true gore

Genre :  shockumentary, trash, extrême, death movie (interdit aux - 18 ans)
Année : 1987
Durée : 1h37

Synopsis : True Gore est l'un des tous premiers shockumentaries de l'histoire du cinéma américain et du cinéma contemporain en général. Le pionnier d'un genre qui allait donner par la suite, naissance à une litanie de films du même format. À présent, la mort sera présentée sans détour aux yeux des spectateurs. Dans toute son implacable réalité et son inéluctable échéance. Le death movie était né.

La critique :

Évidemment. Évidemment, vous vous doutiez bien que je n'étais pas revenu (ponctuellement, je le précise encore) pour vous présenter le dernier Pixar ou Marvel qui divertit en ce moment nos chères têtes blondes dans les salles obscures. D'autres chroniqueurs sur d'autres blogs s'en chargeront bien mieux que moi. Chacun son domaine. Le mien, c'est la souffrance, l'horreur et le sang. Il n'est pas beau, ce petit programme ? Alors, pour fêter dignement la nouvelle année, j'ai pensé qu'un "petit" death movie de derrière les fagots serait apte à vous faire digérer (ou régurgiter) les petits excès alimentaires de ces derniers jours ! True Gore... Un nom légendaire dans le monde confidentiel du cinéma extrême. Depuis trois décennies ce shockumentary américain a acquis dans les milieux des amateurs de monstruosités filmiques une incontestable notoriété, pour ne pas dire une fascination morbide.
Sa très grande rareté en fait un objet hautement convoité par les collectionneurs spécialisés. Aussi, inutile de vous préciser que votre serviteur a ressenti une immense satisfaction lorsqu'il a pu enfin lui mettre la main dessus après des mois et des mois de recherche. Merci cher Ronald Klein ! 

On aurait bien tort d'établir à 1978 et à la sortie de Face À La Mort (aka Faces Of Death), l'origine du shockumentary puisqu'il s'est avéré que plus de 95% des scènes présentées dans ce film étaient truquées et mises en scène. S'il faut remonter à la genèse du véritable documentaire choc où la mort a été filmée pour la première fois (hors documents historiques sur la première guerre mondiale) sans artifice, de manière frontale, nous devons nous reporter en 1938. Cette année-là, un groupe de légistes américains réalisait un moyen-métrage muet intitulé "Restaurative A Sub Speciality Of Embalming Art", principalement destiné aux étudiants en médecine et aux professionnels des pompes funèbres, qui expliquait en détail les techniques d'embaumement et de reconstruction faciale sur trois cadavres dont le visage avait été très fortement dégradé. Pour les plus téméraires, des images sont disponibles sur Internet. Trente-trois ans plus tard en 1971, Stan Brakage (brillant discipline de l'immense sommité du surréalisme, Maya Deren) obtenait l'autorisation de tourner dans une morgue de Pittsburg "The Act Of Seeing With One's Own Eye", un court-métrage qui, lui aussi, traitait de ce sujet tabou qu'est la mort et des différents métiers qui lui sont appropriés.

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Ainsi, affirmer que le genre shockumentary est issu du mondo est totalement faux puisqu'il a vu le jour (certes, très confidentiellement) 24 ans avant Mondo Cane, pierre fondatrice du mondo, à qui il a donné son patronyme. Ce petit rappel historique étant fait, revenons à True Gore. Alors, qu'a-t-il de spécial ce fameux True Gore, hormis le fait d'être le pionnier du death movie moderne ? Avec les yeux d'un spectateur (averti) de 2019, rien de bien particulier. Enfin, tout est relatif car le film est d'une puissance visuelle terrifiante et d'une morbidité qui fait valser les tripes du spectateur façon montagnes russes. Mais pour analyser en toute objectivité la portée de cet atroce documentaire, il est nécessaire de se replacer dans le contexte de l'époque de sa sortie, à la fin des années 1980.
La polémique qu'avait créée Faces Of Death à sa sortie eut un retentissement considérable. Cloué au pilori par la censure, interdit de diffusion par des dizaines de pays et figure de proue avec Cannibal Holocaust de la liste noire des "Videos Nasties", 
Face À La Mort, malgré la supercherie de son entreprise, a au moins eu le mérite de faire connaître au grand public le concept du shockumentary.

Et immédiatement, ce genre cinématographique si spécifique, qui portait dans son ADN sulfureux tous les tabous que la société a établis depuis la nuit des temps, fut voué à l'opprobre et mis à l'index par les critiques bien-pensantes. Cependant, la machine à voyeurisme était lancée et rien n'allait plus pouvoir l'arrêter. En 1987, True Gore montra la mort, la vraie, dans son horrible pureté. Au point que le réalisateur M. Dixon Causey l'a estimée trop pure pour être cachée. Maintenant, pour ceux dont le seuil de tolérance à la violence graphique se limite à la vision de quelques gouttes de sang, prière d'aller faire un petit tour avant de lire ce qui suit.
Attention spoilers : Filmée en images fortement pixelisées et saturées, l'introduction du film met en scène un narrateur portant des lunettes noires, qui expose aux spectateurs les thématiques universelles liées à la mort. Le film est divisé en quatre parties distinctes et linéaires : la présentation d'un point de vue strictement médical de la mort physique, les tortures animalières, les jeux érotiques sadomasochistes poussés à leurs pires extrémités et les actes de barbarie engendrés par les "progrès" scientifiques lors de la dernière guerre.

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Chaque nouvelle thématique est annoncée par l'homme mystérieux, toujours filmé de façon clippesque. La musique, typée années 80 avec synthétiseurs à outrance, est parfaitement adaptée à chaque segment et ne surjoue pas la dramatisation à tout crin. En effet, nul besoin de musique flippante quand on a sous les yeux une succession ininterrompue d'images monstrueuses. Les énumérer serait sadique et fastidieux à la longue. Cependant, certaines séquences sont si impressionnantes qu'elles ne peuvent être oubliées. Ainsi, des cadavres déformés et carbonisés sont présentés au spectateur en guise d'apéritif. Certains, dont ceux de bébés mort-nés, ont le visage masqué par un rectangle noir ; d'autres ont la face arrachée par une balle lors de leur suicide.
Une femme, baignant dans sa baignoire remplie de sang, est découverte par la police quelques minutes seulement après s'être tranchée les veines. La scène est prise sur le vif par la caméra. Le snuff animalier n'est pas en reste avec une truie grillée vivante au chalumeau thermique ou un chat, vivant lui aussi, dont le crâne est partagé en deux afin d'en disséquer le cerveau. Le thème sexuel propose lui aussi, des scènes très explicites : bondage et sadomasochisme sont de rigueur.

Une performeuse se rase le sexe et s'introduit un scolopendre (sorte de mille-pattes géant) vivant dans le vagin ; un homme se perfore le pénis et un "esclave" se fait fouetter et scarifier avant de subir une sodomie à la tige d'acier. Avant le quatrième et dernier segment, nous assisterons à une autopsie sous toutes ses coutures. Enfin, le métrage s'achèvera avec des images d'archives de la Seconde Guerre Mondiale, avec les atrocités perpétrées par les nazis dans les camps de concentration et les images effroyables des survivants du bombardement atomique d'Hiroshima. Ici, inutile de détailler ce que le film impose à nos yeux horrifiés. Comme vous pouvez le constater, True Gore est peut-être le plus ancien des death movies modernes, mais son contenu est extrême.
Une violence quasi insoutenable émane de ces images de mauvaise qualité, sans doute exhumées d'une vieille vhs. Et pourtant, en ce qui me concerne, le passage le plus choquant du film n'est pas visuel. Il s'agit de l'enregistrement sur une cassette retrouvée et authentifiée par la CIA, des dernières paroles du révérend Jim Jones lors du suicide collectif des 906 personnes appartenant à la secte le "Temple du Peuple", le 18 novembre 1978 au Guyana. Lors de son ultime discours, on peut entendre Jones vociférer comme un possédé et ordonner à toutes les mères présentes d'empoisonner leurs enfants au cyanure de potassium (le Kool-Aid). Quel sentiment ont bien pu ressentir ces femmes avant d'accomplir leur geste fatal ?

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Comment oublier les hurlements de ces enfants innocents soumis à la démence fanatique de leurs parents, au moment de leur agonie ? Ces cris d'épouvante hanteront longtemps ma mémoire... À ma connaissance, True Gore n'a jamais bénéficié d'une chronique sur la blogosphère française. Cinéma Choc peut donc s'enorgueillir, une fois de plus, d'une première hexagonale. Mais peut-on vraiment employer le terme de "s'enorgueillir" au vu des ignominies affichées dans ce film durant plus d'une heure et demie ? Vaste débat. 
Pourtant et contrairement à ses successeurs qui se contenteront que d'aligner des images outrecuidantes avec la seule volonté de choquer pour choquer, M. Dixon Causey, lui, a su capturer l'intérêt du spectateur via des éléments historiques étayés de façon cohérente.
Aussi aurons-nous droit à des peintures saisissantes du Moyen-Âge représentant une autre face de la mort : la peste noire. Cette gigantesque pandémie, qui sévit entre 1347 et 1351 (avant de réapparaître quelques décennies plus tard), fit plus de cent-vingt-cinq millions de victimes en Europe et au Moyen Orient.

Avant d'entamer le dernier thème, celui de l'holocauste nucléaire, le réalisateur a eu l'intelligence d'alléger quelque peu l'atmosphère et la pénibilité du sujet par un petit film d'animation qui explique le fonctionnement de l'atome et de sa réaction en chaîne. Bien sûr, les images qui suivent restent insupportables, mais elles ont au moins la légitimité pour renvoyer l'homme face à ses responsabilités vis-à-vis de l'histoire et des générations à venir. Et par là même, elles ont le mérite de nous faire réfléchir sur la nature intrinsèque de l'être humain, capable des actes les plus admirables comme des infamies les plus condamnables. True Gore est le film qui a établi les bases du shockumentary tel que nous le connaissons aujourd'hui. Surpassant par l'agressivité de son visuel bon nombre d'oeuvres soi-disant chocs beaucoup plus récentes, il s'en démarque aussi par le brio d'une réalisation inventive, à défaut d'être géniale. Au final, reste un documentaire tout à fait remarquable qui écrabouille l'esprit cerveau façon rouleau compresseur, brûle les rétines au fer rouge, mais fait réfléchir.
Il est bien dommage que banni quasiment partout dans le monde depuis sa sortie, ce shockumentary soit resté si confidentiel. Hormis le cercle très restreint des thuriféraires du cinéma extrême, qui donc peut se targuer de connaître ce film déjà âgé de plus de trente ans ? À la fois monstrueux et pourtant d'un intérêt certain à l'appréhension de l'ultime tabou, True Gore mérite amplement d'être mis en lumière (un comble pour un film aussi sombre tant le fond que sur la forme) vis-à-vis d'un public de cinéphiles curieux. Il reste cependant deux petits écueils pour ceux seraient intéressés : avoir un estomac en béton armé et s'armer d'une infinie patience pour dénicher cette perle (ultra) rare.

Note : 15/20

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