heaven et le monde extérieur via tout un panel de couleurs irisées. Heaven est essentiellement marqué par un aspect noirâtre et la présence indésirable d'oiseaux ténébreux. 

A contrario, le monde extérieur se nimbe de couleurs bigarrées, quitte à verser dans la confusion la plus improbable. Jimmy ScreamerClauz métamorphose alors son décor délabré en une parabole, voire une hyperbole pataphysique de l'enfer via un bestiaire impressionnant de monstres et de créatures dolichocéphales. Vous l'avez donc compris. Difficile de décrire, avec parcimonie, une oeuvre aussi débridée que When Black Birds Fly. Depuis les élucubrations de Where The Dead Go To Die, l'oeuvre de Jimmy ScreamerClauz a gagné en pragmatisme et en sagacité.
Contrairement à Where the Dead Go To Die, qui brillait parfois (souvent...) par son amateurisme et son animation erratique, When Black Birds Fly affiche ostentatoirement des graphismes beaucoup moins saccadés. 
En revanche, le spectacle est beaucoup moins trash qu'à l'accoutumée même si on relève, çà et là, des séquences de décapitation à satiété, des régurgitations ad nauseam et encore quelques saynètes de copulation justifiant, de facto, une interdiction aux moins de 18 ans. Enfin, si quelqu'un a compris quelque chose à ce film et à cette chronique, qu'il me téléphone de toute urgence !

Note : ?

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://www.horreur.com/index.php?q=node/6050