great white death

Genre : horreur, "Mondo", shockumentary, documentaire, "documenteur" (interdit aux - 18 ans)
Année : 1981
Durée : 1h28

Synopsis : John Ford, un acteur éminent du cinéma américain, nous explique, à travers un documentaire grimé en "Mondo" et en shockumentary, tous les secrets ineffables du grand requin blanc ; de son mythe de poisson vorace et plantureux à une chasse presque criminelle dont le squale est hélas victime. 

 

La critique :

Il y avait bien longtemps que Cinéma Choc n'avait plus abordé le genre agression animale, et plus précisément l'agression aquatique dans ses colonnes, un domaine dans lequel le squale, à savoir le grand requin blanc excelle. Pour souvenance, ce sous genre du cinéma bis et d'exploitation officialise sa naissance vers le milieu des années 1970 via Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975). Certes, presque 45 années se sont écoulées depuis la sortie de ce classique indéboulonnable et incontournable. Pourtant, le film horrifique de Steven Spielberg fait toujours office de bréviaire et de figure tutélaire.
Certes, la concurrence deviendra apoplectique et oscillera entre La Mort au Large (Enzo G. Castellari, 1981), une sorte de Jaws à la sauce bolognaise et des poissons voraces à l'appétit pantagruélique via le bien nommé Piranhas (Joe Dante, 1978).

Si la recette obéit toujours, peu ou prou, à la même antienne, à savoir des touristes d'infortune assaillis par une créature vorace et gargantuesque, aucun candidat digne de nom ne reproduit les fulgurances rougeoyantes de Les Dents de la Mer. Pourquoi ce film éminent fait-il autant référence ? La réponse se trouve à la fois dans cet océan symbolisant le vide et une menace indicible, et bien sûr via ce squale qui préfigure à sa manière cette machine de guerre à l'appétit insatiable, un peu comme si l'homme n'était plus au sommet de l'échelle alimentaire.
Corrélativement, Steven Spielberg n'épargne pas non plus les vils capitalistes. Au nom du lucre et de la pécune, nos édiles politiques sont prêts à sacrifier la populace. Il ne faut surtout pas tuer ni sacrifier la saison estivale, à la fois synonyme de prébendes et consumérisme à tous crins.

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In fine, le vrai requin, ce n'est pas cette créature qui semble sourdre de nulle part, mais plutôt ces commanditaires véreux ; une logique irréfragable qui n'échappe pas à Martin Brody, le chef de police de la ville d'Amity. Certes, le cinéma d'horreur tentera de varier les inimitiés en jouant la carte du found footage et de la scansion : "Inspiré de faits réels". C'est par exemple le cas d'Open Water - En Eaux Profondes (Chris Kentis, 2003), probablement le seul long-métrage insolite et iconoclaste dans le monde étriqué de l'agression aquatique en particulier.
Cette fois-ci, pas question de miser sur un requin hors norme et de taille plantureuse, mais plutôt sur la vastitude d'un océan et sur le mouvement, à priori placide, des vagues. En misant mordicus sur le réalisme à tous crins, Chris Kentis parvient à susciter ce sentiment d'épouvante et d'effroi via l'histoire horrible de ces plongeurs condamnés à exhaler leur dernier soupir au beau milieu de nulle part.

Mais, depuis la sortie d'Open Water premier du nom, le genre "squale affamé" reste confiné dans un schéma fastidieux et rébarbatif en dépit des nombreuses tentatives de faire culminer l'animal vers des complexions stratosphériques, un peu à l'instar du récent En Eaux Troubles (Jon Turteltaub, 2018). Dans cette litanie de productions peu ou prou analogiques, il existe néanmoins un candidat méconnu du grand public qui déroge à cette dialectique narrative. Son nom ? Great White Death, réalisé par les soins de Jean-Patrick Lebel en 1981.
Pour une fois, nous tenons un film d'agression aquatique totalement novateur puisque ce dernier vient inscrire son monogramme dans les registres du "Mondo" et du shockumentary. Mieux, certains laudateurs du cinéma trash et extrême évoquent même le Faces of Death (John Alan Schwartz, 1978) version requins.

Voilà une bien curieuse promotion publicitaire tant les deux registres ne partagent aucune accointance ! Toutefois, à l'instar de Faces of Death et de ses nombreux succédanés, Great White Death propose un périple océanographique qui consiste à scruter et à analyser l'historique de ce monstre assoiffé, à la fois craint et adoubé par les peuplades locales. Le monstre sauvage et aux dents acérés, aussi hideux qu'abominable, n'a pas seulement érigé sa sinistre réputation via Les Dents de la Mer. La peur qu'il suscite obéit à une véritable mythologie séculaire.
C'est que tente de discerner et d'entrapercevoir Great White Death. Pour la faribole superfétatoire, le film de Jean-Patrick Lebel n'a même bénéficié d'une sortie en version française. Il s'agit donc d'un long-métrage ultra confidentiel.

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Il n'en est pas de même pour Jean-Patrick Lebel qui sévit ici sous le nom - quasi homonyme - de Jean Lebel. Celui-ci a officié essentiellement derrière des documentaires. Les cinéphiles les plus avisés n'omettront pas de stipuler des oeuvres telles que Plurielles (1979), Nasdine Hodja au pays du business (1985), Cité de la Muette (1987), ou encore Calino Maneige (1996) parmi ses documentaires et/ou films notables et éventuellement notoires. A fortiori, Jean-Patrick Lebel ne partage aucune affinité avec le "Mondo". Mais vers l'orée des années 1980, ce sous genre du cinéma underground et d'exploitation connaît un succès pharaonique. Même remarque concernant les films de requins.
Donc, autant amalgamer les deux pour le prix d'un. Telle semble être le didactisme opportuniste de Great White Death, un shockumentary basé, selon son narrateur (un certain Glenn Ford), sur des images et des faits bien réels.

Toujours la même ritournelle... Profitant de la vague déferlante du "Mondo" dans le cinéma bis horrifique, Great White Death s'auréole également de l'ultime animadversion via une interdiction aux moins de 18 ans. Attention, SPOILERS ! John Ford, un acteur éminent du cinéma américain, nous explique, à travers un documentaire grimé en "Mondo" et en shockumentary, tous les secrets ineffables du grand requin blanc ; de son mythe de poisson vorace et plantureux à une chasse presque criminelle dont le squale est hélas victime. De facto, Great White Death s'apparente à une vision anthropologique et océanographique de Les Dents de la Mer. En ce sens, le film de Jean-Patrick Lebel dénote de la concurrence pléthorique habituelle. Ainsi, Great White Death nous explique, à travers de longues facondes fastidieuses, la mythologie du grand requin blanc.
Jadis, ce dernier était comparé à un démon de l'océan rouge.

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Ainsi, aux yeux de certaines peuplades éculées, l'animal aquatique représente la quintessence de la chaîne alimentaire. Gare à ne pas effaroucher le squale et à lui offrir, sans sourciller, de nombreuses victuailles. Ainsi, l'animal volumineux est comparé à une sorte d'entité divine, dont l'irascibilité peut s'abattre sur les villages, déclenchant vents, marais et tempêtes... Tout du moins selon certains us et coutumes des indigènes à proximité. Le requin subit donc la métaphore avec ce dieu omnipotent auprès des peuples décrits comme archaïques et primitifs.
A ce sujet, le shockumentary rappelle que la genèse du requin remonte à l'ère paléontologique. Toutefois, son existence et sa pérennité sont sérieusement menacées par ces hommes grimés en chasseurs et en prédateurs.

Capturer le requin, c'est aussi ferrer l'animal et le suspendre pour mieux procéder à son équarrissage. Sur ce dernier point, Great White Death se montre particulièrement magnanime. Pour ceux qui honnissent et abhorrent - à juste titre - les supplices et les dépeçages pratiqués sur des animaux, merci de quitter prestement leur siège et de retourner gentiment dans leurs pénates ! Au détour d'un film qui s'apparente, in fine, à n'importe quel documentaire sous-marin, Great White Death s'extrait parfois de son rythme mollasson pour nous montrer, sans fard, ce plongeur happé par un requin. Cette fois-ci, la séquence est bien réelle via cette jambe gauche sectionnée et donc tortorée par un squale de passage. Ce plongeur se nomme Henry Bource, un nageur qui survivra miraculeusement à cette attaque inopinée. Cependant, hormis cette fameuse saynète sanguinolente, pas grand-chose à se mettre sous la dent (si j'ose dire...). Certes, Great White Death flagornera sans doute ceux et celles qui aspirent à connaître la légende terrifiante du grand requin blanc. 
En revanche, pour la métaphore avec Faces of Death et ce déluge de gore promis par son affiche rutilante, Great White Death pourra obliquer et tangenter vers un autre chemin, celui d'un "Mondo" qui agit comme un narcoleptique, soit le shockumentary idoine pour s'assoupir. Vous l'avez donc compris. L'interdiction aux moins de 18 ans est totalement usurpée ! Bref, une sacrée gabegie en somme.

 

Note : 07/20

sparklehorse2 Alice In Oliver