Genre : horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)
Année : 2018
Durée : 1h30
Synopsis : Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit. S’ils vous entendent, il est déjà trop tard.
La critique :
Depuis une bonne quinzaine d'années maintenant, le film d'horreur américain tergiverse entre le remake galvaudé (Freddy : les griffes de la nuit, entre autres...), le torture porn standardisé (Saw, Hostel et leurs nombreux succédanés) et ce retour impromptu vers le paranormal (Conjuring et Insidious, notamment...). A contrario, cette épouvante très contemporaine avait presque oublié les frayeurs à l'ancienne, celles qui nous transportaient vers les confins de la terreur, soit vers le cinéma de John Carpenter durant la période 1978 - 1995.
Certes, le maître de l'épouvante a disparu des écrans-radars depuis belle lurette, avec un dernier essai, The Ward : l'hôpital de la terreur (2011), de sinistre mémoire. Mais John Carpenter, c'est avant tout une filmographique foisonnante et exhaustive qui peut s'enhardir de véritables classiques horrifiques, notamment Halloween, la nuit des masques (1978), The Thing (1982), The Fog (1980), ou encore L'Antre de la Folie (1995).
A ces références incontournables, viennent également s'agréger d'autres pellicules effroyables, mais hélas méconnues du grand public, entre autres l'excellent Prince des Ténèbres (1987), toujours peu ou prou confiné dans les affres des oubliettes. Lui-même influencé par le cinéma d'épouvante de jadis et par ces séries B horrifiques d'un autre temps (La Chose d'un autre Monde, Christian Nyby, 1951), John Carpenter n'a jamais caché son effervescence pour ces pellicules joliment obsolètes. En dépit de leur aspect joliment désuet, ces productions des années 1950/1960 avaient pourtant cerné cette menace indicible, surgissant de nulle part, si ce n'est du vide et/ou d'un néant inextricable.
Toujours est-il que l'on avait perdu de vue cette terreur ineffable, ésotérique et à forte consonance cosmologique.
Pas John Krasinski, un cinéaste qui n'a jamais tari d'éloges pour le cinéma de John Carpenter. A l'origine, John Krasinski s'est surtout illustré en tant que comédien, que ce soit pour la télévision (les séries télévisées Les Experts, New York, section criminelle et FBI : Portés Disparus) ou encore pour le cinéma (Jahread en 2006, Jeux de Dupes de George Clooney, Away We Go de Sam Mendes, ou encore 13 Hours de Michael Bay). A l'heure où le cinéma d'horreur balbutie entre les remakes, les séquelles, les préquelles et les spin-off décrépits et autres Paranormal Activity, John Krasinski décide de revenir à davantage de sobriété. Le réalisateur ingénieux exhorte et convoque les bonnes vieilles peurs du passé (l'agoraphobie, l'achluophobie et l'acrophobie principalement) au service d'une production malicieuse, justement intitulée Sans Un Bruit, soit A Quiet Place dans la langue de Shakespeare, et sorti en 2018.
Plutôt destiné au circuit indépendant et condamné à écumer les bacs à dvd, ce long-métrage horrifique a, de prime abord, connu une sortie furtive dans quelques salles aux Etats-Unis, avant de s'acheter une popularité prompte et pour le moins surprenante. En l'espace de quelques semaines, Sans Un Bruit devient la nouvelle égérie de la presse et de critiques unanimement panégyriques. En termes de pécune et de bénéfices, le film, pourtant nanti d'un budget anomique, dépasse toutes les espérances.
A raison, John Krasinski jubile. Pour certains thuriféraires, Sans Un Bruit constitue le dernier choc cinématographique en termes d'abominations et de terreur à l'ancienne, un peu comme si l'horreur à la John Carpenter était subrepticement exhumée de son sépulcre. Reste à savoir si A Quiet Place mérite de telles flagorneries.
Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... Narquois, Michael Bay a, semble-t-il, renâclé l'habile subterfuge puisqu'il se trouve derrière la production du film. Néanmoins, impossible de déceler l'influence du producteur mercantile derrière cette pellicule impécunieuse (à peine 1.5 million de dollars de budget...). La distribution du film se compose de John Krasinski lui-même (donc à la fois devant et derrière la caméra), Emily Blunt, Noah Jupe, Millicent Simmonds et Cade Woodward.
Attention, SPOILERS ! Dans un monde post-apocalyptique, une famille tente de survivre et de déjouer les attaques récurrentes d'effroyables créatures. Ces dernières assaillent, dévorent et terrorisent au moindre bruit suspicieux. Au cours d'une expédition pour trouver de la nourriture, Lee et Evelyn Abbott voient leur plus jeune enfant se faire kidnapper, puis trucider par l'un des monstres.
Depuis, la famille Abbott vit dans la peur et la désolation, se préservant du moindre bruit qui pourrait hélas les trahir. De son côté, le patriarche cherche vainement le point faible de ces créatures qui ont décimé la quasi-totalité de la planète... A l'aune de cette exégèse, difficile de ne pas s'enthousiasmer pour A Quiet Place. A fortiori, ce long-métrage semble posséder de solides arguties dans sa besace. Toutefois, attention ! Par le passé, le cinéma hollywoodien s'était déjà enhardi de plusieurs productions à priori tétanisantes. On se souvient (ou pas...) des déceptions procurées par Paranormal Activity et du retour de Ca (Andrés Muschietti, 2017) au cinéma.
La grande force de Sans Un Bruit, à ne pas confondre avec le film quasi paronyme Pas Un Bruit (Mike Flanagan, 2016), est de jouer sur divers registres (l'épouvante bien sûr, la science-fiction, l'eschatologie, le drame familial, le huis clos et le home invasion) avec une remarquable sagacité.
Toute l'originalité de A Quiet Place tient dans son concept roublard et dans sa longue introduction en mode aphonique. Dans un monde apathique et ravagé par des créatures qui semblent surgir des ténèbres, merci de vous mouvoir dans un silence de cathédral. Le moindre faux pas, le moindre objet qui tombe inopinément, la moindre parole et le moindre son d'infortune sont immanquablement sanctionnés par l'arrivée de monstres protéiformes et particulièrement voraces. Contrairement à la majorité des productions standardisées, Sans Un Bruit n'épargne personne, encore moins les enfants, appelés à se faire tortorer par le "grand méchant loup". Sauf que le méchant loup s'apparente ici à une créature hybride et carnassière qui ne fait pas de prisonnier. On comprend mieux pourquoi le film a suscité autant de cris d'orfraie dans les salles américaines. Indiscutablement, Sans Un Bruit a un bel avenir devant lui et rappelle cet effroi véhiculé par John Carpenter et The Thing, la contamination et l'allégorie virale en moins.
Cependant, Sans Un Bruit possède d'autres argumentations dans sa besace en arborant une systémique familiale. Le film de John Krasinski n'a donc pas à rougir de la comparaison avec certains classiques immémoriaux, à condition de ne pas se laisser fourvoyer par la machine hollywoodienne et par des suites putatives et indigestes.
Note : 15.5/20
Alice In Oliver