Genre : drame, propagande (film censuré et interdit)
Année : 1940
Durée : 1h37
Synopsis : (1) Le prince Guillaume IX de Hesse est contraint par Napoléon de prendre la fuite. Pendant ce temps à Francfort en 1806, Mayer Amschel Rothschild le soutient financièrement en apportant 600 000 £ de prêts obligataires pour lever une armée de volontaires de Hesse. Mayer Rothschild envoie son fils Nathan à Londres et son autre fils James à Paris spéculer sur cet argent. Il finance avec l'argent du prince de Hesse l'armée de Wellington pour combattre l'armée de Napoléon en Espagne (1).
La critique :
Lors de la chronique consacrée au documentaire de Felix Moeller, Les films interdits. L'héritage caché du cinéma nazi, nous avons évoqué le cinéma du IIIe Reich, ainsi que ses principales doxas prioritaires. En outre, le chancelier autocratique, Adolf Hitler et son ministre de la Propagande et de l'Education du Peuple, Joseph Goebbels sont des cinéphiles avisés qui louangent et sacralisent les qualités cinéphiliques de Blanche-Neige et les Sept Nains (David Hand, 1937), ou encore de King Kong (Ernest B. Schoedsack, 1933). Le noble Septième Art devient ce pouvoir hégémonique, séditieux et transgresseur qui doit convertir la masse aux doxas hitlériennes.
Après avoir évincé un certain nombre de figures artistiques prééminentes, entre autres les peintres et les sculpteurs reliés à l'art moderne que le nazisme répugne et admoneste, le régime despotique d'Hitler flagorne, à contrario, certains réalisateurs prédominants.
Approché par Goebbels et ses fidèles subordonnés, le cinéaste Fritz Lang décline poliment l'invitation. Mais gare à ne pas effaroucher un système absolutiste qui érige la torture et les camps de la mort pour dissiper la moindre once de dissidence ! Fritz Lang s'expatrie alors aux Etats-Unis. Bientôt, ce sont d'autres artistes prestigieux qui s'acheminent sur le même continuum. A l'inverse, d'autres réalisateurs lutinent et s'acoquinent avec la propagande instillée par Goebbels.
Les plus célèbres se nomment Leni Riefenstahl, Veit Harlan, Erich Waschneck, Hans Steinhoff, Karl Ritter, ou encore Hans Bertram. Tous ces metteurs en scène font voeu d'allégeance au nazisme et à sa propagande pernicieuse. Leurs films sont évidemment axés sur un discours à la fois antisémite, nationaliste, patriotique, politique, historique et idéologique.
Pis, la plupart de ces productions obséquieuses se nimbent de la mention "inspirée d'un fait réel", soit une autre façon de détourner la réalité et de la rendre conforme à l'idéologie prégnante et dominante. Evidemment, Les Rothschilds, réalisé par Erich Waschneck en 1940, ne fait pas exception. En outre, le scénario du film s'inspirerait (un terme vraiment à minorer et à guillemeter) d'une famille qui s'est enrichie grâce aux guerres et aux victoires napoléoniennes durant le XVIIIe siècle. La famille opulente est juive. De facto, le métrage prône un discours xénophobe, haineux et donc antisémite. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale qui marque la chute puis le suicide d'Hitler, Les Rothschilds est voué à l'opprobre et aux gémonies. Il connaît le même sort que Le Juif Süss (Veit Harlan, 1940), souvent considéré comme l'oeuvre la plus antisémite de la propagande "nazillarde".
Les Rothschilds est interdit de diffusion en Allemagne, ainsi que dans l'ensemble des contrées occidentales. Même encore aujourd'hui, Les Rothschilds fait l'objet d'une farouche réprobation puisque le film est conservé précieusement sous scellés quelque part dans un conservatoire cinématographique en Allemagne. A l'instar de Le Juif Süss, le métrage est parfois diffusé lors de certaines congrégations intellectuelles avec pour vocation de débattre sur la nocuité de cette production acrimonieuse et propagandiste. Le débat reste encore d'une actualité étonnante et traduit cette incapacité de l'Allemagne à phagocyter les vieux démons du passé. En outre, il serait possible, selon certains contempteurs, que ce genre de pellicule puisse ressusciter la peste concentrationnaire, ainsi qu'une armada de "nazillons" belliqueux.
Quant à Erich Waschneck, le cinéaste appartenait à ses fervents admirateurs et laudateurs du régime nazi, auquel il se rallie en 1933.
Issu du cinéma muet, le metteur en scène fait partie de ces figures incontournables (hélas...) du cinéma de propagande. En l'occurrence, Les Rothschilds sera et restera son métrage (hélas) le plus proverbial. La chute du régime hitlérien mettra presque un terme définitif à sa carrière cinématographique. Selon certaines sources, Erich Waschneck ne tournera plus que deux films après la Seconde Guerre Mondiale et mourra dans l'oubli et l'indifférence en 1970, intrinsèquement relié à l'antisémitisme et à l'Holocauste fomenté par les nazis. Par conséquent, dire que Les Rothschilds est une oeuvre scandaleuse et polémique est un doux euphémisme ! Le rôle de Mayer Amschel Rothschild est tenu par un certain Erich Ponto, un acteur populaire en Allemagne.
Contrairement à Erich Waschneck, le comédien ne souffrira pas trop de ses accointances avec le régime hitlérien après la fin de la guerre.
Il continuera de tourner dans de nombreux films jusqu'en 1957, la date de sa mort après une longue maladie. Viennent également s'agréger Karl Kuhlmann, Albert Lippert, Hans Stiebner, Herbert Hübner, Hilde Weissner, Hans Leibelt et Albert Florath. Attention, SPOILERS ! Le prince Guillaume IX de Hesse est contraint par Napoléon de prendre la fuite. Pendant ce temps à Francfort en 1806, Mayer Amschel Rothschild le soutient financièrement en apportant 600 000 £ de prêts obligataires pour lever une armée de volontaires de Hesse. Mayer Rothschild envoie son fils Nathan à Londres et son autre fils James à Paris spéculer sur cet argent. Il finance avec l'argent du prince de Hesse l'armée de Wellington pour combattre l'armée de Napoléon en Espagne.
Bon, autant l'annoncer de suite. Les Rothschilds n'a évidemment pas usurpé son statut d'oeuvre farouchement antisémite.
Certes, contrairement à Le Juif Süss qui insulte à tout instant la communauté judaïque, Les Rothschilds se montre un peu moins ordurier, tout du moins en apparence. Paradoxalement, le film arbore un discours tout aussi factieux et harangueur. Le scénario repose sur une dialectique à priori irréfragable. Aux yeux d'Hitler et de la propagande diligentée par Joseph Goebbels, les juifs auraient pour vocation de se coaliser en une internationale politique segmentée en plusieurs réseaux captieux à travers toute l'Europe ; de la France à l'Angleterre, en passant évidemment par l'Allemagne.
Une fois toutes ces factions tracées sur une carte, ces dernières forment et représentent une calligraphie hébraïque. Le dessin symbolise "les branches de Jérusalem", destinées à s'étendre sur le monde entier et à convertir la population mondiale aux roueries savamment fomentées par une oligarchie judaïque... On croit fabuler !
Hélas, cette étoile jaune deviendra la figure de chasse de tout un régime "nazillard" qui enverra six millions de Juifs dans les camps de la mort, un "détail" (sic...) que le film omettra bien sûr de préciser... Pour Erich Waschneck, les Juifs sont intimement reliés au monde bancaire et à un capitalisme qui s'enrichit sur le dos de la plèbe, de la mort et de la guerre. A travers cette caricature au mieux ségrégationniste, on voit déjà poindre toute la manipulation propagandiste. Il est d'ailleurs amusant de notifier que c'est justement le régime nazi qui versera le sang et instaurera la terreur pour ériger et asseoir sa suprématie en Europe et dans le monde entier.
Pour le reste, difficile d'être particulièrement volubile avec cette production absconse, tellement antisémite qu'elle en devient au mieux funambulesque à condition, bien sûr, de percevoir son idéologie fallacieuse. Sur ce dernier point, Erich Waschneck ne nous refuse aucune excentricité et décrit des Juifs cupides, rogues et félons qui s'accointent avec le pouvoir en place pour mieux le dissoudre par la suite. Vous l'avez donc compris. Les Rothschilds n'a pas usurpé son statut d'oeuvre honni et décrié pour son discours outrageusement antisémite.
En fait, la vraie question concerne la manipulation orchestrée par ce type d'oeuvre cinématographique et comment le Septième Art peut servir, bon gré mal gré, des desseins particulièrement bellicistes. Un film parfaitement non notable, mais qui intéressera sans doute les férus d'histoire, en particulier ceux qui affectionnent les rouages de la Seconde Guerre Mondiale.
Note : ?
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Rothschilds