Genre : horreur, gore (interdit aux - 16 ans)
Année : 2013
Durée : 1h24
Synopsis : Après avoir passé la nuit avec un inconnu, Samantha ressent des troubles inexpliqués. Son corps se décharne, ses ongles s'arrachent... Mais qui est l'homme qui l'a contaminé ?
La critique :
Dans l'univers corseté des zombies, c'est sans doute La Nuit des Morts-Vivants (George A. Romero, 1968) qui remporte la palme de l'outrecuidance et qui fait figure d'auguste bréviaire. A l'époque, le film de George A. Romero déchaîne les passions et les acrimonies circonstanciées. Inlassablement semoncé et invectivé, Night of the Living Dead - de son titre originel - devient l'objet de toutes les fantasmagories, surtout pour une censure sévèrement courroucée. A l'origine, ce long-métrage indépendant n'est pas destiné à s'arroger la couronne voluptuaire de film culte, voire de classique incontournable et sérénissime. Et pour cause... Puisque La Nuit des Morts-Vivants écope, de prime abord, de l'ultime réprobation, soit d'une interdiction aux moins de 18 ans.
Le film se pare d'une introspection allégorique sur les chamboulements sociologiques et sociétaux que traverse l'Amérique vers la fin des années 1960.
Chez la communauté afro-américaine, l'irascibilité gronde et réclame des droits civiques à équité des citoyens blancs et lambda. Les mouvements frénétiques des zombies, la chasse régentée par des tireurs patentés réactivent, entre autres, les réminiscences douloureuses et guerroyeuses de la Guerre du Vietnam. Et c'est ce qu'a parfaitement cerné un George Romero atrabilaire et en dissidence contre son propre pays. Ainsi, le cinéaste et producteur devient le nouveau chantre de l'horreur, et La Nuit des Morts-Vivants s'octroie les ferveurs du public extatique lors de sa diffusion en salles lors des séances de minuit. Le film est même promu parmi les Midnight Movies et assoit durablement son hégémonie.
En l'occurrence, George A. Romero fera de cette métaphore politique et idéologique son principal leitmotiv, un syllogisme qu'il rééditera et poursuivra avec opiniâtreté à travers Zombie (1978), Le Jour des Morts-Vivants (1985), Le Territoire des Morts (2005), Chronique des Morts-Vivants (2008) et Le Vestige des Morts-Vivants (2009).
Pourtant, vers le milieu des années 1980, le public commence sérieusement à se lasser des toutes ces ellipses sociologiques et préfèrent opter pour le gore et la goguenardise. Ainsi, Le Jour des Morts-Vivants est supplanté par la sortie, en concomitance, de Le Retour des Morts-Vivants (Dan O'Bannon, 1985). Cette fois-ci, l'horreur version putrescente oblique vers le sarcasme et le déchaînement de barbaque et de tripailles. Aujourd'hui, on ne compte même plus les séries B et les séries Z désargentées qui amalgament, avec peu ou prou de sagacité et d'ingéniosité, les didactismes conjugués de Night of the Living Dead et de Shaun of the Dead (Edgar Wright, 2004).
Dans tous les cas, ces productions oscillent toujours vers la même rhétorique funeste. Un groupe d'individus doit se colleter et étriller une véritable armada de zombies décrépits, qui plus est, dans une société amorphe et condamnée à se paupériser sous la menace de temps eschatologiques.
Corrélativement, d'autres bisseries tentent de se démarquer et optent pour une inoculation corporelle et individuelle. Les thuriféraires de zombies carnassiers n'omettront pas de stipuler Moi, Zombie : chronique de la douleur (Andrew Parkinson, 1998), une série B notoire qui se polarisait sur le cas d'un homme qui, après avoir été mordu par un macchabée, se transmute subrepticement en mort-vivant anthropophage. Indubitablement, le long-métrage indépendant d'Andrew Parkinson a durablement estourbi les persistances rétiniennes en son temps.
Un théorème que tente de rééditer Contracted, réalisé par la diligence d'Eric England en 2013. Nanti à la fois des oripeaux de cinéaste, de producteur et de scénariste, Eric England a essentiellement sévi dans le registre horrifique.
On lui doit notamment des oeuvres telles que Madison County (2011), Chilling Visions : 5 senses of fear (2013), Get The Girl (2017) et dernièrement Josie (2018). A ce jour, Contracted reste donc sa réalisation la plus proverbiale qui a, par ailleurs, écumé les séjours dans divers festivals. C'est dans ce contexte que cette série B gore et adventice s'est forgée une certaine probité, se soldant par un petit succès commercial. Il faut croire que le film a suffisamment remporté de satisfécits, de plébiscites et de prébendes pour engendrer une suite, Contracted : Phase 2 (Josh Forbes, 2015), en attendant un troisième chapitre (Contracted : phase 3), pour le moment putatif.
Sur la Toile et les réseaux sociaux, les avis sont en revanche beaucoup plus pondérés. Si certains adulateurs applaudissent le nouvel effort d'Eric England, d'autres contempteurs admonestent un long-métrage trivial et putassier qui ne débouche sur aucun étayage, ni aucune réflexion.
Reste à savoir si Contracted premier du nom justifie ou non son visionnage. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution de premier épisode se compose de Najarra Townsend, Caroline Williams, Alice Macdonald, Kathie Stegeman, Matt Mercer et Charley Koontz. Attention, SPOILERS ! (1) Samantha vit une période trouble. Un travail à peine alimentaire dans un resto, un retour sous le toit familial plus contraint que volontaire et un coming-out tardif que ses proches lui reprochent toujours. Pour s’assurer qu’elle n’a pas emprunté une impasse, Sam, au terme d’une soirée bien arrosée, se permet une partie de jambes en l’air avec un représentant du sexe opposé sur la banquette arrière d’une voiture.
L’inconnu, bas exécuteur d’un soir, oublie les civilités et néglige de refiler à la jeune lesbienne son numéro de portable.
En revanche, gentleman accompli, il s’est bien assuré de lui transmettre ses affections génitales. Désespérée, seule, Samantha constate dès le lendemain le dérèglement de son anatomie quand, en lieu et place des traditionnelles coulées menstruelles, jaillit un abondant jet de raisiné accompagné de quelques petits morceaux de chair... (1) Certes, à l'aune de cette exégèse élusive, Contracted pourrait s'assimiler à une nouvelle allégorie préventive sur les effets nocifs et délétères des MST, ce qui est loin d'être une première dans le cinéma horrifique.
Pour souvenance, le cinéma d'épouvante avait déjà réactivé cette peur moderne et contemporaine dans des registres divergents, notamment dans The Thing (John Carpenter, 1982) et La Mouche (David Cronenberg, 1986).
Si, en apparence, Contracted ne partage aucune accointance avec ces classiques horrifiques et somptuaires, il est bien question d'une transformation, et presque d'un cas de métempsychose qui voit une belle jeune femme, Samantha, se muer en une morte-vivante anthropophage. La sénescence débute par quelques irritations intempestives, mais dérive prestement vers un véritable décharnement corporel. On en revient toujours à cette corrélation immanente avec Moi, Zombie : chronique de la douleur. Hélas, la métaphore s'arrête bien là...
Vous l'avez donc compris. Contracted, en dépit de son théorème scénaristique, n'a strictement rien inventé et vient donc à la fois quémander du côté du film d'Andrew Parkinson et chez David Cronenberg ; avec cependant beaucoup moins de finauderie et de perspicacité.
Certes, le métrage horrifique et indépendant d'Eric England se veut beaucoup plus profond que son ellipse ostensible sur les ravages du Sida ou d'une quelconque forme de MST. Il est aussi question ici du délitement de l'individu dans une société consumériste, eudémoniste et aphone, dans laquelle la communication s'effrite pour s'amorcer vers un festival d'incompréhension, de silence, d'anomie, puis de cannibalisme ad nauseam. Certes, Eric England transparaît comme un honnête artisan du cinéma bis. De facto, Contracted doit s'appréhender comme un long-métrage subalterne, qui peut néanmoins s'appuyer sur l'interprétation vétilleuse de sa vedette primordiale, la jolie Najarra Townsend.
Mais pour le reste, Contracted ne restera pas dans les annales et flagornera encore moins les adulateurs invétérés du cinéma gore. Ces derniers subodoreront sans sourciller les références et les habiles matoiseries du film, toutefois plutôt probe et recommandable.
Note : 12/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://cinemafantastique.net/Contracted.html