Genre : documentaire, historique, shockumentary (interdit aux - 18 ans)
Année : 1944/2014
Durée : 1h15
Synopsis : Une enquête factuelle sur les camps de concentration nazis qui a donné naissance, suite à un long travail de restauration à un documentaire tourné par les Alliés, et en particulier par les forces britanniques sur l'horreur de l'Holocauste...
La critique :
On omet souvent de le dire et de le préciser, mais après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Ordre International ne se soucie guère des survivants et des camps de la mort nazis. L'Europe doit, de prime abord, se rebâtir après la chute et la défaite du régime despotique hitlérien. C'est un monde à l'agonie qui, désormais, doit se partager entre le communisme adoubé et révéré par Staline et un capitalisme exponentiel sous le joug des Etats-Unis. Le monde appartient aux Soviétiques et aux Américains qui se disputent la couronne sérénissime de la nation la plus hégémonique.
La Guerre Froide fait rage et la menace nucléaire se montre de plus en plus prégnante, au grand dam d'une Europe encore médusée et tétanisée, qui aspire encore à devenir une nouvelle Rome luxuriante en se réunifiant et en se coalisant. Une chimère...
Telle est l'utopie édifiée et magnifiée par les Britanniques et les Français, entre autres... Hélas, en 1940, la France a connu une défaite cinglante, probablement le plus gros fiasco de toute son histoire... A la fin de la Première Guerre Mondiale, l'Armée française était encore crainte et respectée à travers toute l'Europe et le monde entier. Désormais, elle est synonyme de déconfiture et de débâcle. Ce n'est qu'à partir du milieu des années 1950 que le noble Septième Art va se polariser sur l'extermination des Juifs dans les camps de concentration allemands via Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1956). Auparavant, le procès de Nuremberg, dirigé et diligenté par les Alliés, a permis pour la première fois de cerner et de discerner le sort funeste de millions de juifs dans les camps de la mort.
Le camp d'Auschwitz transparaît alors comme la quintessence d'une entreprise de la mort.
Tout est conçu, pensé et ratiociné pour envoyer les prisonniers vers une mort certaine et annoncée... Hommes, femmes, vieillards et enfants sont séparés pour s'adonner sans sourciller à la lourde besogne, puis pour exhaler leur dernier soupir dans les chambres à gaz. Les corps alanguis sont alors réduits à quia et calcinés dans l'indifférence générale. Bien des décennies plus tard, le travail historique et mémoriel rappellera aux hommes la notion de responsabilité. Personne n'ignorait les tortures, les mises à mort, l'inoculation du typhus, ainsi que les expériences chimiques, médicales et physiologiques prônées par certains docteurs de la mort dans les camps de concentration nazis.
En outre, les images diffusées lors du Procès de Nuremberg sont à la fois issues des archives, des photographies et des extraits de films tournés par le gouvernement britannique lors de la libération des camps.
Elles seront utilisées, entre autres, pour déceler, retrouver et accuser les véritables responsables de cette entreprise abominable et épouvantable. A l'origine, le gouvernement britannique enjoint le cinéaste Alfred Hitchcock et Sidney Bernstein, un ancien militant communiste, à tourner Memory of the Camps, soit La Mémoire Meurtrie dans notre langue hexagonale. L'objectif des deux comparses est de convaincre la population allemande de la nocuité et de la perniciosité de la doxa nazie. Ainsi, le but est de prévenir et de persuader la plèbe germanique sur les véritables intentions fallacieuses de leur ancien chancelier "nazillard". Si l'Allemagne est à bout de souffle et en grande partie exsangue et saccagée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est à cause des projets machiavéliques d'Hitler et de sa politique antisémite qui visait l'extermination de tous les juifs d'Europe, puis du monde entier.
Mais l'Europe doit se redresser et contrarier la suprématie arrogante des Etats-Unis sur la scène internationale. Pour y parvenir, la France et les Britanniques doivent pouvoir escompter sur l'aide et la prodigalité de leur voisin germanique. C'est la raison pour laquelle le documentaire, La Mémoire Meurtrie, sera abandonnée, inaboutie et donc inachevée. Le film reste alors confiné dans les affres de la désuétude et des oubliettes. Que soit. Bon gré, mal gré, le documentaire reste une pièce authentique, unique et historique de véracité. Le long-métrage est précieusement conservé par les autorités. Il ne ressortira de sa léthargie que trois décennies plus tard après des années de silence et de débonnaireté. Corrélativement, les historiens retrouvent également d'autres films et interviews tournés lors de la libération des camps. C'est un véritable travail d'orfèvre qui attend ces experts chevronnés pour restaurer et reconstituer la libération, entre autres, du camp de Bergen-Belsen.
Mais d'autres vidéos tournées dans d'autres camps de concentration allemands viennent eux aussi s'agréger. C'est ainsi que naît le projet intitulé German Concentration Camps Factual Survey, toujours sous l'aval et la diligence d'Alfred Hitchcock et Sidney Bernstein en 1944. Les deux compères prennent peu à peu conscience de l'Holocauste et réitèrent à satiété la scansion suivante : "Plus jamais ça !". Mais, pour des raisons politiques et idéologiques, le projet périclitera jusqu'à renaître presque curieusement de sa genèse en 2014. Prétendre que German Concetration Camps Factual Survey est un documentaire proéminent tient du doux euphémisme.
L'un de ses objectifs est de rappeler la nécessité du travail de mémoire et de procéder à ses rémanences et à ses douloureuses réminiscences.
C'est probablement la raison pour laquelle le film reste la propriété du Musée Mémoriel de l'Holocauste de San Francisco. Autant l'annoncer sans ambages. German Concentration Camps Factual Survey est un shockumentary et, d'une certaine façon, un death movie d'une rare scabrosité. Néanmoins, vous pouvez oublier, oblitérer et phagocyter les "Mondo" adventices (Mondo Cane, L'Amérique Interdite, Shocking Asia et leurs nombreux succédanés), ainsi que les death movies accessoires (entre autres, le célèbre Faces of Death, John Alan Schwartz, 1978), au profit d'une réalité historique incontestable et d'un barbarisme au firmament de son inexorabilité.
Cette fois-ci, point d'images galvaudées, de saynètes truquées et falsifiées et encore moins de séquences tournées par des acteurs amateurs et/ou anonymes.
Les images et les lithographies mortuaires, avec leur floraison de cadavres cachectiques et putréfiées, sont hélas bien réelles et d'une tristesse ineffable... En route vers la mort, les supplices, les cris d'orfraie et l'agonie... Rien que la crasse, l'horreur et la mort scande une voix anonyme... Pourtant, lorsqu'une faction de l'Armée Britannique part libérer le camp de Bergen-Belsen, c'est un paysage plutôt chatoyant qui s'invite sur leur route sinueuse. Rien ne prédestine, à fortiori, à découvrir la terreur et un véritable sanctuaire de la mort... Puis, à quelques kilomètres du camp de la mort, des exhalaisons fétides se font furieusement sentir. Des centaines de captifs attendent avec impatience leurs libérateurs.
L'armée britannique découvre alors avec stupeur des personnes affamées depuis plusieurs jours, certains d'entre eux agonisant sur le sol et à proximité de plusieurs dizaines de tas de cadavres.
Pis, certains encore mourront des suites de ces sévices. Les soldats découvrent également une véritable entreprise habilement régentée et agencée par les nazis. Les prisonniers débarquent par des chemins de fer et dans des wagons dans lesquels ils sont entassés, ce qui permet déjà d'exterminer les individus les plus fébriles. Plusieurs dizaines de passagers meurent asphyxiés. Une fois sur place, ceux qui sont jugés inaptes au travail sont conduits dans les salles de douche. La suite, vous la connaissez... Inutile de s'appesantir sur cette horreur indicible.
Une fois le gaz propagé, les cadavres sont ensuite calcinés. Pour des raisons d'insalubrité, le typhus, la gangrène et toutes les maladies malignes se propagent, inexorablement. On exhorte le vol, la trahison, la félonie pour une bouchée d'orge ou de pain frugal.
Les pelures de pomme de terre deviennent presque une friandise. C'est dans ce contexte d'Holocauste et de primitivisme à tous crins que l'Holocauste, peu à peu, s'organise... Parallèlement, certains détentionnaires sont aussi les victimes d'expériences médicales et chirurgicales fomentées par les nazis. Le but ? Faire avancer la recherche scientifique ou tout simplement, parfois, s'ébaudir de ces cadavres qui parviennent encore à déambuler malgré une agonie avancée... Ainsi, German Concentration Camps Factual Survey conglobe et conglomère les images et les lithographies les plus mortifères. Toutefois, attention, ce documentaire historique ne se résume pas uniquement à un agrégat de dépouilles chétives et méphitiques, loin de là !
Le long-métrage se veut factuel, impartial et repose notamment sur des interviews, des photographies et des images d'archives. Certes, les négationnistes et les antisémites pourront toujours ergoter, pérorer et gloser sur les fondements et les linéaments idéologiques de ce documentaire, en arguant sur son aspect propagandiste puisqu'il est, à la base, un projet cinématographique ourdi par les Alliés, en particulier par le gouvernement britannique. A contrario, n'oublions pas que German Concentration Camps Factual Survey est resté, pendant longtemps, trop longtemps engoncer dans les rugosités de l'oubli. Pas de note donc pour ce documentaire du fait justement de sa prévalence.
In fine, face à de telles images chocs et d'une violence insondable, mieux vaut se taire et laisser parler la véracité historique...
Note : ?
Alice In Oliver