Genre : drame
Année : 2015
Durée : 1h58
Synopsis : Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack n'ait jamais connu. L’amour de Ma pour Jack la pousse à tout risquer pour offrir à son fils une chance de s’échapper et de découvrir l’extérieur, une aventure à laquelle il n’était pas préparé.
La critique :
Il faut se rendre sur le site SensCritique et en particulier sur le lien suivant : https://www.cinetrafic.fr/liste-film/4684/1/la-violence-conjugale pour déceler la liste foisonnante et exhaustive (79 films tout de même) des oeuvres traitant de la violence conjugale et/ou familiale au cinéma. Encore récemment, c'est le film Jusqu'à la Garde (Xavier Legrand, 2017) qui a suscité la polémique et les anathèmes pour son traitement spinescent de la schismogenèse complémentaire, à savoir un ensemble de stratégies psychologiques et complexes entraînant les deux conjoints (ou les deux époux) dans une forme de dépendance, de soumission et de contraintes conjugales.
Avec le temps qui passe, ce concept, inhérent à toute forme de violence conjugale et/ou familiale, conduit irrémédiablement à une impasse et dans une spirale de peur ; toutes ces fêlures révélant finalement la nocuité et la toxicité de la sphère maritale.
De nombreuses dramaturgies ont abordé ces rhétoriques factieuses et pernicieuses. Les cinéphiles les plus avisés citeront aisément des oeuvres telles que Scènes de la vie conjugale (Ingmar Bergman, 1974), Un havre de paix (Lasse Hallström, 2013), Une Histoire Banale (Audrey Estrougo, 2013), C'est pas de l'amour (Jérôme Cornuau, 2013), L'Emprise (Claude-Michel Rome, 2014), Darling (Christine Carrière, 2006), ou encore La Couleur Pourpre (Steven Spielberg, 1985) parmi les longs-métrages notables et éventuellement notoires.
Vient également s'agréger Room, réalisé par les soins de Lenny Abrahamson en 2015. Le cinéaste irlandais est un nom bien connu du cinéma indépendant britannique. Il débute sa carrière cinématographique dans le réseau publicitaire avant de s'acheminer vers son premier long-métrage au milieu des années 2000.
Ce sera Adam § Paul (2004), inconnu au bataillon et inédit dans nos contrées hexagonales. Lenny Abrahamson enchaîne alors avec Garage (2007), What Richard Did (2012) et Frank (2014). Garage marque les prémisses de sa notoriété sur les terres irlandaises puisque le film s'arroge maintes récompenses et obtient plusieurs IFTA, soit l'équivalent des Césars en France. What Richard Did va même devenir le plus grand succès irlandais et installe durablement Lenny Abrahamson à une place soyeuse et confortable. A contrario, le succès ne dépasse pas vraiment les terres irlandaises.
Que soit. La sortie de Room un an plus tard va intervertir cette didactique. A ce jour, Room reste l'oeuvre la plus proverbiale de son auteur émérite. A l'origine, le métrage est l'adaptation d'un opuscule éponyme d'Emma Donoghue.
Le roman s'inspirait déjà d'un fait bien réel et en particulier de l'affaire Fritzl qui a défrayé la chronique en Autriche. Il s'agit d'un cas d'inceste révélé en 2008. " A 42 ans, une autrichienne, Elisabeth Fritzl, déclare qu'elle a été emprisonnée, violée et physiquement agressée par son père, Josef Fritzl, pendant 24 ans" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Fritzl). A l'instar des précédentes oeuvres de Lenny Abrahamson, Room s'octroie toute une pléthore de récompenses et se distingue dans de nombreux festivals. Ainsi, le long-métrage obtient le titre de meilleur film indépendant lors du British Independant Film Awards en 2015, ainsi que le VIFF Award du meilleur film canadien lors du festival international du film de Vancouver en 2015. Quant à Brie Larson, qui incarne le rôle de Joy "Ma" Newsome, la comédienne s'arroge l'Oscar de la meilleure actrice.
Toutefois, d'autres actrices seront auditionnées pour ce rôle, notamment Emma Watson, Rooney Mara, ou encore Shailene Woodley (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Room_(film,_2015), mais c'est bel et bien Brie Larson qui leur sera préférée. Au niveau du casting, viennent également s'ajouter Jacob Tremblay, Joan Allen, William H. Macy, Sean Bridgers, Tom McCamus et Amanda Brugel. Attention, SPOILERS ! (1) Joy (Ma) et son fils, Jack, vivent enfermés à Akron, dans l'Ohio, dans la « Room », le seul « monde réel » que l'enfant n'ait jamais connu. Ils y partagent un lit, des toilettes, une baignoire, une armoire, la télévision et une cuisine rudimentaire.
Dans cette pièce à la porte verrouillée en permanence, avec un velux comme seule fenêtre, Ma, du mieux qu'elle le peut, assure l'éducation et la sécurité de son fils, qui sont ses priorités.
Ils sont approvisionnés régulièrement par "Vilain Nick" (Old Nick), qui visite la chambre quand il le veut tandis que Jack se cache dans l'armoire. Il est persuadé que "Room" est le monde, et que ce qu'il se passe dans la télé n'est pas la réalité. Alors que Jack vient de fêter ses 5 ans, Ma décide de lui expliquer qu'il existe un monde à l'extérieur de ces murs et comment elle est arrivée dans la pièce... (1) A l'aune de cette exégèse, impossible de ne pas songer à l'affaire Natascha Kampusch, une jeune femme de nationalité autrichienne (tiens, tiens...), séquestrée durant huit longues années par un forcené. Toutefois, cette relation "imposée" débouchera sur un syndrome de Stockholm avéré.
Contre toute attente, Natascha Kampusch s'éprend de son ravisseur, sans doute un réflexe archaïque de survie. En outre, le cas de Joy dans Room ne s'achemine pas du tout sur le même didactisme.
Contrairement à Natascha Kampusch, Joy vit sa claustration comme un séjour forcé dont elle ne peut se départir. Mais la présence de Jack, qui vient de fêter son cinquième anniversaire, change cette dialectique à priori infrangible. Depuis sa naissance, le jeune bambin n'a vécu que dans une seule et unique pièce. Le monde extérieur lui est totalement inconnu. De facto, la réalité devient la source d'un imaginaire enfantin. C'est toute l'intelligence de Room. La première partie du film est de loin la plus aboutie et la plus captivante en se parant des velléités modernes de l'Allégorie de la Caverne. Le temps de plusieurs années, la pièce régentée par le géôlier devient une chambre "platonicienne".
Comment éduquer un enfant, lui apporter de l'amour et de la bienveillance dans un monde falsifié, étriqué et engoncé entre quelques murs ?
Telle est la question qui se pose en filigrane tout au long de cette première section. En l'occurrence, c'est le vélux étroit d'une fenêtre qui permet à Jack de fantasmer une réalité curieusement obscure ; une réalité habitée par des ombres, cette fois-ci bien réelles. Les 45 premières minutes du film s'apparentent donc à un huis clos ténébreux et anxiogène. Pour se sortir de cette tanière étouffante, Joy devra jouer de malice et de roublardise et prendre son tortionnaire à son propre piège. En l'état, difficile d'en révéler davantage. En revanche, lorsque Jack et Joy parviennent à s'extirper de leur cellule, le long-métrage perd un peu de sa sagacité et suit un cheminement beaucoup plus conventionnel.
Néanmoins, la question de la reconstruction et de l'émancipation, qui plus est dans un monde bien réel et agencé par les remords et la culpabilité, est judicieusement questionnée. Cette introspection est abordée, derechef, avec une certaine perspicacité et ne cède jamais à l'écueil du drame sirupeux et empreint de morosité. Cependant, Room est parfois victime de longueurs un brin rébarbatives et fastidieuses, donnant parfois cette curieuse impression de tourner autour de ses nombreuses interrogations laissées en suspens. Malicieux, Lenny Abrahamson laisse le soin au spectateur de subodorer l'état de décrépitude de ses deux principaux protagonistes.
Le subterfuge est aisé, la démonstration un peu moins. Heureusement, le film de Lenny Abrahamson peut escompter sur la précellence de son casting, en particulier sur son duo principal formé par Brie Larson et de son jeune comparse, Jack Tremblay, lui aussi étonnant de véracité.
Note : 14.5/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Room_(film,_2015)