nuit a dévoré le monde

Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 2018
Durée : 1h34

Synopsis : En se réveillant dans un appartement sens dessus dessous à cause d'une fête organisée la veille, Sam se trouve seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et tout faire pour survivre...   

La critique :

Il faut se rendre sur le site Cinetrafic et en particulier sur le lien suivant : https://www.cinetrafic.fr/liste-film/2780/1/le-film-d-epouvante-horreur-a-la-francaise pour déceler une liste foisonnante et exhaustive répertoriant plus de 85 films (87 pour être précis...) d'horreur à la française. Il faut bien l'admettre et le reconnaître. Nonobstant certaines apparences et un regain de notoriété depuis quelques années, l'épouvante n'a jamais été l'apanage de notre cinéma hexagonal, plutôt pingre en matière d'érubescence, de gore et d'hémoglobine. Certes, les thuriféraires de l'horreur à la française contesteront cette dialectique à priori rédhibitoire en notifiant plusieurs oeuvres notables et notoires, entre autres Haute Tension (Alexandre Aja, 2003), Les Yeux Sans Visage (Georges Franju, 1960), Calvaire (Fabrice du Welz, 2003), Martyrs (Pascal Laugier, 2008), Frontière(s) (Xavier Gens, 2007), Baby Blood (Alain Robak, 1990), Baxter (Jérôme Boivin, 1988), Vinyan (Fabrice du Welz, 2008), ou encore plus récemment Grave (Julia Ducournau, 2016).

En outre, notre cinéma hexagonal n'a jamais, ou alors peu ou prou, exploré les zombies et les cadavres décrépits. L'une des seules exceptions notables se nomme La Horde (Yannick Dahan et Benjamin Rocher, 2010), un film gore qui n'avait pas spécialement laissé une marque indélébile, loin de là. Il était donc temps de rectifier cette bourde lacunaire avec La Nuit A Dévoré le Monde, réalisé par les soins de Dominique Rocher en 2018. En l'occurrence, La Nuit A Dévoré le Monde constitue le tout premier long-métrage du jeune cinéaste impudent.
Auparavant, ce dernier a surtout officié derrière des courts-métrages, notamment Haiku (2009) et La vitesse du passé (2011). C'est ce second court-métrage qui va permettre à Dominique Rocher de susciter les convoitises et les plébiscites en s'arrogeant plusieurs récompenses prestigieuses.

la-nuit-a-devore-le-monde-1

Le metteur en scène émérite est repéré par la productrice Carole Scotta. Philanthrope, cette dernière accepte de financer (en partie) le tout premier film de Dominique Rocher. Ce sera La Nuit A Dévoré le Monde (au cas où vous n'auriez toujours pas compris...). Le métrage est aussi l'adaptation d'un opuscule éponyme de Pit Agarmen, publié en 2012. Certes, en raison de son budget famélique, La Nuit A Dévoré le Monde ne bénéficiera pas d'une distribution dans les salles françaises. A contrario, le film va asseoir sa réputation via son exploitation dans divers festivals, notamment lors du festival des premiers plans d'Angers ou lors du festival international du film fantastique de Gérardmer (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_nuit_a_dévoré_le_monde).
Là où La Horde avait suscité les fadaises et les acrimonies au moment de sa sortie, La Nuit A Dévoré le Monde reçoit à l'inve
rse des torrents de flagorneries et de satisfécits.

La presse et les critiques adoubent et encensent une pellicule sagace et largement supérieure à la moyenne des productions d'épouvante habituelles, que ce soit dans le registre de l'horreur à la française en général, ou dans les zombies carnassiers en particulier. Reste à savoir si La Nuit A Dévoré le Monde mérite (ou non) de tels dithyrambes. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose d'Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz et David Kammenos. Attention, SPOILERS ! En se réveillant dans un appartement sens dessus dessous à cause d'une fête organisée la veille, Sam se trouve seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et tout faire pour survivre...
A l'aune de cette exégèse lapidaire, difficile de ne pas songer, au moins furtivement, au synopsis de 28 Jours Plus Tard (Danny Boyle, 2002).

151904782398004200_La%20Nuit%20a

Pour mémoire, le film d'horreur de Danny Boyle marchait lui aussi sur le même continuum, à savoir un homme seul qui découvre, hébété, des rues désolées, contristées et vidées de leur substance dans une ville de Londres en déshérence. Dominique Rocher emprunte peu ou prou le même didactisme. Seule dissimilitude et pas des moindres, les inimitiés anthropophages se déroulent dans les rues esseulées de notre capitale française, donc Paris. En sus, Dominique Rocher opte pour le huis clos minimaliste là où Danny Boyle choisissait d'évaporer son héros d'infortune dans une nature hostile et austère. De facto, La Nuit A Dévoré le Monde se nimbe de nouvelles aspérités et rhétoriques et aborde les thématiques, toujours spinescentes, de la psychasthénie et de la solitude.
De facto, La Nuit A Dévoré le Monde se rapproche davantage de Je Suis Une Légende (Ubaldo Ragona et Sidney Salkow, 1964), une version qui connaîtra un remake éponyme trois décennies plus tard.

Indubitablement, le personnage de Sam symbolise, à lui seul, toute la quintessence d'une société en décrépitude et incapable de communiquer. Dans ce monde en évanescence, l'individu est donc condamné à s'isoler et s'avilir dans une agoraphobie irrépressible. Sur le fond comme sur la forme, La Nuit A Dévoré le Monde s'apparente davantage à un film d'épouvante social ou plutôt asocial en l'occurrence, décryptant la longue neurasthénie mentale de son héros en déveine. On pense parfois au film Le Locataire (Roman Polanski, 1976), les zombies et l'anthropophagie en plus.
La Nuit A Dévoré le Monde signe donc les rémanences et les réminiscences du cinéma de George Romero en son temps.
Le film de Benjamin Rocher évoque et rappelle l'essence et la genèse de la trilogie des Morts (La Nuit des Morts-Vivants, Zombie et Le Jour des Morts-Vivants). 

7ea0dcb_13448-fs0nu3

In fine, le zombie n'est qu'une figure alternative représentant le désordre moral et mental de son héros principal vacillant, ainsi que la déréliction d'une société consumériste sur le point de péricliter, inexorablement. Il serait donc particulièrement vachard de ne pas reconnaître les qualités intrinsèques de ce long-métrage anxiogène, ainsi que la précellence de son casting, Anders Danielsen Lie en tête. Cependant, La Nuit A Dévoré le Monde n'est pas exempt de tout reproche. A force de se polariser sur l'aboulie mentale de son héros principal, le film finit par devenir un brin fastidieux et rébarbatif, surtout lors de ses vingt dernières minutes.
Néanmoins, La Nuit A Dévoré le Monde constitue à lui seul un vrai cas unique dans notre cinéma hexagonal et fait donc figure de véritable OFNI (objet filmique non identifié) dans notre paysage cinématographique français largement tuméfié. Nul doute que l'on reparlera, incessamment sous peu, de Benjamin Rocher avec toutes les courtisaneries qu'il mérite. Si ce cinéaste orfèvre ne se laisse pas dévorer par certains producteurs mercantiles et s'il ne s'évade pas dans certains projets fumeux fomentés par les Etats-Unis (n'est-ce pas Alexandre Aja...), Benjamin Rocher est appelé à revêtir des oripeaux encore plus soyeux.

Note : 14/20

sparklehorse2 Alice In Oliver