Genre : horreur, épouvante (interdit aux moins de 12 ans)
Année : 2017
Durée : 1h32
Synopsis : Alors que le monde est en proie à une menace terrifiante, un homme vit reclus dans sa propriété totalement isolée avec sa femme et son fils. Quand une famille aux abois cherche refuge dans sa propre maison, le fragile équilibre qu'il a mis en place est soudain bouleversé.
La critique :
Certes, la guerre froide est terminée depuis la fin des années 1980. A fortiori, plus personne (ou presque...) ne devrait tressaillir à l'idée d'une Troisième Guerre mondiale putative. Une hérésie. La menace reste toujours prégnante, surtout à l'aune d'une actualité hélas bouillonnante. Depuis la sortie de La Nuit des Morts-Vivants (George A. Romero, 1968), le cinéma d'épouvante est le premier à s'être inquiété de cette fatalité mortifère. A travers ce film de zombies décrépits, George A. Romero psalmodie un discours idéologique et politique.
En outre, le cinéaste américain n'épargne pas le gouvernement américain qu'il récuse pour son discours martial, xénophobe et empreint de pusillanimité. Tout au long de sa carrière et de sa filmographie, George A. Romero n'aura de cesse de tancer et de vitupérer contre une société en pleine déréliction et gangrénée par ses propres carences, à savoir cette scopophilie ostentatoire et cet attrait pour le consumérisme.
Impression corroborée par Zombie (1978), La Nuit des Fous Vivants (1973), Le Jour des Morts-Vivants (1985), Le Territoire des Morts (2005), Chronique des morts-vivants (2008), ou encore Le Vestige des Morts-Vivants (2009). Son style âpre et rédhibitoire va influencer de nombreux films de genre avec l'infection virale pour principal leitmotiv. Les thuriféraires de ce registre cinématographique citeront aisément des films tels que Rec (Jaume Balaguero et Paco Plaza, 2007), 28 Jours plus tard (Danny Boyle, 2002), L'Armée des Morts (Zack Snyder, 2004), Dernier Train pour Busan (Yeon Sang-Ho, 2016), L'Enfer des Zombies (Lucio Fulci, 1979), ou encore Le Massacre des Morts-Vivants (Jorge Grau, 1974) parmi les références notoires, voire incontournables.
De facto, on pouvait légitimement se demander ce qu'allait bien pouvoir nous raconter Trey Edward Shults avec It Comes At Night, sorti 2017.
Autant l'annoncer d'emblée. Le long-métrage n'a pas connu les faveurs d'une exploitation dans les salles obscures, tout du moins dans nos contrées hexagonales. A contrario, It Comes At Night s'est enhardi d'une certaine réputation via différents festivals (notamment au The Overlook Film Festival dans l'Oregan et lors du Champs-Elysées Film Festival). De surcroît, cette production indépendante a rapidement rencontré les satisfécits sur la Toile et les réseaux sociaux, se créant un clan solide de laudateurs et de fervents admirateurs. Reste à savoir si It Comes At Night mérite de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique...
En l'occurrence, Trey Parker Shults est un tout jeune réalisateur qui dénote par son noviciat. Néanmoins, le metteur en scène affectionne tout particulièrement le cinéma contemplatif de Terrence Malick et a officié, en tant qu'assistant-caméraman, au tournage de The Tree of Life (Terrence Malick, 2011).
It Comes At Night constitue également la seconde réalisation de Trey Parker Shults et succède à Krisha (2016), un court-métrage initial transformé en long-métrage, et qui a remporté plusieurs prix dans divers festivals. Pour It Comes At Night, Trey Parker Shults se réclame de diverses influences proéminentes, entre autres Shining (Stanley Kubrick, 1980) et La Nuit des Morts-Vivants (précédemment mentionné), ainsi que le cinéma de John Cassavetes et de Paul Thomas Anderson.
Voilà de bien jolis monogrammes pour une oeuvre nantie d'un budget impécunieux et qui fait davantage office de série B ! La distribution du film se compose de Joel Edgerton, Christopher Abbott, Carmen Ejogo, Kelvin Harrison Jr., Riley Keough, Griffin Robert Faulkner et David Pendleton. Attention, SPOILERS ! (1) Une épidémie mortelle et contagieuse a ravagé le monde extérieur.
Paul, sa femme Sarah et leur fils Travis se sont isolés chez eux, dans une maison de campagne, pour se protéger du virus et de tout contact humain avec autrui. Quand le père de Sarah, Bud, tombe gravement malade, ils le tuent et brûlent son corps dans une tombe peu profonde. La nuit suivante, ils capturent un inconnu qui s'est introduit chez eux. Paul l'attache à un arbre pour confirmer qu'il n'est pas contaminé. L''homme, Will, déclare à Paul qu'il ignorait que leur maison était occupée et qu'il recherchait seulement de l'eau fraîche pour sa femme et son petit garçon.
Will lui propose d'échanger de la nourriture contre un peu d'eau. Sarah suggère à son mari d'abriter Will et sa famille. Elle pense qu'ils pourront mieux se défendre avec eux contre quiconque qui découvrira un jour leur maison. Paul accepte et part avec Will chercher sa famille (1).
A l'instar de films d'horreur sortis récemment, notamment The Witch (Robert Eggers, 2015), The Ritual (David Bruckner, 2017), Sans Un Bruit (John Krasinski, 2018), ou encore Hérédité (Ari Aster, 2018), It Comes At Night signe le grand retour de l'épouvante psychologique et à tendance paranoïaque. En outre, ces peurs archaïques et reptiliennes ne datent pas d'hier dans le cinéma horrifique. Naguère, un réalisateur tel que John Carpenter se réclamait déjà de ce cinéma de jadis à travers des oeuvres telles que The Fog (1980), The Thing (1982), ou encore Prince des Ténèbres (1987).
La terreur, la peur, la claustration et l'eschatologie effectuent leurs réminiscences et se condensent ici sur une seule et même pellicule. Tel semble être le principal apanage de It Comes At Night. Bien qu'affublé du statut de série B, cette production se veut à la fois âpre, comminatoire et cérémonieuse.
Indubitablement, par son climax et son ambiance à la fois éthérée et anxiogène, It Comes At Night se place au-dessus de la moyenne des DTV (direct-to-video) habituels. Le sceau et l'influence du cinéma de Terrence Malick sont palpables, presque indélébiles. L'horreur ânonnée par Trey Parker Shults est et sera contemplatif. Les personnages, tous reclus dans la pénombre, éviteront de scander de longs discours ou de se montrer trop prolixes. De ce fait, difficile de décrire avec parcimonie la situation. A ce sujet, Trey Parker Shults se montre volontairement élusif.
Le spectateur est forcé d'employer son imagination, ainsi que ses propres fantasmagories pour songer à une contamination féroce et exponentielle, ainsi qu'à des versants apocalyptiques qui ont plongé le monde dans le chaos et la dissolution la plus totale.
Trey Parker Shults opacifie son propos en se polarisant sur Paul, un patriarche qui a imposé à sa famille des principes rigoristes. Mais tel est le prix à payer pour survivre dans un monde incertain et en désuétude. Prière de ne jamais sortir la nuit et surtout de vous munir d'un masque pour éviter la moindre exposition à une inoculation énigmatique ! Dès lors, Trey Parker Shults prend son temps pour planter son décor (assez rudimentaire en l'occurrence) et ses divers protagonistes. Précautionneux, Trey Parker Shults parvient à illusionner son audimat pendant plus d'une heure de bobine.
Hélas, durant sa dernière demi-heure, l'entreprise montre aussi ses écueils et ses corolaires en adoptant une tonalité beaucoup plus classique et conventionnelle. En résulte un film d'épouvante réalisé par un nouveau virtuose de la caméra, mais d'une apathie souvent affligeante qui finira par courroucer les cinéphiles les plus aguerris. A contrario, il serait tout de même bien vachard de ne pas reconnaître les qualités inhérentes de cette pellicule. C'est sans doute la raison pour laquelle It Comes At Night divise autant les critiques que les spectateurs dubitatifs.
Pour être apprécié à sa juste valeur, ce film d'épouvante à l'ancienne nécessite sans doute plusieurs visionnages. Toujours est-il que c'est la circonspection qui point lors du générique final...
Note : 12/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/It_Comes_at_Night