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Genre : Action, thriller (interdit aux - 12 ans)

Année : 2007

Durée : 2h09

 

Synopsis :

Genji Takiya fait sa rentrée en classe de terminale au lycée Suzuran, surnommé le "lycée des corbeaux", un des lycées les plus violents du Japon. Son but est de s'imposer comme le boss de l'établissement, objectif recherché par la majorité des lycéens qui fréquentent celui-ci, afin de dépasser son père, le chef d'une bande de yakuzas qui avait échoué à devenir le leader lorsqu'il était élève à Suzuran. Mais pour cela, il lui faudra en découdre avec celui qui est le plus proche d'y arriver, Tamao Serizawa.

 

La critique :

Depuis mon intronisation en tant que chroniqueur sur Cinéma Choc, je n'ai pu faire sans aborder à plusieurs reprises des films qui m'étaient chers au niveau des souvenirs qu'ils ravivaient. Le simple fait de citer leur nom rappelant irrémédiablement ma jeunesse pas si éloignée que ça mais que je vois partir petit à petit au fur et à mesure que je me rapproche du marché de l'emploi. Que nous ayons 20 ans, 40 ans ou 60 ans, on a toujours quelques films nous rendant nostalgique du temps passé. Il est d'ailleurs plutôt cocasse que je ne me sois pas encore penché sur l'une des pierres angulaires de ma modeste cinéphilie avant aujourd'hui. Crows Zero, un titre qui résonne immédiatement en moi, faisant apparaître des étoiles dans mes yeux. Vous trouvez que je m'emporte un peu trop ?
Eh bien oui et non car j'ai bien du mal à cacher mon engouement face à un film qui, sans le savoir, aura une influence capitale sur mes goûts cinématographiques actuels. Oui car il n'est ni plus ni moins que le tout premier film japonais que j'ai visionné ! Pour un thuriféraire comme moi du Septième Art nippon, nul doute que ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère. Et cette rencontre se fit par pur hasard, fin d'année 2010, dans un Media Markt de ma région. J'avais alors 16 ans et en farfouillant par curiosité les DVD, je tombais sur ce que je vous présente ici. Une pochette qui retint mon attention et que je fis basculer du côté arrière pour en apprendre plus. "Lieu : lycée le plus violent du monde", tel fut les premiers mots que je lus.

Il faut bien sûr se remettre dans le contexte d'une époque juvénile où le divertissement et l'extravagance devaient être les fers de lance d'un film pour me faire vibrer. A cela vous rajoutez cette obsession maladive pour la violence au cinéma, une curiosité inhérente à moi-même (sans vouloir me jeter des fleurs) et un concept que je trouvais tout simplement génial. Ayant été dans l'incapacité de l'acheter, je fis un détour pour voir la bande annonce sur YouTube. Au cours du visionnage, obtenir ce métrage devenait de plus en plus indispensable ! Pire encore, j'appris, directement après la fin de la bande annonce, qu'un deuxième épisode était déjà sorti. Un trailer encore plus fou, plus sauvage qui me faisait bondir d'excitation. Les fêtes de fin d'année approchèrent et, par extension, Noël.
Voilà l'occasion rêvée pour faire ma précieuse requête. Requête exaucée par mon parrain et ma tante à qui je dédie ce billet (bien qu'ils ne me liront pas) car ils déboursèrent la somme d'argent nécessaire pour m'ouvrir au cinéma asiatique et allumer cette flamme devenue inextinguible avec tous les métrages qui ont transité depuis lors. Autant préciser d'avance qu'il me sera très difficile de réfréner mon extatisme et de parler en toute objectivité. 

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ATTENTION SPOILERS : Genji Takiya fait sa rentrée en classe de terminale au lycée Suzuran, surnommé le "lycée des corbeaux", un des lycées les plus violents du Japon. Son but est de s'imposer comme le boss de l'établissement, objectif recherché par la majorité des lycéens qui fréquentent celui-ci, afin de dépasser son père, le chef d'une bande de yakuzas qui avait échoué à devenir le leader lorsqu'il était élève à Suzuran. Mais pour cela, il lui faudra en découdre avec celui qui est le plus proche d'y arriver, Tamao Serizawa.

En visionnant avec une joie débordante ce Crows Zero un vendredi soir, je fis la rencontre de Takashi Miike. Un nom qui ne m'interpella pas à l'époque vu que je n'avais pour ainsi dire aucun quelconque savoir du cinéma du Soleil Levant et que mes connaissances cinématographiques en général étaient, au mieux, médiocres. Néanmoins, sans le savoir, je me retrouvais en face d'un ponte du cinéma déjanté, ahurissant, pouvant même être sacrément violent. En atteste Ichi The Killer, Audition et Visitor Q qui ne faisaient pas dans la dentelle.
En l'occurrence, on se retrouvera bien loin de ces excès avec un Miike visiblement très en forme pour l'occasion puisqu'il se lance dans une adaptation de Crows, un manga à grand succès dépeignant un lycée ultraviolent où des bandes d'adolescents s'affrontent quotidiennement. Crows Zero s'annonce alors comme une préquelle au manga original envers qui il ne partage que le même lieu, ainsi que quelques clins d'oeil via des personnages phares de la série. Visionné un nombre incalculable de fois depuis mes seize ans, c'est avec un regard plus mature que je me relançais une énième fois dans l'aventure aux côtés de Genji Takiya tentant de prendre le contrôle de Suzuran. Si je ne visualisais jadis qu'un film de combat survolté et spectaculaire, une analyse en profondeur m'amenait à me rendre compte que Crows Zero avait beaucoup plus à offrir qu'un simple film de castagne qui ne reposerait sur rien d'autre que d'assurer un spectacle sans temps mort.

Ceci m'amenait à penser que certaines critiques passèrent complètement à côté du métrage, ne résumant la chose qu'à une ritournelle de combats ad vitam aeternam, l'accusant même de mollesse à certains passages. Bon, tout cela restait marginal car les critiques se montrèrent pour le moins élogieuses avec un grand succès commercial à la clé. Mais que soit, Miike, reconnu pour ses talents d'hystérique à l'imagination débridée, va sur ce coup totalement adhérer aux codes stricts du genre. Ainsi, les spectateurs terre-à-terre seront priés de bien se rendre compte que Crows Zero mêle avec maestria l'absurde et le réalisme. Ce qui ne mettra pas longtemps à se faire voir quand le représentant des lycéens de Suzuran se fait frapper sur la tribune dans une première séquence emblématique et qu'une bagarre générale éclate en ce jour de rentrée des classes. Fait directement observable : la désintégration complète des relations professeurs et élèves qui ne se parlent pas et ne se comprennent pas.
Plus aucune communication n'est possible, laissant transparaître une fracture complète entre deux générations qui ne s'entendent plus. Propos corroboré quand l'on suit Genji évoluant dans une sphère familiale d'une austérité record où les rapports père-fils (on ne sait pas où est la mère) sont troubles. Genji rêve de faire mieux que son père envers lequel il éprouve une rancune tenace. La génération parentale a semble-t-il perdu le contrôle de ses propres éléments se retrouvant cantonnés dans un établissement de non-retour où les exclus du système scolaire tentent de se faire une place, voire de s'imposer dans une société qui les rabroue. Les rares avis extérieurs à Suzuran sont pour le moins négatifs.

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Les lycéens de Suzuran, tout au long du récit, semblent évoluer en vase clos, juste entre eux, ne sortant que rarement de leur microcosme. Ce qui est avant tout prouvé par le fait qu'ils sembleraient être les chefs de Suzuran. Ils ne sont jamais vus en classe, les professeurs semblent être absents. Un autre symptôme de l'incompétence totale des autorités enseignantes fermant les yeux et laissant les étudiants régler leurs affaires entre eux dans le sang. Comble de tout, les filles sont quasiment inexistantes. Il ne s'agit plus d'école "scolaire" mais d'école de la vie où se battre est nécessaire pour réussir. Mais pour réussir, il n'y a pas de place pour l'individualisme et Genji l'apprendra car, dans un environnement aussi hostile reflétant une société ultraviolente en déshérence, créer des alliances est une condition sine qua non pour ne pas se faire écraser. Le sens de l'honneur semble sacralisé à Suzuran.
Les valeurs de loyauté, de courage, de détermination et de sacrifice de soi sont rencontrées dans les différentes parties. Même si certains semblent être de purs animaux, ils ont en eux le sens de l'amitié, de l'entraide. L'ascension de Genji pourrait, dès lors, se voir comme une acquisition de ces différentes valeurs symbolisant le passage vers l'âge adulte pour se confronter ensuite à la jungle urbaine. 

Crows Zero navigue dans différentes zones en traitant à la fois de la fracture générationnelle, de l'incompétence des parents dans leur éducation tout en accusant une société banalisant leur violence. Pour se faire, Miike fait passer le spectateur à travers une myriade d'expérimentations scénaristiques variées. Le métrage conjugue des éléments drôles (le personnage de Ken) à des éléments dramatiques (Tokio atteint d'une tumeur cérébrale) sans jamais écarter ce qui fait la force de Crows Zero, à savoir ses bastons titanesques et enjouées dans le plus pur esprit du manga où la démesure ne semble pas avoir de frontières. Le fameux combat final résume à lui seul tous les codes mis en avant. Au final, l'oeuvre se doit d'être vue au second degré, en annihilant tout sérieux car justement le réalisme n'est pas de la partie. Les changements météorologiques du dernier combat sont l'exemple le plus représentatif. On passera d'une pluie torrentielle à un splendide coucher de soleil pour finir sur la nuit naissante, le tout en 20-25 minutes, de mémoire. 

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On mentionnera une image de qualité certaine avec une aisance dans la manière de filmer faisant en sorte que la brutalité des combats se suit avec une lisibilité certaine. Jamais brouillonne, la caméra filme bien tout ce qu'il se passe. Un gros point est à mentionner dans la reconstitution parfaite des décors recréant à merveille un lycée perverti par une violence hors norme. Les murs sont jonchés de tags, les architectures sont précaires et usées. Une bonne interaction avec l'environnement se fait. Genji envoyant d'un énorme coup de genou Chuta traversant la porte de la classe est un bel exemple. La bande son peut se targuer d'être géniale avec des morceaux rocks et autres mélodies rythmées qui risquent fort bien de vous rester en tête pour un bon moment.
Et pour en rajouter davantage, Crows Zero se pare de personnages hauts en couleurs, charismatiques, attachants d'un côté comme de l'autre et qui ont tous leur utilité au cours de l'histoire, et dont certains ont un look plutôt original dans la droite lignée des bosozoku. Les frères Mikami viennent directement en tête. Au casting, on citera Shun Oguri, Takayuki Yamada, Kyosuke Yade, Kaname Endo, Hisato Izaki, Yusuke Izaki, Tsutomu Takahashi, Dai Watanabe, Sosuke Takaoka, Shunsuke Daito, Suzunosuke Tanaka et Meisa Kuroki mais il y en aurait encore beaucoup d'autres qui mériteraient d'être cités.

Bref, ce fut dur mais je pense être arrivé à canaliser un minimum mon panégyrisme face à une nostalgie d'époque, un pur film de ma jeunesse qui m'aura procuré beaucoup d'émotions et qui, près de 10 ans plus tard, continue toujours à me fournir un énorme plaisir à chaque fois que je me décide à le regarder une fois de plus. D'ailleurs, pour la petite info superfétatoire, c'est une tradition pour moi de regarder les deux l'un à la suite de l'autre sur la même soirée. Ce qui fait que vous avez déjà une idée de la prochaine chronique qui suivra. Certes, les critiques ne le retiendront sûrement pas parmi les métrages proéminents de Miike mais pourtant Crows Zero a bien plus à offrir en maturité qu'un simple film de baston écervelé. Encore faut-il accepter le style plus difficile d'accès qu'il n'en a l'air car dans la droite lignée des mangas de combats survoltés où il n'y a pas de place pour le réalisme. Ce qui pourra se répercuter sur quelques facilités scénaristiques un peu décevantes. 
Malgré tout, on se laisse prendre au jeu, en posant son cerveau sur le côté sans ne jamais fermer les yeux sur un propos s'adressant en priorité aux jeunes. Crows Zero est un peu un film pour jeunes qui sera peut-être moins bien compris par les cinéphiles plus âgés. Pourtant, dans le coeur de ceux qui ont grandi avec, il conserve toujours la même force de frappe, nous renvoyant avec un sentiment de nostalgie, l'espace d'une soirée, au temps d'une insouciante jeunesse.

 

Note objective : 15/20

Note non objective : 18/20

 

 

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