Genre : arts martiaux, action
Année : 2019
Durée : 1h47
Synopsis : Après sa défaite face au Master IP, Cheung Tin Chi tente de recommencer sa vie avec son jeune fils à Hong Kong, au sein d'un bar destiné aux expatriés dont il est le propriétaire. Mais peu de temps après, il replonge dans ses anciens travers...
La critique :
Il serait sans doute inconvenant, voire malséant de ressusciter aujourd'hui le fantôme de Bruce Lee, même si par le passé, la Bruceploitation s'est allègrement sustentée de réactiver, voire d'exhumer le mythe. Après la mort du Petit Dragon en 1973, ce sont toute une myriade de productions adventices qui tentent malhabilement de mimer les exploits martiaux et frénétiques de l'expert chinois, via toute une panoplie de clones avariés (Bruce Le, Bruce Li et même Bruce Ly). A cet égard, Le Jeu de la Mort (Robert Clouse, 1978) reste probablement le film le plus célèbre de la Bruceploitation.
Bien conscient de l'aura encore palpable du Petit Dragon sur le cinéma d'action en général et sur le cinéma d'arts martiaux en particulier, les productions se sont davantage focalisées sur l'un de ses mentorats, Yip Man ou Ip Man, un grand maître chinois qui a fondé sa propre école d'arts martiaux.
Oui, cette sorte de pygmalion deviendra l'un des principaux guides de Bruce Lee "himself", mais la prédominance de cet artiste dépasse amplement le cadre du Petit Dragon. Indubitablement, Ip Man reste une figure proverbiale et emblématique en Chine et même sur l'intégralité du continent asiatique, à tel point que Wilson Yip lui consacrera, de prime abord, une adaptation cinématographique, le bien nommé Ip Man : la légende du grand maître (2008). Jusqu'ici engoncé dans des rôles subalternes, l'acteur Donnie Yen devient cet artiste orfèvre, dans le sillage et le continuum - justement - de Bruce Lee.
En Chine, le long-métrage s'attire les ferveurs populaires, une notoriété qui dépasse justement ses propres frontières pour s'expatrier à l'étranger, notamment sur nos terres occidentales. Il n'en fallait pas davantage pour transmuter ce premier chapitre en une hexalogie.
Ainsi, Ip Man : la légende du grand maître sera suivi par Ip Man 2 : le retour du grand maître (Wilson Yip, 2010), Ip Man 3 (Wilson Yip, 2015), Ip Man : la légende est née (Herman Yau, 2010), Ip Man : le combat final (Herman Yau, 2013), et récemment Ip Man Legacy - Master Z, réalisé par la diligence de Yuen Woo-ping en 2019. Aujourd'hui, c'est le cas du dernier long-métrage susmentionné qui fait l'objet d'une chronique dans nos colonnes. Désormais chenu, Donnie Yen ne peut plus enfiler derechef les oripeaux du grand maître. Que soit.
Dans le dernier volet en date, Ip Man 3, Donnie Yen donnait la réplique et s'empoignait copieusement avec Zhang Jin, un autre spécialiste du Wing chun ; une façon comme une autre de confier la saga sous de nouveaux auspices.
Pour souvenance, le premier chapitre restait sans doute le film le plus éloquent d'une franchise lucrative et, in fine, mercantiliste. Tout d'abord transi par la factualité et la véracité historique, Ip Man premier du nom tangentait sans fard vers le pur produit d'exploitation. Ainsi, le Wing chun devenait cette boxe vengeresse, ou plutôt cet art martial destiné à défendre sa propre communauté d'une menace imminente. Nonobstant leurs chorégraphies voluptuaires, les épisodes suivants ne retrouveront jamais (ou trop peu) la fulgurance et la tonitruance de leur auguste devancier.
Ip Man Legacy - Master Z est donc conçu, pensé, scénarisé et ratiociné comme une séquelle de la saga. Comme son intitulé le stipule, il n'est pas question de se polariser - encore une fois - sur les tribulations d'Ip Man, mais sur l'un de ses fidèles subordonnés, à savoir Cheung Tin-chi, plus communément surnommé Maître Z (Master Z dans la langue de Shakespeare).
A l'instar des précédents chapitres, le film n'a pas connu les faveurs d'une sortie dans les salles françaises, mais devrait logiquement se départir via le support vidéo. Paradoxalement, les critiques accueillent plutôt favorablement ce nouvel avatar en le couvrant d'éloges et de satisfécits. Quant à Yuen Woo-ping, le cinéaste, producteur et chorégraphe hongkongais est loin d'être un noviciat dans le monde cinématographique. Les thuriféraires du metteur en scène notifieront sans doute des oeuvres telles que Le maître chinois (1978), Tigre Blanc (1981), Tiger Cage (1988), Iron Monkey (1993), Tai Chi Master (1993), True Legend (2010) ou encore Tigre et dragon 2 (2016). Pour la faribole superfétatoire, l'acteur Donnie Yen, devenu producteur d'Ip Man Legacy - Master Z, ne voulait pas initialement rempiler, ni apposer sa signature sur le film.
Mais à force d'opiniâtreté, Yuen Woo-ping finira par obtenir son aval et son assentiment pour la production de cette séquelle. Hormis la présence de Zhang Jin dans le rôle principal, la distribution de cette série B d'arts martiaux se compose de Dave Bautista, Liu Yan, Michelle Yeoh, Tony Jaa, Xing Yu et Kevin Cheng. Dans ce casting éloquent, on retrouve donc plusieurs figures homériques du cinéma d'arts martiaux. Si Donnie Yen est le grand absent des belligérances, l'artiste peut néanmoins escompter sur plusieurs noms somptuaires et bien connus des adeptes de ce registre cinématographique.
Mais ne nous égarons pas et revenons à l'exégèse du film ! Attention, SPOILERS ! (1) Après avoir été vaincu par le Maître Ip Man, Cheung Tin Chi, blessé dans son orgueil, mène une vie modeste, se consacrant à son épicerie et à l’éducation de son fils.
En voulant secourir son ex-fiancée, le challenger de Ip va devenir la cible des triades de Hong-Kong, menées par le cruel Kit Kang et sa soeur Kwan. Il devra affronter le funeste Owen Davidson, un homme d’affaires américain au coeur du commerce de l’héroïne pour vaincre tous ses ennemis, sauver sa fierté et gagner le respect de ses pairs… (1). En l'espace d'une petite dizaine d'années, la saga consacrée à Ip Man est devenue l'une des franchises les plus probantes, rentables et spectaculaires du cinéma d'arts martiaux. Certes, à l'instar de ses illustres épigones, Ip Man Legacy - Master Z ne brille guère par son scénario, plutôt pingre et lapidaire pour l'occasion.
On pouvait légitimement maronner et clabauder après cette sixième forfaiture sur pellicule, d'autant plus que Donnie Yen est (encore une fois) le grand absent de ces nouvelles martialités.
Le comédien est donc suppléé par Zhang Jin, une figure beaucoup moins proverbiale, mais évidemment spécialisée dans la profusion de bourre-pif, qu'il assène à satiété. Indiscutablement, c'est un rythme hallucinant, voire carillonnant, qui émane de ce nouvel épisode en apothéose. Les thuriféraires de bastons et de chorégraphies grandiloquentes en auront pour leur pécune. C'est à eux, incontestablement, que s'adresse Ip Man Legacy - Master Z. En l'occurrence, le long-métrage de Yuen Woo-ping remplit doctement son office et ne dévie jamais de sa trajectoire martiale.
En tant que série B, Ip Man Legacy - Master Z possède de solides arguties dans sa besace, surtout lorsqu'il s'agit de se quereller, puis évidemment de se colleter. Cependant, en dépit de sa munificence, le film n'est pas exempt de tout grief. Première carence, le métrage pâtit de l'absence, presque béante, de Donnie Yen. Malgré ses prouesses, sa prestesse et sa célérité, Zhang Jin ne possède pas le charisme de son homologue. Au final, on se contrefiche un peu... beaucoup... énormément de ce maître épisodique et de ses aventures lénifiantes qui ne parviennent pas, ou alors peu ou prou, à passionner sur la durée. In fine, Ip Man Legacy - Master Z n'élude pas les ficelles ni les câbles de rigueur pour projeter ses artistes chevronnés sur des murs et mêmes des façades de commerce ; un procédé dont le film est un peu trop friand. Vous l'avez donc compris. Nonobstant ses qualités immanentes, Ip Man Legacy - Master Z n'échappe pas à notre circonspection de circonstance. Il serait donc temps, grand temps que le saga cesse, sous peine de céder, voire de ciller vers une certaine fastidiosité.
Note : 11/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://www.ecranlarge.com/films/1040015-master-z-ip-man-legacy
