juif éternel

Genre : propagande, "documenteur", documentaire, historique (film banni, censuré et interdit de diffusion aujourd'hui)
Année : 1940
Durée : 1h02

Synopsis : Une contribution à l’idéologie nazie. Le Juif Eternel dépeint l’idée d’un complot international ourdi par les Juifs de l’Est (de nombreuses scènes ont été tournées en Pologne) et les Juifs de l’Ouest. Le film met tout en œuvre pour dépeindre les Juifs comme des sous-hommes et a pour but de montrer qu’ils sont un peuple auquel il faut s’opposer, dénonçant leur façon de vivre, leur histoire, leurs coutumes… Ainsi, le documentaire prétend dévoiler les véritables traits du « Juif éternel », d’après les nazis.

 

La critique :

Adolf Hitler et Joseph Goebbels n'ont jamais caché leur dilection ni leur extatisme pour le Noble Septième Art. Mais dans le régime du Troisième Reich, le cinéma n'a pas vraiment pour velléité de se diversifier, ni de proposer plusieurs niveaux de lecture. En outre, le Septième Art se doit justement d'adouber, d'ériger, d'encenser et de déifier l'aryanisation d'un système autocratique et rigoriste qui a pour vocation, entre autres, d'éradiquer les Juifs d'Europe, puis du monde entier à postériori. Mais pas seulement... Hormis ces thèses fallacieuses, antisémites, xénophobes et pernicieuses, le cinéma de propagande nazie acclame sous les vivats cette famille allemande personnifiée par l'hégémonie du Patriarcat (une phallocratie), une jeunesse flamboyante, une nation robuste, preste et athlétique, une armée luxuriante et évidemment un chef despote et omnipotent qui gouverne d'une main de fer le sort et le fatum d'un pays tout entier.

L'Allemagne doit retrouver sa splendeur de naguère et oblitérer sa déroute de la Première Guerre Mondiale, dont la France apparaît comme le sérénissime vainqueur... Le Troisième Reich doit durer mille ans. Hitler et ses fidèles affidés gouverneront pendant douze ans, de 1933 à 1945, après la chute de Berlin et le suicide du Führer dans son bunker. Lorsque les nazis acquièrent le pouvoir, certains intellectuels optent pour l'exil forcé. Bien que glorifié par Hitler et Goebbels, le cinéaste Fritz Lang s'expatrie aux Etats-Unis et refuse de prêter allégeance à un régime qu'il juge impératif.
Que soit. D'autres metteurs en scènes, beaucoup plus dévotieux, font voeu d'obédience à Hitler et au Troisième Reich. Leni Riefenstahl devient la nouvelle égérie de ce Septième Art inique et propagandiste à travers des oeuvres telles que Les Dieux du Stade (1938) et Le Triomphe de la Volonté (1935).

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Corrélativement, d'autres metteurs en scène vont largement contribuer à sanctifier et à sacraliser les doxas nazies et antisémites. Le plus tristement célèbre se nomme Veit Harlan qui réalise, entre autres, Le Juif Süss (1940), Le Grand Roi (1942) et Kolberg (1945). Parmi les films les plus célèbres réalisés, produits et financés par la prodigalité du Troisième Reich, les historiens les plus avisés notifieront probablement des oeuvres telles que Le Jeune Hitlérien Quex (Hans Steinhoff, 1933), Suis-je un assassin ? (Wolfgang Liebeneiner, 1941), Les Rotschilds (Eric Waschneck, 1940), Stukas (Karl Ritter, 1941), ou encore Heimkehr (Gustav Ucicki, 1941).
En l'occurrence, c'est le film Le Juif Süss qui est souvent considéré et vitupéré comme le film le plus explicitement antisémite de la propagande nazie.

Une bien triste notoriété que cette oeuvre propagandiste partage avec Le Juif Eternel, réalisé par les soins de Fritz Hippler en 1940. A l'instar de Veit Harlan et de Leni Riefenstahl, Fritz Hippler a allègrement oeuvré et besogné pour la propagande cinéphilique du Troisième Reich. Le metteur en scène adhère prestement aux thèses négationnistes et antisémites du régime nazi puisqu'il s'engage dans les sections d'assaut (SA) d'Hitler dès 1926. Dès 1938, sous l'aval de Goebbels, il tient et commande le ministère le ministère de la Propagande et de l'Education du Peuple.
Il a donc un oeil clairvoyant sur les films diligentés par le régime tyrannique. Mais, en 1943, Fritz Hippler se querelle avec Joseph Goebbels. Cauteleux, ce dernier l'envoie dans un bataillon d'infanterie. Evincé, Fritz Hippler devient alors un caméraman adventice à la solde du régime.

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A la fin de la guerre, il est condamné par un tribunal de guerre à deux ans d'emprisonnement pour sa collaboration proactive aux turpitudes et aux exactions sadiques du Troisième Reich. Fritz Hippler disparaîtra alors subrepticement des écrans-radars et décédera en 2002 à l'âge de 92 ans. Evidemment, Le Juif Eternel reste son oeuvre la plus tristement proverbiale. Via Le Juif Süss, l'intelligentsia coalisée par les Alliés pensait détenir le film le plus farouchement antisémite de la propagande nazie. Le métrage de Veit Harlan est, en dépit de ses billevesées, battu à plate couture par Le Juif Eternel, soit Der Ewige Jude dans la langue de Goethe.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Le Juif Eternel est condamné à marcher dans le sillage moribond des autres films assignés par le sceau de la Croix Gammée.

Lui aussi est banni, honni, interdit de diffusion et voué aux gémonies pour ses assonances expressément antisémites, mais aussi pour ses boniments et son obséquiosité. Cependant, contrairement à la vulgate dominante, ce film, aussi pernicieux soit-il, ne devrait pas être occulté ; mais à contrario servir d'exemplarité pour discerner les schémas factieux du cinéma de propagande, en particulier quand ce dernier sert à défendre une idéologie au mieux insidieuse. Contre toute attente, Le Juif Eternel ne remporte pas le succès escompté lors de sa sortie en Allemagne.
Pis, ce documentaire propagandiste fait même pâle figure à l'aune des fulgurances et des prébendes engendrées par Le Juif Süss, une oeuvre pourtant saluée et adulée par la critique (même internationale...) en son temps.

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Le public germanique est plutôt divisé sur ce film qui aborde sans fard tous les archétypes du Juif tel que le nazisme le définit. En sus, ce même audimat brocarde et admoneste une conclusion finale en apothéose qui montre, sans sourciller, la crucifixion d'animaux pour mieux vilipender les vilenies perpétrées par la communauté juive. Tel est le propos ignominieux de ce documentaire. Evidemment, un tel film ne pouvait échapper aux colonnes et à la plume affûtée de Cinéma Choc... D'une certaine façon, on pourrait aisément parler du tout premier "documenteur" puisque le film utilise des acteurs amateurs et anonymes pour les métamorphoser en juifs transis de cupidité. 
Telle est, par ailleurs, l'exégèse du film. Attention, SPOILERS ! (1) Le Juif Eternel est une contribution à l’idéologie nazie.

Il dépeint l’idée d’un complot international ourdi par les Juifs de l’Est (de nombreuses scènes ont été tournées en Pologne) et les Juifs de l’Ouest. Le film met tout en œuvre pour dépeindre les Juifs comme des sous-hommes et a pour but de montrer qu’ils sont un peuple auquel il faut s’opposer, dénonçant leur façon de vivre, leur histoire, leurs coutumes… Ainsi, le documentaire prétend dévoiler les véritables traits du « Juif éternel », d’après les nazis (1). Vous l'avez donc compris. Peu ou prou de surprise au programme de ces réjouissances à la fois retorses et funambulesques.
Ainsi, le Juif, dans toute sa génuflexion et sa servilité, est abordé sous plusieurs angles divergents. 
Selon Fritz Hippler, Joseph Goebbels et leurs fidèles prosélytes, les Juifs représenteraient environ 1% de la population mondiale.

Le documentaire instaure alors la théorie du bouc-émissaire. Si le monde tourne mal, c'est à cause de l'existence d'une Juiverie Internationale qui ourdirait secrètement de savants complots contre l'Europe dans son intégralité, en particulier contre l'Allemagne. En plus d'être obsédé par la pécune et l'amassement de capitaux, le Juif est comparé à une sorte de parasite, voire même de rat qui ne cesse de croître et de pulluler pour mieux flagorner son pays hôte. Par-là, comprenez que le Juif serait contre-productif. Il se contente de sillonner les marchés et de vendre ses produits à satiété pour mieux bâtir d'immenses empires, entreprises ou banques par la suite.
Pis, ce dernier érige et sanctifie des idéologies acrimonieuses. 
Preuve en est avec le communisme institué, ergoté, imposé et conjecturé par Karl Marx lui-même, donc un Juif... 

De surcroît, cette idiosyncrasie serait unilatérale et séculaire. Depuis des temps immémoriaux, les Juifs auraient perpétré ce genre de félonie à travers différentes régions du monde. Toujours selon les propres scansions de ce documentaire, de telles intempérances, seraient, chez le Juif, oecuméniques et presque inscrites dans leurs âmes, évidemment séditieuses. Désormais, c'est l'Allemagne et l'Europe, dans leur intégralité, qui sont tarabustées par ce péril imminent. Le documentaire (hum...) conglomère ce genre d'hâbleries en se basant sur d'autres personnalités éminentes, notamment Albert Einstein. Certes, on préférera se gausser devant cette oeuvre antisémite et déviante qui ne cherche même plus à dissimuler ses facondes racialistes.
Le film atteint son paroxysme lorsqu'il se conclut sur l'abattage casher de bovins d'infortune. Encore une fois, Fritz Hippler opte pour la tartufferie et le machiavélisme en montrant une vache agonir, puis exhaler son ultime soupir. Rien que pour cette séquence, d'une violence insondable, le film serait aujourd'hui, manu militari, censuré et gourmandé pour sa badauderie abyssale. Nonobstant son antisémitisme ostensible et pour le moins répugnant, Le Juif Eternel reste une oeuvre importante, ne serait-ce que pour entrevoir et décrypter les infamies et les immoralités déversées par le cinéma nazi.

 

Note : ?

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du "documentaire" sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Juif_%C3%A9ternel