Genre : horreur, gore, trash, extrême (interdit aux - 18 ans)
Année : 2015
Durée : 1h26
Synopsis : Un psychopathe portant un masque à tête de mort, sème le chaos et la désolation dans une petite ville américaine. Décapitations, viols, nécrophilie, cannibalisme. Ces crimes monstrueux et insanes dont l'infamie n'a aucune limite posent question. Quel est donc le mal qui ronge cet être désaxé et qui le pousse à commettre de telles atrocités ?
La critique :
Il y a six ans de cela, l'américain Scott Schirmer réalisait Found, un drame horrifique qui connut un certain succès dans le milieu du cinéma underground et récolta de nombreuses louanges dans les divers festivals dans lesquels il fut présenté. Ce film choc indépendant fut clairement la bonne surprise du cinéma de genre de l'année 2012. Le scénario narrait l'histoire de Marty, un adolescent souffre-douleur de ses camarades, qui découvrait par hasard que son frère aîné était un tueur en série. Déjà passionné par les vieux films d'horreur dont Headless, un slasher (fictif) sorti en 1978, le gamin s'identifiait de plus en plus à son psychopathe de frère au point que le jeune homme timide allait se transformer en meurtrier implacable. Voilà pour vous planter le décor car il est bien difficile de s'expliquer l'existence de Headless sans avoir vu Found. Destinée curieuse et à ma connaissance unique, pour ce film imaginaire devenu réalité ; un mutant de la pellicule en quelque sorte.
S'il découle directement du scénario de Found, le film qui nous intéresse aujourd'hui n'a strictement rien à voir avec ce dernier. Sans nier une seule seconde les qualités du film de Schirmer (uniquement producteur et directeur de la photographie sur Headless), les deux métrages ne jouent absolument pas dans la même catégorie.
S'il est lui aussi empreint d'une dramaturgie psychologique évidente, Headless demeure avant tout un slasher dans la plus stricte tradition du genre. Et il pourrait bien s'avérer être le slasher ultime tant il va loin dans l'insanité... Si le film, toujours en corrélation avec Found, le film est censé avoir été tourné en 1978, la qualité des effets gore et les exactions extrêmes trahissent la date réelle de la sortie du film : 2015. C'est donc du cinéma trash et underground bien actuel. Pour le reste par contre, et afin de restituer au mieux possible l'aspect vintage du film, son réalisateur Arthur Cullipher, a respecté à la lettre les codes du revival movie : générique initial façon Grindhouse, pellicule en 16mm avec grain usagé de l'image, crépitements sonore et rond blanc avant les changements de séquences, musique disco, brushings des actrices façon Farah Fawcett, voitures toutes droit sorties de "Shérif fais-moi peur", barbes et cheveux longs de rigueur, baba cool attitude, etc.
À tel point qu'un spectateur profane, ignorant l'histoire de ce film, pourrait sans aucun doute croire qu'il a effectivement été tourné il y a quatre décennies. Et il se demanderait comment il n'a bien pu jamais entendre parler de cet objet visuel surpuissant, deux fois plus choquant que tous les films d'horreur des seventies réunis !
Car Headless, malgré son manque de moyens clairement affiché, place le curseur de la violence à un niveau très largement supérieur aux vieux classiques qui ont hanté les cauchemars des adolescents de l'époque. Normal me direz-vous ; le cinéma indépendant underground "moderne" ne s'impose plus aucune limite dans la transgression. Ce qui faisait hurler d'effroi hier fait gentiment sourire aujourd'hui. Cullipher fait en tout cas preuve d'un étonnant savoir-faire dans la manière dont il retranscrit à l'écran cet univers désuet. Univers qu'il s'approprie afin de mieux déstabiliser le spectateur par ces actes de barbarie extrême, inconcevables dans un véritable film (fut-il d'horreur) des années 70, qui créent un décalage spatio-temporel assez intéressant. Si ses intentions sont bonnes et si son psychopathe est réellement terrifiant, Headless pêche parfois vers le gore trop facile sans développer l'intrigue outre mesure.
Il manque, de mon point de vue, quelques lignes de scénario supplémentaires pour venir étoffer une intrigue mince comme le fil à couper le beurre. Vous me rétorquerez que Vendredi 13 n'est pas devenu un film culte en raison de la subtilité de son intrigue. Ce n'est pas faux... Alors dans ce cas, finalement, Headless ne fait pas pire que son illustre prédécesseur.
Et ne comparons surtout pas les deux films sur l'horreur pure ; ils n'évoluent pas du tout, mais alors du tout dans la même dimension ! Attention spoilers : Charlie vit avec sa mère et sa soeur aînée dans une vieille bicoque insalubre au fin fond de la campagne américaine. Dès sa naissance le garçonnet, dénigré et persécuté par sa mère, est enfermé dans une cage d'où il n'a pas le droit de sortir. Élevé comme une bête, il n'a droit qu'à du sang d'animaux comme seule nourriture. Jusqu'à l'âge d'environ quinze ans, Charlie subit sans cesse les remontrances et les acrimonies d'une mère acariâtre. La soeur aînée n'est pas en reste et se plaît à l'humilier en lui urinant régulièrement dessus.
Un jour pourtant, elle le libère et fait mine de vouloir le dépuceler. Mais le jeune homme avait accumulé bien trop de haine en lui. Il l'égorge sans préavis, lui prélève les yeux et les avale goulûment. Sur ces entrefaites, sa mère arrive et découvre l'horrible scène. Aussitôt, Charlie la décapite puis fait l'amour avec sa tête tranchée. Arrivé à l'âge adulte, il va de manière incessante, reproduire ses méfaits sur des victimes innocentes. Des femmes et uniquement des femmes...
À travers Headless, Arthur Cullipher rend sinon un "hommage", du moins un témoignage appuyé à deux des plus grands tueurs en série de l'histoire des États-Unis. À savoir Charles Manson et Edmund Kemper. Ce n'est nullement un hasard si son "héros" s'appelle Charlie et arbore, à l'âge adulte, une dégaine à mi-chemin entre le gourou de la fameuse "Famille" et Jésus Christ. La référence à Ed Kemper est, elle, encore plus prononcée. Ed Kemper, surnommé l'Ogre de Santa Cruz. Vous savez, ce serial killer géant qui avait pour habitude de découper ses victimes et de faire l'amour avec des morceaux de leurs cadavres. Pour son dixième et dernier (?) meurtre, ce charmant personnage ne trouva rien de mieux à faire que de décapiter sa mère, de poser la tête sur sa cheminée et de s'en servir de cible pour jouer aux fléchettes. On s'amuse comme on peut. Sacré Ed... Le Charlie de Headless va encore plus loin dans la dépravation en copulant de façon frénétique avec les têtes qu'il a fraîchement tranchées.
L'action et le film sont censés se dérouler en 1978. Cela rend tout à fait crédible les références aux deux serial killers américains précités puisque Manson, décédé récemment, fut arrêté en 1969 après le massacre de Sharon Tate et de ses amis. Kemper, lui, fut emprisonné en 1973 et reste encore à ce jour derrière les barreaux.
Comparer Found et Headless n'aurait pas de sens. Beaucoup plus intéressant dans ses thématiques, Found est aussi bien plus fouillé dans le développement de sa dramaturgie. De plus, Headless n'existerait pas sans le film de Scott Schirmer. Il n'en reste pas moins que ce métrage trash et ulcérant risque d'en offusquer plus d'un. Autrement dit, il y a de fortes chances qu'il devienne un petit classique dans les milieux underground du cinéma. Cullipher frappe fort. Et il vise juste. Quoi de plus terrifiant que la maltraitance infantile ? Le réalisateur nous présente une mère monstrueuse dépourvue de toute affection envers sa progéniture. En multipliant les manifestations de rejet vis-à-vis de son fils, et cela dès sa naissance, elle crée elle-même un monstre qui va se retourner contre elle dans un déchaînement de haine et de colère inimaginable. L'inconscient du gamin étant marqué au fer rouge par ces perpétuelles humiliations, devenu adulte, il associera sans cesse les femmes qu'il croisera à la figure matriarcale.
D'où la répétition à l'infini du processus de destruction qu'il entreprend. Par ces crimes abominables, il tente d'exorciser le fantôme de sa mère qui hante encore et toujours ses souvenirs.
Cullipher a eu l'idée originale de faire accompagner son psychopathe par un gamin affublé également d'un masque à tête de mort, qui ne s'exprime que par geste ou claquement de dents. Ce gosse représente bien sûr Charlie à l'état enfantin. Ce sont ses pulsions meurtrières qui se retrouvent matérialisées en une créature visible. L'idée de la seconde topique, quoique bien trouvée, n'est pas nouvelle, loin de là. On retiendra que Bruce A. Evans l'avait déjà utilisée pour Mr Brooks en 2007 ; un thriller psychologique où William Hurt incarnait le double maléfique de Kévin Costner. En 2012, Jason Koch avait eu aussi recours à cette subtilité scénaristique dans son métrage horrifique 7th Day.
Formellement, Headless se démarque aisément des productions underground actuelles avec un visuel très seventies en 16mm, très proche de La Dernière Maison Sur La Gauche (Wes Craven, 1972) ou de Massacre À La Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974). Le réalisateur Arthur Cullipher a réussi le pari de recréer l'ambiance de l'époque. Il nous gratifie même de la bande annonce "fake" d'un film intitulé Wolf-Baby qui, bien sûr, n'existe pas, et d'un générique à la Grindhouse que n'aurait pas renié Quentin Tarantino.
Mais la qualité principale du film reste évidemment la violence graphique et le gore abondant, omniprésents de la première à la dernière minute. Égorgements, énucléations, démembrements, émasculation, cannibalisme, déviances sexuelles extrêmes, atmosphère putride, situations ultra scabreuses, décors glauques : tout est fait pour déstabiliser le spectateur et le placer dans une situation d'inconfort total. Là aussi, pari tenu. Le film est toutefois loin d'être exempt de tout reproche à l'image de sa fin trop rapide, pour ne pas dire bâclée. Mais ne soyons pas trop sévères et considérons cet essai comme une réussite globale au vu du budget famélique de cette production indépendante.
Un film d'hier tourné aujourd'hui : une idée très intéressante qu'ont eu Scott Schirmer et Arthur Cullipher. Avec un souci du détail remarquable et une générosité sans limites dans les exactions proposées, les deux hommes ont ressuscité le glorieux passé du cinéma d'horreur de notre jeunesse en le remettant au goût du jour. Et rien que pour cela, merci messieurs.
Note : 14,5/20