Genre : trash, extrême, shockumentary, "Mondo" (interdit aux - 18 ans)
Année : 1978
Durée : 1h31
Synopsis : A travers les us et les coutumes d'une peuplade située au Soudan, dans l'Afrique Centrale, ce "Mondo" décortique des rites ancestraux sur fond de barbarie et de tortures d'animaux.
La critique :
N'ayez crainte. Nous ne commettrons pas l'offense de procéder derechef à l'exégèse du "Mondo", un genre impudent et iconoclaste qui acte véritablement sa naissance à l'orée des années 1960 via Mondo Cane (Gualtiero Jacopetti, Franco Prosperi et Paolo Cavara, 1962). Ce long-métrage, conçu comme un documentaire ethnologique et anthropologique, revisite à sa manière les rites, les us et les coutumes séculaires à travers le monde. Tantôt truculent, tantôt âpre, radical et véhément, Mondo Cane déclenche évidemment les anathèmes et les acrimonies lors de sa présentation au festival de Cannes. A raison, Gualtiero Jacopetti et ses prosélytes jubilent.
Les journalistes, mués en cinéastes, viennent d'inventer un nouveau concept : le "documenteur". Toutes les saynètes réalisées sont évidemment (et heureusement...) factices.
Point de sacrifice ni de mise en mort dans ce tour du monde pour le moins insolite. Tous les protagonistes sont en réalité des acteurs amateurs. Nous ne sommes qu'à la lisière des années 1960. Pourtant, Jacopetti et ses ouailles ont déjà cerné la réalité virulente du nouveau monde, ainsi que la mondialisation massive à venir et transie à la fois d'hédonisme, de consumérisme à tous crins et d'un capitalisme financier et exponentiel que plus personne ne pourra juguler ; encore moins le prolétariat paupérisé, scanderait un Karl Marx péremptoire. C'est sûrement la raison pour laquelle Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi se coalisent de nouveau pour réaliser Mondo Cane 2 (1963) dans la foulée.
Peu ou prou de surprises au programme. Cette suite fastidieuse et chimérique se contente d'ânonner benoîtement la recette outrancière de son auguste épigone.
Mais peu importe. Mondo Cane et Mondo Cane 2 influencent et génèrent toute une pléthore d'épigones. Opportunistes, Jacopetti et Prosperi réalisent sans discontinuer d'autres "documenteurs", néanmoins teintés d'un réalisme rédhibitoire. Les deux metteurs en scène ont parfaitement discerné la proéminence du continent africain dans le monde entier. Le continent doit être pillé, saccagé, rabroué, massacré, rudoyé, néantisé et dilapidé au nom des tares et des carences de la mondialisation forcenée ; instituant par ailleurs une paupérisation durable et massive dans la grande majorité des pays africains. Tel est le constat amer et contristé d'Africa Addio (1966) et de Les Négriers (1971).
Dixit les propres aveux des thuriféraires du "Mondo", ce serait le fameux Africa Addio qui détiendrait la couronne sérénissime du film le plus violent de sa catégorie, un trône hégémonique qu'il se doit néanmoins de partager avec un autre fleuron du genre.
Son nom ? Addio Ultimo Uomo, un autre "Mondo" réalisé par les soins des frères (Angelo et Alfredo) Castiglioni en 1978. Les deux frangins n'ont jamais caché leur extatisme ni leur effervescence pour le continent africain, un monde qu'ils voient peu à peu infléchir et dépérir sous les coups de semonce du chaos, de révolutions apoplectiques et du courroux de l'autocratie et de la dictature au nom de vils marchands d'armes et de trafics de drogue généreusement prodigués - entre autres - par notre monde occidental. Quelques années avant la sortie d'Addio Ultimo Uomo, Angelo et Alfredo Castiglioni avaient déjà signé Africa Ama (1972), un autre "Mondo" qui marchait déjà dans le sillage et le continuum d'Addio Ultimo Uomo. Mais depuis la sortie de Mondo Cane et d'Africa Addio en particulier, le "Mondo" a subrepticement dérivé vers le death movie, préfigurant les sorties quasi concomitantes de Faces of Death (John Alan Schwartz, 1978) et de Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980).
Depuis la sortie d'Africa Addio, Angelo et Alfredo Castiglioni ont parfaitement discerné l'essor de ce phénomène et comptent bien, à leur tour, exploiter le filon. A l'instar des autres "Mondo" du même acabit, Addio Ultimo Uomo ne brille guère par ses finauderies et sa bienséance, loin de là ! En outre, le long-métrage ignominieux n'a pas usurpé l'ultime réprobation via une interdiction aux moins de 18 ans. Même plus de quarante ans après sa sortie, Addio Ultimo Uomo reste un choc viscéral qu'il convient de réserver à un public extrêmement averti.
Le film estourbit à plate courture les saynètes souvent pittoresques de Mondo Cane premier du nom pour arborer un ton beaucoup plus misanthrope et nihiliste. Il s'agit également d'un objet rarissime et presque introuvable aujourd'hui et pour cause...
Puisque Addio ultimo Uomo n'est même pas sorti en salles françaises, ni en vidéo par ailleurs. En l'occurrence, Addio Ultimo Uomo est le quatrième chapitre d'une pentalogie. Il est souvent considéré comme la quintessence du "Mondo" dans toute sa barbarie et son atrocité. Le synopsis ? Toujours la même antienne. Cette fois-ci, ce "documenteur" a pour vocation de sonder et de décrypter les rites, les us et les coutumes de tribus reculées et sauvages du continent africain et de les comparer avec nos propres accoutumances, soit celles de notre société eudémoniste.
Autant l'annoncer sans fard. Addio Ultimo Uomo ne verse pas spécialement dans la finasserie ni dans la dentelle. Pour ceux et celles qui abhorrent et brocardent - à raison - les violences, les tortures et les supplices pratiqués sur des animaux, merci de quitter prestement leur siège et de retourner gentiment dans leurs pénates.
Dès le préambule, le ton est donné via ces indigènes qui se précipitent sur un éléphant pour le dépecer, le démembrer et le tortorer, ne laissant derrière eux qu'une carcasse encore saignante dans une contrée désertique. Ce repas plantureux inaugure la première section d'Addio Ultimo Uomo, à savoir les sévices commis sur des animaux. Certes, le spectateur hébété pourra éventuellement déceler un film xénophobe qui s'échine à décrire une peuplade triviale, tribale et barbare. Pourtant, il n'en est rien. A contrario, le métrage s'interroge sur nos propres croyances, sur ce réel distinguo entre le bien et le mal et donc sur cette frontière toujours ténue entre le pathologique et la normalité.
Or, la norme est justement édictée par notre société bien-pensante et consumériste qui nous gratifie de ses moralines alors qu'elle expose sans fard la guerre, la nudité, la luxure, la débauche et la concupiscence à satiété à travers les médias et la publicité.
C'est justement l'un des principaux leitmotivs d'Addio Ultimo Uomo. Corrélativement à toutes ces saynètes de boucherie et de sauvagerie pratiquées sur des animaux d'infortune, le film se centre aussi sur notre propre société insouciante et n'hésite pas à montrer quelques scènes pornographiques pour justifier ses allocutions souvent ordurières. Car oui, c'est aussi cela Addio Ultimo Uomo. Le métrage ne s'appesantit pas seulement sur des massacres d'animaux, mais aussi sur des rites sexuels et mortuaires, ainsi que sur des châtiments perpétrés sur des indigènes outrecuidants.
Les amputations et les castrations font partie - entre autres - des tristes réjouissances et du menu fretin. On comprend mieux pourquoi Addio Ultimo Uomo constitue le "Mondo" ultime, probablement le plus brutal de toute sa catégorie, (encore une fois) à égalité avec Africa Addio. Cependant, nonobstant ses qualités de mise en scène et de photographie, Addio Ultimo Uomo n'est pas exempt de tout reproche. Je ne reviens pas sur les salacités excessives déversées arrogamment sur l'écran rougeoyant. En vérité, le film d'Angelo et d'Alfredo Castiglioni ressemble étrangement au prisme consumériste qu'il dénonce. En voulant fustiger les écueils et les corolaires d'une Afrique crucifiée et transfigurée par le capitalisme actuel, Addio Ultimo Uomo s'apparente, in fine, à un long-métrage scopophile qui flatte et flagorne justement ces mêmes comportements patentés. Un oxymore.
Note : 11/20
Alice In Oliver
Sinon comme toujours une critique intéressante et bien fournie au niveau du vocabulaire.