Genre : documentaire
Année : 2014
Durée : 1h33
Synopsis : (1) De par leur aspect raciste et antisémite entre autres, certains films tournés pendant le IIIe Reich sont aujourd'hui complètement interdits. Dans cette enquête, le réalisateur Felix Moeller interviewe des historiens du cinéma allemand, des archivistes et des amateurs de films sur la puissance et le danger potentiel du cinéma utilisé à des fins idéologiques. En analysant des séquences de films, et en filmant les réactions et les discussions lors de projections publiques à Munich, Berlin, Paris et Jérusalem, Felix Moeller nous montre l'effet puissant de la propagande dans ces films, pourtant datés de plus de 70 ans, quand elle est présentée à des publics réceptifs à la manipulation. Un héritage sombre de notre Humanité qui nous fait nous poser la question : ces archives doivent-elle être conservées, ou bien détruites ? (1)
La critique :
Dès son accession au pouvoir en 1933, Adolf Hitler comprend la puissance et l'impact de l'image sur la populace allemande. Le dictateur autocratique (pléonasme...) est pourtant un cinéphile avisé qui admire en catimini le style cérémonieux de Fritz Lang, en particulier le film Siegfried (1924). A contrario, bien que marié à une jeune femme, Thea von Harbou, qui adoube et révère le régime nazi, ainsi que sa politique de propagande et de censure, Fritz Lang décline les nombreuses propositions de Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande et de l'Education du Peuple.
Bien conscient de la nocuité du régime nazi qui érige et prône l'aryanisation de l'Europe dans les années, les décennies et même les siècles à venir, le réalisateur autodidacte s'exile aux Etats-Unis et signera par ailleurs plusieurs films prestigieux.
Corrélativement, Adolf Hitler admire et adule des classiques tels que Blanche-Neige et les Sept Nains (David Hand, 1937), ainsi que des dessins animés de Mickey Mouse. Même remarque concernant Joseph Goebbels. Sous l'oeil avisé du Führer, le ministre de la Propagande diligente et prodigue une politique coercitive. Des noms tels que Robert Wiene, Henrik Galeen, Fritz Kortner, ou encore Peter Lorre ne tardent pas à suivre l'exemple de Fritz Lang en s'expatriant à l'étranger, la plupart du temps aux Etats-Unis. Conjointement, le régime despotique instauré par Hitler et Gobbels rallie tout de même quelques artistes cérémonieux et prêts à s'acoquiner avec une politique rigoriste qui vante, à contrario, la figure absolutiste du Führer, ainsi que les vertus du régime nazi.
Les rares contempteurs sont priés de se taire ou de fuir avant d'être arrêtés, exécutés ou envoyés dans des camps de la mort.
Ainsi, le cinéma de propagande nazie peut escompter sur de grandes figures du Septième Art allemand, entre autres Veit Harlan, Hans Steinhoff, Karl Ritter, Hans Bertram et surtout Leni Riefenstahl, autant de noms tristement populaires. Le cinéma de propagande nazie se polarise sur plusieurs axes de belligérance avec évidemment comme figure de proue ou de chasse (vous choisirez...) l'antisémitisme. Mais les films de cette période se focalisent également sur une anglophobie ostentatoire, ainsi que sur l'euthanasie, et surtout sur une figure hiératique qui fait figure à la fois de guide et d'oracle.
C'est ce que tente d'analyser et de décrypter Felix Moeller dans son passionnant documentaire, Les Films Interdits. L'Héritage Caché du Cinéma Nazi, sorti en dvd en 2014. A noter que ce long-métrage, d'une durée académique d'une heure et 33 minutes de bobine, est également connu sous l'intitulé de "Les films interdits du IIIe Reich".
A fortiori, le documentaire a été diffusé sur la chaîne Arte en 2017. Ingénieux, Felix Moeller est donc parti à la rencontre d'historiens, d'archivistes et de divers spécialistes afin de poser la question suivante : faut-il diffuser ou interdire les films de propagande nazie ? Durant la période 1933 - 1945, Hitler, Goebbels et leurs fidèles prosélytes ont produit et réalisé plus de 1200 films à caractère politique, historique et idéologique. Aujourd'hui, quarante de ces longs-métrages sont bannis et conservés précieusement sous scellés, interdits de diffusion pour leur nocuité avérée.
La question est d'autant plus d'actualité avec l'interdiction récente de publier le livre Mein Kampf pour son discours antisémite exacerbé. Or, cet ouvrage est facilement disponible sur Internet via la méthode du téléchargement. Même remarque concernant les films héritiers du régime nazi.
Il suffit de se rendre sur le site YouTube pour visionner Le Juif Süss (Veit Harlan, 1940) ou encore Les Rotschilds (Eric Waschneck, 1940). La censure exercée sur ces oeuvres, certes séditieuses et acrimonieuses, est donc "gentiment" (si j'ose dire...) hypocrite. Telle est, par ailleurs, l'exégèse du documentaire réalisé par Felix Moeller. Attention, SPOILERS ! De par leur aspect raciste et antisémite entre autres, certains films tournés pendant le IIIe Reich sont aujourd'hui complètement interdits. Dans cette enquête, le réalisateur Felix Moeller interviewe des historiens du cinéma allemand, des archivistes et des amateurs de films sur la puissance et le danger potentiel du cinéma utilisé à des fins idéologiques. En analysant des séquences de films, et en filmant les réactions et les discussions lors de projections publiques à Munich, Berlin, Paris et Jérusalem, Felix Moeller nous montre l'effet puissant de la propagande dans ces films, pourtant datés de plus de 70 ans, quand elle est présentée à des publics réceptifs à la manipulation.
Un héritage sombre de notre Humanité qui nous fait nous poser la question : ces archives doivent-elle être conservées, ou bien détruites ? Plus que la question de la censure ou de l'éventuelle conservation de ces oeuvres pour le moins discriminatoires (pour être gentil...), la véritable question concerne le passé d'une Allemagne encore poursuivie par ses démons aux relents antisémites, xénophobes et ultra nationalistes. C'est d'ailleurs la remarque scandée par l'un des historiens interrogés. Certes, la vision de ces productions désormais obsolètes peut prêter à sourire, ne serait-ce (déjà) que par leur caractère suranné, leurs caricatures outrancières sur la pureté aryenne et sur cette volonté farouche de chasser l'étranger, en particulier le juif, donc le bouc-émissaire tout désigné.
En admettant cette caricature ubuesque voire ordurière, alors pourquoi s'ingénier à laisser ces films de propagande dans la pénombre ?
Pourquoi, de facto, s'interroger sur leur nocuité ? Désormais, en Allemagne, plusieurs congrégations intellectuelles se coalisent pour visionner Le Juif Süss et débattre sur sa perniciosité. Parmi tous les films réalisés durant cette période et sous l'aval de Goebbels et d'Adolf Hitler, Le Juif Süss est sans aucun doute le métrage le plus tristement notoire et sans doute le plus antisémite. Paradoxalement, le film se solde par un immense succès commercial au moment de sa sortie en coalisant plus de vingt millions de spectateurs dans les salles.
Pis, à l'époque et sous le contrôle répressif du régime nazi, les critiques se montrent curieusement panégyriques et encensent une oeuvre qu'elles jugent dantesque et dotée de moyens pharaoniques. Par la suite, des cinéastes aguerris tels que Michelangelo Antonioni et Stanley Kubrick se montreront eux aussi élogieux envers ce long-métrage fallacieux.
Exempt le cas échevelé de Le Juif Süss, d'autres films sont également évoqués. C'est par exemple le cas de Stukas (Karl Ritter, 1941) qui avalise la nécessité de mener une guerre sans merci aux Britanniques. Le Jeune Hitlérien Quex (Hans Steinhoff, 1933) oppose l'idéologie communiste, jugée spécieuse et nauséabonde, aux doxas hitlériennes qui permettent d'ériger une jeunesse évidemment triomphante. Le film Heimkehr (Gustav Ucicki, 1941) est une véritable déclaration belliqueuse à la Pologne et évoque déjà la nécessité d'ériger des camps de concentration pour éradiquer la vermine (ici, les Polonais...). Suis-je un assassin ? (Wolfgang Liebeneiner, 1941) traite de la question de l'euthanasie et en particulier de sa nécessité de l'appliquer aux personnes souffrant de handicap et/ou de troubles psychiques. Les Rotschilds (précédemment mentionné) affilie le capitalisme à une internationale juive qui fomenterait de savants complots contre l'Europe.
Tous ces films, quel que soit leur nuisibilité, ne sont pas seulement l'héritage de la propagande d'Hitler, un système factieux qui avait déjà cerné le pouvoir de l'image sur les masses, mais aussi le legs laissé à une Allemagne encore sénescente, au mieux convalescente de cette période nimbée par les ténèbres, l'Holocauste ou la Shoah, arguerait un Claude Lanzmann péremptoire. En résulte un documentaire souvent captivant, ponctué par de nombreux extraits démonstratifs, même si le film de Felix Moeller se trompe (à mon humble avis) de question...
Note : 14/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du documentaire sur : https://www.on-mag.fr/index.php/video-hd/blu-ray-dvd/16282-actualites-dvd-les-films-interdits-l-heritage-cache-du-cinema-nazi-la-question-cruciale-de-la-diffusion-des-films-de-propagande-nazie
Par contre, rien à voir mais l'affichage des images serait dû à un bug généralisé de Canalblog d'après ce que j'ai pu voir sur Facebook