Genre : Epouvante, horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 2002
Durée : 1h44
Synopsis :
Après la parution d’un article controversé, une journaliste est menacée par un psychopathe. Harcelée de coups de fil anonymes, elle est contrainte de changer de numéro de téléphone mobile. Lors d’un rendez-vous, une petite fille décroche accidentellement son GSM. L’enfant est alors saisi d’une crise de panique.
La critique :
Pour chaque thuriféraire de l'épouvante, le cinéma asiatique représente un filon incontournable de pellicules de qualité propices à engendrer l'horripilation chez les quelques téméraires. Il faut dire que nos fameux asiatiques ont une vision bien différente de l'horreur, se montrant plus torturée et contemplative. Travailler au mieux l'atmosphère pour qu'elle en devienne anxiogène, ne relâchant jamais son étreinte maléfique du cou du spectateur. Tel est le credo de certains cinéastes émérites rigolant à gorge déployée de l'amoncellement d'oeuvres occidentales pseudo-horrifiques dont les (très) rares moments d'effroi ne compteront que sur l'un ou deux screamers souvent très prévisibles. Rien de neuf sous le soleil concernant cette dialectique mainte fois énoncée.
Que soit, la fin des années 1990 marque un tournant très important pour le film d'horreur par l'entremise d'un Hideo Nakata révolutionnant complètement le genre avec son petit bijou Ring dont les moments de terreur sont encore prégnants chez certains. Véritable succès planétaire, le genre du kaidan eiga était remanié par la démocratisation de la fille aux longs cheveux vectrices se dressant sur la tête à chacune de ses apparitions.
Celle-ci vit son apparition se faire un peu partout en Asie, pas seulement dans le cinéma mais également dans la littérature et même les jeux vidéo comme en atteste cette abomination nommée "créature hurlante", présente dans le jeu The Evil Within, qui aura été l'instigatrice de sueurs froides chez les gamers (que de délicieux souvenirs...). Il faut dire que l'aspect repoussant de ce monstre damné a le potentiel pour déstabiliser mais quoi qu'il en soit, malgré son physique, le pire était parfois au rendez-vous. D'abord venu du Japon, la Corée du Sud n'a pas mis longtemps avant d'emboîter le pas de son cousin. Ahn Byeong-ki, nouveau réalisateur présenté sur le blog, décida de s'y lancer.
Sans surprise méconnu par chez nous, il est l'un de ces passionnés dont la filmographie ne se cantonne qu'au cinéma d'horreur qu'il louange. Les films aussi inconnus que lui dans nos contrées, à défaut d'être transcendants, ont réussi à se démarquer positivement aux yeux de critiques toujours sceptiques sur ce genre. Si on lui doit la trilogie Bunshinsaba, on recense également APT, Ouija Board et Nightmare. Reste à voir s'il est facile d'y avoir accès, ce dont je doute fort mais sait-on jamais. Les très rares commentaires semblent dire que le film d'aujourd'hui nommé sobrement Phone (ou The Phone) serait le métrage le plus probant de son géniteur.
ATTENTION SPOILERS : Après la parution d’un article controversé, une journaliste est menacée par un psychopathe. Harcelée de coups de fil anonymes, elle est contrainte de changer de numéro de téléphone mobile. Lors d’un rendez-vous, une petite fille décroche accidentellement son GSM. L’enfant est alors saisie d’une crise de panique.
Toujours la même antienne, on a suffisamment démontré que la Corée du Sud n'avait rien à envier à l'Occident pour nous gratifier de leçons de cinéma touchant surtout le thriller. Mais que peut-on en dire concernant le registre de l'épouvante et/ou de l'horreur ? Ce que l'on peut s'avancer à dire est que la confidentialité est plus prononcée. Certes, les pontes qui sont Dernier Train Pour Busan, The Strangers et Blood Island ont heureusement su s'exporter et se créer une grosse notoriété mais pour combien d'échecs ? Il faut, dès lors, s'intéresser d'un peu plus près aux films de ce pays pour faire la connaissance de Phone. Le synopsis, s'il se pare d'un classicisme non négligeable, n'en est pas pour autant inintéressant. La victime désignée sera Ji-won, une journaliste qui a mis à jour des scandales de pédophilie parmi le milieu des célébrités. Dans un premier temps, le film opte pour une tournure rudimentaire vu qu'elle subira le harcèlement d'un mystérieux individu dont on soupçonne vite qu'il ait un lien avec les personnalités ciblées par le rapport d'enquête.
Qu'on se le dise, cette première partie est somme toute négligeable, n'apportant rien de pimenté à une histoire qui démarrera sur de bonnes bases lors de cette fameuse scène du musée où la petite fille d'une amie de Ji-won décrochera inopportunément son GSM. Les cris stridents sortant de ce GSM vintage amènent à ce qu'elle soit prise d'une crise de panique. C'est le début de l'enfer qui ne commencera pas seulement pour Ji-won mais aussi pour son amie Ho-jeong.
Vraisemblablement, Byeong-ki a été influencé et marqué par Ring, emboîtant le pas pour développer une épouvante contemporaine initiée par cette dernière. Désormais, l'horreur ne naquit plus du mysticisme émanant du folklore asiatique. La terreur s'immisce dans la vie de tous les jours, prenant corps dans notre environnement urbain où il se déplace insidieusement. Il naît dans les décors parfaitement crédibles et naturels engloutissant Ji-won par leur austérité si marquée. Sa pernicieuse propagation se fait à travers la technologie humaine, se parant d'une aura maléfique. Le danger émerge de cet appareillage influant de manière indiscutable notre quotidien.
A défaut de la diabolique cassette vidéo de Ring, c'est le GSM qui est ciblé. Objet de véhémences de la part de certains voyant en cet outil, une menace pour l'intégrité du corps humain dû à ses fameuses ondes dont on dit qu'elles influent sur le cerveau, il n'est guère surprenant que nous le retrouvions tôt ou tard au centre d'un film d'épouvante. Au moins, on peut dire que Phone a de la suite dans les idées mais, cependant, son réalisateur n'a pas de telles velléités de nous questionner sur l'incidence de ce fameux téléphone mobile, sur ses menaces et son omniprésence. Dans le fond, peut-on lui en vouloir sachant qu'il serait bien compliqué d'intégrer ce genre de réflexion ?
Les ambitions de Byeong-ki sont simples : raconter une histoire sortant des sentiers battus de ce qui se fait chez nous. Dans Phone, l'épouvante n'est ni vaine, ni gratuite et est au service d'une tragédie passée qui impactera à jamais la famille que côtoie Ji-won et celle-ci. Une pure tragédie concernant l'amour d'un homme et ses batifolages avec deux femmes dont l'une en deviendra une paria. Phone, en s'illustrant avec une certaine maestria dans ce style de récit, traite des déboires des relations amoureuses adolescentes. Une époque où les jeunes filles empreintes de naïveté découvrent un marché de l'amour peu orthodoxe, déshumanisé où les hommes n'hésitent pas à profiter de leur innocence dans un but de pur plaisir personnel (soulignons que l'inverse existe aussi).
Pire encore, il s'agit là d'un homme marié s'énamourant (terme à mettre vraiment entre guillemets vu la suite des événements) avec une collégienne dont on peut soupçonner d'être son premier amour. Une immoralité traitée sans tabou quand on les verra s'embrasser sur un lit sans compter les frasques de provocation où elle se languit de dire à la mariée qu'elle a eu de nombreux rapports sexuels avec.
Je laisserai le soin aux intéressés de se jeter dans le film pour visualiser la suite du récit mais comme un grand nombre de films coréens, sachez que le happy end ne sera pas d'application pour le plus grand bonheur des cyniques que nous sommes. Seulement, Phone n'est pas exempt de tout reproche et doit se coltiner des tares assez désagréables à commencer par une impression de déjà-vu pour ceux ayant vu la version japonaise de Ring et dont les inspirations sont un peu trop brusques. Deuxièmement, on ressentira la durée à plusieurs moments très négligeables cassant le rythme du film dont la mise en scène n'est pas du tout dégueulasse. Au contraire, certaines séquences suscitent le respect dans leur malaise. Bien entendu, c'est la scène de la petite fille décrochant le téléphone qui est la plus emblématique, parvenant à susciter un sursaut d'effroi.
On appréciera aussi l'un ou l'autre rare screamer guère prévisible (ce qui est suffisamment peu courant dans le cinéma d'épouvante pour être souligné).
Niveau esthétisme, on ne peut pas dire que le film soit un bon élève. Si l'ensemble est filmé correctement, les décors sont d'un classicisme absolu sans volonté de les rendre glauques comme Ring a su le faire en mêlant ET le réalisme ET le malsain déteignant sur les moult paysages urbains. Classicisme absolu également pour l'aspect sonore qui ne nous arrive jamais dans le bon sens du terme aux oreilles. Pour l'interprétation des acteurs, Eun Seo-woo retiendra toute notre attention en incarnant cette fillette pouvant se montrer aussi attachante qu'effrayante en arborant en quelques secondes une mine d'une méchanceté pour le moins déstabilisante. Choi Ji-yeon tirera aussi habilement son épingle du jeu dans la peau de la collégienne faisant corps avec une névrose déviant de plus en plus dans la folie meurtrière. Mais en ce qui concerne le reste, tout ça est assez faiblard.
Je fermerai les yeux sur le doublage en français à vomir mais même en écartant ce point de vue, difficile de s'attacher aux personnages tant ils frôleront la série B. Assez frustrant.
A la fin de cette chronique, on pourrait s'attendre à un film globalement moyen n'apportant que peu de choses au style. Il est vrai que Phone ne sera pas du tout l'égérie de l'épouvante coréenne. Pourtant, il faudrait être malhonnête pour ne pas déceler de bonnes intentions, ainsi qu'un résultat qui, malgré tout, s'hérisse au-dessus de la moyenne habituelle bien faiblarde. Si le métrage n'engendre pas la frousse escomptée, il arrive à titiller notre curiosité, nous donnant l'envie de connaître le fin mot de l'histoire, quand bien même il sera vite oublié. Les problèmes sont là et nous ne pouvons pas fermer les yeux dessus. Il arrivera aussi que l'on décroche par manque de gnac.
On ne s'étonnera aucunement qu'il ne puisse rivaliser avec Ring vu une fille aux cheveux longs moins marquante et surtout moins malsaine. Néanmoins, il faudrait être difficile pour lui mettre une note en-dessous du 10 car il a en poche quelques arguments intéressants à commencer par une tristesse palpable poussant sur une horreur tant existentielle que paranormale. La constatation de la pauvreté de l'épouvante contemporaine me fait dire que la séance fut agréable en dépit d'un travail pas spécialement génial mais dont le mérite est de dépasser un grand nombre d'ersatz d'épouvante. Et ça mes amis, c'est un point à tenir en compte. Une pellicule à réserver aux irréductibles du paranormal, les autres pourront passer leur chemin.
Note : 11/20