Genre : science-fiction
Année : 1980
Durée : 1h35
Synopsis : Deux savants, travaillant sur le satellite Saturn 3, sont perturbés par une troisième personne, le capitaine James. Celui-ci se révèle de plus en plus dangereux, et leur impose son robot meurtrier...
La critique :
Entre la fin des années 1960 et l'orée des années 1980, le cinéma de science-fiction s'oriente davantage vers la conquête spatiale avec ses écueils et ses corolaires. Impression avalisée par le superbe 2001, l'Odyssée de l'Espace (Stanley Kubrick, 1968), qui corrobore cette dilection pour les fantasmagories philosophiques, cosmologiques et même théologiques. Solaris, réalisé par les soins d'Andreï Tarkovski en 1972, confirme à son tour cette prédisposition pour l'éveil de la conscience humaine vers des anfractuosités ésotériques. Mais, en 1977, la sortie de Star Wars, chapitre 4 : Un Nouvel Espoir, sous l'égide de George Lucas, change cette dialectique rédhibitoire.
Plus question de percevoir ni de concevoir l'univers comme un révélateur et un catalyseur des consciences, mais plutôt comme un immense champ de batailles intergalactiques à travers les tribulations de Luke Skywalker en chevalier Jedi.
Deux ans plus tard, Ridley Scott transmute l'espace en un paysage clos, ténébreux et comminatoire à travers Alien : le huitième passager (1979) et l'épopée du Nostromo, un vaisseau spatial qui recueille, au cours d'une mission de routine, un extraterrestre de nature xénomorphe. "Dans l'espace, personne ne vous entendra crier !" scande un Ridley Scott péremptoire. Le cinéaste ne croit pas si bien dire. Ce vide intersidéral préfigure aussi nos peurs les plus primitives et les plus archaïques (l'agoraphobie, l'acrophobie et l'achluophobie, entre autres).
Visiblement, les producteurs hollywoodiens ont beaucoup apprécié ce voyage aux confins des ténèbres, un peu trop peut-être. En 1980, Hollywood a pour ambition de réaliser un nouveau huis clos spatial. Son nom ? Saturn 3, réalisé par les soins de Stanley Donen.
Ce dernier a débuté sa carrière cinématographique en tant que danseur et chorégraphe. C'est même auprès de Gene Kelly que Stanley Donen s'aguerrit. Mais son comparse lui vole évidemment la vedette. Dès la fin des années 1940, Stanley Donen se consacre à la réalisation. Son premier long-métrage, Un Jour à New York, sort en 1949. En outre, le metteur en scène américain peut s'enhardir d'une filmographie exhaustive et prolifique, dans laquelle on relève plusieurs métrages notoires et notables, entre autres Chantons sous la pluie (1952), Au fond de mon coeur (1954), Embrasse-la pour moi (1957), Cette satanée Lola (1958), Un cadeau pour le patron (1960), Arabesque (1966), Le Petit Prince (1974), ou encore La Faute à Rio (1984).
A fortiori, rien ne prédestine Stanley Donen à signer un film de science-fiction, registre qui lui est quasiment inconnu.
De surcroît, le cinéaste affectionne davantage le registre de la comédie musicale, un genre dans lequel il excelle. C'est sûrement la raison pour laquelle les producteurs se tournent, de prime abord, pour John Barry, un chef décorateur qui a déjà officié sur les tournages de Star Wars, chapitre 4 : Un Nouvel Espoir (précédemment mentionné) et Superman (Richard Donner, 1978). Mais John Barry se fâche avec la production. Stanley Donen lui est alors préféré (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Saturn_3). Que soit. Au moment de sa sortie, Saturn 3 se solde par une rebuffade commerciale et recueille des avis peu dithyrambiques. Pour les critiques et la presse spécialisée, Saturn 3 ne serait qu'une copie galvaudée et version robotique d'Alien : le huitième passager.
Pour d'autres, le film de Stanley Donen s'apparenterait à une série B lucrative mais joliment obsolète, qui peut néanmoins s'enorgueillir de réunir un casting de prestige.
A l'aune de cette production fantasque, on se demande comment Stanley Donen et ses subordonnés ont pu convaincre Kirk Douglas, Farrah Fawcett, Ed Bishop et Harvey Keitel (encore méconnu à l'époque) de participer à ce gouffre financier. Hélas, Saturn 3 remboursera péniblement son budget imparti, mais connaîtra un regain du succès via le support vidéo. Pis, le long-métrage est même sélectionné aux Razzie Awards en 1981 dans les catégories "pire film", "pire acteur" pour Kirk Douglas et pire actrice pour Farrah Fawcett. Reste à savoir si Saturn 3 mérite de telles acrimonies.
Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... Attention, SPOILERS ! (1) Deux savants agronomes, Adam et Axelle, travaillent dans une petite station de recherche située sur Titan, un des satellites de Saturne. En total isolement depuis trois ans, ils se livrent à une série d'expériences en vue de résoudre les problèmes d'alimentation qui se posent sur la planète Terre, surpeuplée et polluée.
Leur existence s'écoule paisiblement en compagnie de leur chien Sally et de leurs trois assistants robots. Un jour se présente à eux le capitaine Benson, psychologiquement instable, qui, après avoir secrètement assassiné le capitaine James, a pris sa place afin de tester un robot, appelé Hector, tout récemment conçu (de la génération "demi-dieu", il possède un cerveau en fibres humaines). De fait, Hector, branché directement sur le cerveau de Benson, agit avec autant d'intelligence que d'indiscipline. Benson, qui ne parvient d'ailleurs plus à le contrôler et qui s'est toujours violemment opposé à Adam sur ce sujet, en est la première victime, pour avoir voulu le supplanter dans le cœur de la belle Axelle (1). Indubitablement, la présence de Stanley Donen derrière la caméra discrédite le film de toute tentative d'ébranler l'hégémonie d'Alien : le huitième passager sur le cinéma d'horreur et de SF.
Si le cinéaste maîtrise à la perfection l'art de la comédie musicale, il se montre plutôt pondéré, voire en retrait, dans cette production infatuée. Mais c'est surtout l'absence de toute trame scénaristique qui empêche Saturn 3 de contrarier l'omnipotence d'Alien : le huitième passager. En vérité, Stanley Donen semble tergiverser entre le film d'horreur à l'ancienne (celui de Ridley Scott) et les introspections beaucoup plus ésotériques de 2001, l'Odyssée de l'Espace. A l'instar du chef d'oeuvre science-fictionnel de Stanley Kubrick, Stanley Donen ergote et ratiocine sur une intelligence artificielle qui serait capable d'annihiler ou de réduire à l'état de servitude l'espèce humaine.
Là où le robot Hector affirme des émotions humaines avec une labilité qu'il ne maîtrise guère, les personnages humains s'alanguissent ; à l'instar du capitaine Benson, transi par des sentiments sociopathiques. Plutôt à la peine côté réalisation, Stanley Donen omet également sa direction artistique. De facto, Kirk Douglas et Farrah Fawcett peinent réellement à exister. Ne parlons même pas de la prestation, curieusement taiseuse, d'Harvey Keitel. Nonobstant toutes ces carences et tous ces impondérables, Saturn 3 dégage pourtant un charme suranné, celui d'une bisserie totalement désuète. Par mansuétude, nous qualifierons ce Saturn 3 de curiosité insolite.
Note : 10/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Saturn_3