Genre : drame, thriller
Année : 2017
Durée : 1h34
Synopsis : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.
La critique :
Il faut se rendre sur le site SensCritique et en particulier sur le lien suivant : https://www.senscritique.com/liste/Tous_les_sous_genres_du_DRAME_Familial/1855557 pour déceler la liste foisonnante et exhaustive (64 films tout de même !) des drames relatant des conflits parentaux et/ou familiaux ; une systémique dont le cinéma dramaturgique s'est accaparé depuis plusieurs décennies, mais qui s'est encore accentué avec la mort du Patriarcat et l'avènement du consumérisme depuis l'orée des années 1970.
Les thuriféraires de ce registre cinématographique ne manqueront pas de notifier des longs-métrages tels que Festen (Tomas Vinterberg, 1998), Virgin Suicides (Sofia Coppola, 1999), Mommy (Xavier Dolan, 2014), Little Miss Sunshine (Jonathan Dayton et Valerie Faris, 2006), Le premier jour du reste de ta vie (Rémy Bezançon, 2008), ou encore C.R.A.Z.Y. (Jean-Marc Vallée, 2005) parmi les références pléthoriques et éventuellement notoires.
Parfois, le drame familial se pare d'une certaine truculence. Impression corroborée par des comédies dramatiques telles que Juno (Jason Reitman, 2007), La Famille Bélier (Eric Lartigau, 2014), Mon père ce héros (Gérard Lauzier, 1991), ou encore par le diptyque formé par La Gloire de Mon Père et Le Château de ma Mère (Yves Robert, 1990). Indubitablement, Jusqu'à la Garde, réalisé par les soins de Xavier Legrand en 2017, relève à la fois de la tragédie maritale et familiale et n'est pas sans évoquer, par certaines accointances, les thématiques déjà déployées par Kramer contre Kramer (Robert Benton, 1980) en son temps. Or, depuis le film de Robert Benton, les dynamiques matrimoniales ont encore évolué pour se transmuer en divorces de masse.
Toutefois, Jusqu'à la Garde n'a pas vraiment pour velléité d'aborder cette thématique sociologique.
Par certaines assonances, le film n'est pas sans évoquer le cinéma d'Ingmar Bergman avec Scènes de la vie conjugale (1974). Corrélativement, cela fait aussi plusieurs années que certains contempteurs crient à l'agonie, voire à la dernière absoute, d'un cinéma français à la dérive et engoncé dans des comédies subalternes. Attention à ne pas minorer cette nouvelle vague représentée à la fois par des artistes tels que Julia Ducournau (Grave en 2016) et bien sûr Xavier Legrand, des cinéastes émérites qui viennent apporter leur pierre soyeuse à l'édifice !
Xavier Legrand a démarré sa carrière cinématographique en tant que comédien et s'est à la fois illustré à la télévision et au cinéma. En tant que comédien, on a pu notifier sa présence dans Les Amants Réguliers (Philippe Garrel, 2005), Les Mains Libres (Brigitte Sy, 2010), Camus (Laurent Jaoui, 2010), ou encore Tiger Lily, 4 femmes dans la vie (Benoît Cohen, 2012).
En 2012, Xavier Legrand signe son tout premier court-métrage, Avant que de tout perdre, qui s'arroge de nombreuses récompenses, entre autres le César du meilleur court-métrage deux ans plus tard. Pour Xavier Legrand, il faudra faire preuve de longanimité et patienter encore quelques années avant de réaliser son tout premier long-métrage. Ce sera Jusqu'à la Garde. Certes, le film ne bénéficie pas d'une grande exploitation ni d'une large diffusion dans nos salles obscures, dépassant péniblement les 350 000 entrées (373 768 entrées pour être précis, merci Wikipédia !).
Que soit. Le film est unanimement plébiscité par une presse dithyrambique qui auréole Xavier Legrand de flagorneries. En sus, Jusqu'à la Garde s'octroie le Lion d'argent de la meilleure mise en scène, le prix du Jury lors du festival international du film de Saint-Jean-De-Luz, ainsi que le prix du public lors du Festival Premiers Plans d'Angers (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jusqu%27à_la_garde).
Reste à savoir si le long-métrage mérite de telles idolâtries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose de Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria, Mathilde Auneveux, Mathieu Saïkaly et Florence Janas. Attention, SPOILERS ! (1) Miriam Besson et Antoine Besson ont un fils de onze ans, Julien. Le couple est en plein divorce. La mère veut protéger son fils et l’éloigner de son père qu’elle accuse de commettre des actes de violence sur leur enfant. Elle demande donc, lors du jugement, la garde exclusive de l’enfant d’autant plus que le fils ne veut plus revoir son père. Malgré les arguments de Miriam et une lettre de Julien, la juge en charge du dossier accorde une garde partagée et contraint l’enfant à passer un week-end sur deux avec son père.
Otage pris en tenaille entre une mère qui l’oblige à mentir et un père qui se sert de lui pour se rapprocher de son ex-femme et dont le comportement est des plus inquiétants, Julien va alors tout mettre en œuvre pour éviter que le pire n'arrive (1).
Vous l'avez donc compris. A l'aune de cette exégèse, Jusqu'à la Garde apparaît comme une dramaturgie à la fois systémique et amphigourique qui mérite une analyse sourcilleuse et précautionneuse. Sur le blog Ciné Borat, l'auteur avait raison de stipuler une oeuvre protéiforme qui oscille, in fine, entre le drame familial, le thriller, le huis clos (dans ses dernières minutes) et l'horreur du quotidien (Source : http://nicoc.canalblog.com/archives/2018/08/31/36648805.html). En vérité, Jusqu'à la Garde se pare d'une introspection sur cette schismogenèse complémentaire qui façonne les dynamiques familiales et conjugales. Ce principe de la schismogenèse complémentaire est notamment utilisé en systémique familiale pour mieux cerner et comprendre la spirale infernale de la violence conjugale. Vétilleux, Xavier Legrand se garde bien de juger ses deux principaux protagonistes et convie le spectateur à devenir le témoin d'une situation toxique et à priori inextricable.
Ainsi, Jusqu'à la Garde fonctionne, dans sa première partie, comme un documentaire qui scrute et analyse les fabulations d'un patriarche privé en partie de ses enfants lors d'une procédure de divorce. Le temps d'un film (soit une heure et 35 minutes de bobine environ), le couple Besson se dissout et devient, le temps de quelques semaines voire de plusieurs mois, le théâtre violent et réactif de règlements de compte entre un ex-époux qui s'estime lésé et une femme que l'on imagine violentée par le passé. Mais la violence conjugale revêt plusieurs formes et démontre derechef son hétéroclisme.
Plus que l'histrionisme et la théâtralisation excessive, la violence conjugale se manifeste aussi par le harcèlement, les non-dits, les silences, les tabous, les regards furtifs et craintifs, ainsi que ses relations non verbales qui se nouent ou se dénouent entre les divers protagonistes.
Dès lors, Xavier Legrand signe un drame étrangement opaque. Paradoxalement, c'est cette même opacité qui confère à cette tragédie familiale cette horreur mortifère qui peut tarabuster, à tout moment, un quotidien à fortiori monotone. Indiscutablement, la figure paternelle, incarnée par Denis Ménochet, taraude longtemps après le visionnage du film. En mode hébéphrénique, l'acteur peut se parer d'une certaine bonhommie pour ensuite se transfigurer en démon agresseur. A moins que ce dernier ne soit la figure symbolique d'un patriarche délesté de ses droits et qui fulmine en catimini retrouvant, le temps d'un divorce, ses réflexes archaïques de transgresseur et de prédateur.
On sait aujourd'hui que la violence conjugale ne se résume et ne se caricature pas au syndrome de Stockholm, ainsi qu'au schéma réducteur du bourreau et de son emprise sur la victime, thèse soutenue par le film... et les médias... Encore une fois, un tel long-métrage interroge et requiert une analyse sourcilleuse. De facto, je tiens donc à m'excuser humblement pour la frugalité de cette chronique. Pas de note non plus en conséquence...
Note : ?
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jusqu%27à_la_garde