Genre : horreur, gore, trash (interdit aux - 18 ans au moment de sa sortie, interdit aux - 16 ans aujourd'hui)
Année : 1980
Durée : 1h30
Synopsis : Des touristes arrivent sur une petite île grecque, qu'ils trouvent complètement abandonnée. En explorant les lieux ils découvrent une chambre secrète. Ils sont par la suite poursuivis par un psychopathe cannibale bien décidé à les tuer un par un.
La critique :
Réalisateur, scénariste, cadreur et directeur de la photographie italien, Joe d'Amato est souvent tancé, vilipendé et décrié par les cinéphiles les plus émérites et pour cause... Puisque le cinéaste s'est essentiellement illustré dans l'érotisme et la pornographie via l'émergence des films "X" durant les années 1980, un essor dont profite un Joe d'Amato opportuniste. Par exemple, le metteur en scène s'accaparera du phénomène Emmanuelle (Just Jaeckin, 1974), qu'il transmute en Emanuelle's Revenge (1975), Emanuelle in America (1977), Emanuelle et les filles de Madame Claude (1977), puis en Black Emmanuelle autour du monde (1977) ; à tel point que l'on peut légitimement évoquer une "Emmanuelle's Exploitation", à la seule différence que le nom de la célèbre gourgandine prend ici un seul "M" sous le regard libidineux de Laura Gemser.
Peu farouche, la comédienne sera chargée d'évincer les yeux azuréens de Sylvia Kristel... Une lapalissade... Mais ne nous égarons pas et revenons à notre chronique... Vous l'avez donc compris. Le seul nom de Joe d'Amato rime invariablement avec le cinéma d'exploitation (ou le cinéma bis...). Mieux, le réalisateur mélange allègrement la pornographie, le trash et même l'anthropophagie via plusieurs pellicules aux titres souvent évocateurs, entre autres le fameux Porno Holocaust (1981). Il profitera également des succès inopinés de Conan le Barbare (John Milius, 1982) et de la Trilogie du Dollar pour réaliser des pellicules harangueuses et souvent inédites dans nos contrées hexagonales.
Joe d'Amato réalisera donc quelques westerns spaghettis, ainsi que des films fantastiques, épiques et influencés par l'émersion de l'heroic fantasy.
Corrélativement, les années 1980 voient le slasher et les films de zombies triompher au cinéma et via le support vidéo, un phénomène exponentiel qui n'échappe pas à l'oeil avisé de Joe d'Amato. A son tour, le cinéaste compte bien s'accaparer les deux styles iconoclastes. C'est dans ce contexte qu'il signe Anthropophagous, aka L'Anthropophage chez nous, en 1980. Pour Joe d'Amato, l'objectif est à la fois de rebondir sur les succès impromptus de Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980) et de Zombie (George A. Romero, 1978), deux futurs classiques de l'épouvante qui triomphent à la même époque. Toutefois, contrairement à ses augustes devanciers, Anthropophagous n'a pas vraiment pour velléité de dresser une critique acerbe et à caractère sociologique, politique et/ou idéologique. La recette reste intrinsèquement famélique via cette exposition gratuite de tripailles et de gore pour le plus grand bonheur des thuriféraires du genre.
A contrario, Anthropophagous va estourbir durablement les persistances rétiniennes via cet étalage ostentatoire de viscères et d'abats d'animaux en guise d'exactions et de diverses érubescences. Si le long-métrage ne bénéficie pas d'une exploitation dans les salles obscures à l'époque, écopant par ailleurs d'une interdiction aux moins de 18 ans, il connaît un succès retentissant en vidéo. L'affiche du film a le mérite de présenter les animosités en arborant un zombie sévèrement décrépit et se délectant de sa propre chair. Au moins, Anthropophagous ne badine pas avec la marchandise et tient les promesses annoncées par son affiche rougeoyante.
Par la suite, la censure se montrera beaucoup plus indulgente, le film écopant d'une interdiction aux moins de 16 ans.
Grisé par ce succès et une telle publicité, Joe d'Amato réitérera quelques années plus tard avec Horrible, aka Rossa Sangue (1981), souvent considéré comme un hommage, une suite et/ou un remake de son illustre homologue. Par la suite, Andreas Schnaas, un autre parangon d'irrévérence et du cinéma trash, réalisera le remake officiel avec Anthropophagous 2000 (1999). La distribution de L'Anthropophage premier du nom se compose de Tisa Farrow, Saverio Vallone, Serena Grandi, Margaret Mazzantini, Mark Bodin et George Eastman.
Pour l'anecdote, l'actrice Tisa Farrow décidera de stopper définitivement sa carrière cinématographique après le tournage du film (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antropophagus), une anecdote qui ne manquera pas de tarabuster certains détracteurs dubitatifs, en particulier les censeurs qui s'interrogent sur les conditions de tournage.
Le nom de George Eastman, également producteur du film, mérite qu'on s'y attarde quelque peu puisque le comédien s'est lui aussi illustré dans l'univers étriqué de la série B, notamment dans Django tire le premier (Alberto De Martino, 1966), Pas de roses pour OSS 117 (Renzo Cerrato, 1968), Emmanuelle et Françoise (Joe d'Amato, 1975), Les Nouveaux Barbares (Enzo G. Castellari, 1982), ou encore 2019, après la chute de New York (Sergio Martino, 1983). Mais, encore une fois, ne nous égarons pas et revenons à l'exégèse d'Anthropophagous !
Attention, SPOILERS ! Des touristes arrivent sur une petite île grecque, qu'ils trouvent complètement abandonnée. En explorant les lieux ils découvrent une chambre secrète. Ils sont par la suite poursuivis par un psychopathe cannibale bien décidé à les tuer un par un.
Le principe d'Anthropophagous repose donc sur un concept aussi basique que lapidaire. Des amis, dont une donzelle affublée de dons de médiumnité, décident de passer des vacances sur une péninsule insulaire. Mais l'endroit est étrangement esseulé et vidé de sa population locale. Sur place, Julie et sa bande doivent alors s'empoigner avec un certain Nikos Karamanlis, un patriarche pris de folie, qui a assassiné sa femme et son propre fils. Dès lors, Anthropophagous adopte son rythme de croisière et tergiverse entre les verbiages moyennement palpitants de ces divers protagonistes et l'érection de la figure décharnée de George Eastman à l'écran. Autant l'annoncer de suite.
Le comédien et producteur chipe la vedette au reste du casting. Certes, ses apparitions sont plutôt élusives, tout du moins durant la première heure du film, avant d'offrir la boucherie promise par l'affiche du film.
A ce sujet, la saynète du nourrisson dévoré par un George Eastman totalement échevelé ne manquera pas de susciter les anathèmes et les quolibets. C'est sûrement pour cette raison que le film a écopé de l'ultime interdiction en son temps, se nimbant d'un parfum de souffre et de scandale. Heureusement, les effets spéciaux sont essentiellement composés à partir d'abats, largement éparpillés pour l'occasion. On retiendra également cette fameuse séquence d'auto-cannibalisme, George Eastman tortorant ses propres intestins !
Malicieux, Joe d'Amato opacifiera encore les inimitiés dans Horrible.
Cependant, c'est bien Anthropophagous qui remporte haut la main la palme de l'impudence et de la nonchalance en proposant un spectacle âpre, nihiliste et véhément qui ravira, sans aucun doute, les adulateurs de tripailles et du cinéma bis. Ma note finale fera donc preuve d'une étonnante mansuétude car le film n'est pas exempt de tout reproche et n'élude pas les archétypes habituels...
Note : 14/20
Alice In Oliver