Genre : horreur, gore, trash, extrême, pornographie (interdit aux - 18 ans)
Année : 2009
Durée : 1h30
Synopsis : Victime d’un avortement et laissé pour mort dans une benne infestée de rats, un petit garçon, dénommé Hanger, parvient à survivre et, 18 ans plus tard, il est déterminé à punir celui qui tua sa mère durant l’avortement, son brutal souteneur de l’époque.
La critique :
Le cinéma underground se démarque avant tout par son hétéroclisme et son aspect bigarré. Tantôt transi par l'anthropophagie ad nauseam, les zombies carnassiers et putrescents, les maniaques du bistouri et du scalpel, la vendetta radicale et expéditive, ou encore par le death movie et le shockumentary, ce cinéma transgressif dérive parfois vers ce macrocosme urbain et nimbé par des personnages insolites. A moult reprises, le cinéma d'horreur s'est focalisé sur ce tropisme sociologique et sociétal. Pour souvenance, Wes Craven s'était déjà polarisé sur cette paupérisation de la plèbe via Le Sous-Sol de la Peur (1992), une série B horrifique qui mériterait davantage de congratulations et de bonnes grâces.
A son tour, le slasher lutinera et s'acoquinera avec ce marasme social avec Candyman (Bernard Rose, 1992).
Mais c'est surtout sous la férule de Frank Henenlotter que l'horreur urbaine va s'étayer et s'opacifier sous des cieux hélas peu cléments. Ce chantre de la série B réalise et griffonne le scénario de Basket Case, soit Frère de Sang (1982) dans nos contrées hexagonales, un premier chapitre qu'il transmute en trilogie monstrueuse (Frère de Sang 2 en 1990 et Basket Case 3 : The Progeny en 1992). Il réitère cette appétence pour la populace et les opprimés via Elmer le remue-méninges (1988). En l'occurrence, toutes ces productions sont les dignes figures tutélaires de Freaks, la monstrueuse parade (Tod Browning, 1932), sans doute le film prodrome en matière de freaks et d'individus stigmatisés et ostracisés en raison de leur complexion disgracieuse et difforme.
Indubitablement, les styles disparates et conjugués de Tod Browning et de Frank Henenlotter ont allègrement influencé un autre érudit de la série B gore et horrifique.
Son nom ? Ryan Nicholson. Ce cinéaste et spécialiste des effets spéciaux a essentiellement sévi sur le circuit du cinéma indépendant, refusant péremptoirement de s'affilier avec cette doxa hollywoodienne et ces productions convenues, formatées, aseptisées et, de facto, conventionnelles. Les thuriféraires de Ryan Nicholson n'omettront pas de stipuler des oeuvres telles que Torched (2004), Live Feed (2006), Gutterballs (2008), Star Vehicle (2010), Famine (2012), ou encore Collar (2014) parmi les longs-métrages notables et éventuellement notoires.
Vient également s'additionner Hanger, sorti en 2009, et qui n'a évidemment pas bénéficié d'une sortie dans les salles obscures, et pour cause... Puisque ce métrage indépendant a écopé de l'ultime réprobation, à savoir une interdiction aux moins de 18 ans.
Que soit. Ryan Nicholson n'a jamais été spécialement réputé pour verser dans les convenances et les courtoisies habituelles, loin de là ! A ce jour, c'est sans doute Gutterballs qui reste l'oeuvre la plus faramineuse du metteur en scène américain, en amalgamant sans fard slasher, rape and revenge et une partie de bowling qui dérive vers toute une litanie d'impudicités concentrées sur pellicule. Mais qu'en est-il véritablement de Hanger ? Voilà une question qui taraude et à laquelle nous allons tenter de répondre à travers les lignes de cette chronique.
D'autres interrogations viennent aussi s'agréger en filigrane. Ce film trash et érubescent justifie-t-il son visionnage, ainsi que certains dithyrambes véhiculés par certains amateurs patentés ? Mérite-t-il également d'ajouter son cryptonyme au panthéon des longs-métrages les plus sulfureux du cinéma underground ?
La distribution de Hanger risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de Debbie Rochon, Dan Ellis, Nathan Dashwood, Ronald Patrick Thompson et Wade Gibb ; mais j'en doute... Seul le monogramme de Lloyd Kaufmann fait évidemment figure d'exception et mérite qu'on s'y intéresse quelque peu. Par ailleurs, il n'est pas surprenant de retrouver le célèbre démiurge des productions Troma derrière le casting de Hanger. A l'instar de Frank Henenlotter en son temps, Lloyd Kaufman affectionne tout particulièrement ces personnages hideux, avaricieux, pusillanimes et iconoclastes qui viennent s'affranchir des vulgates régentées par une oligarchie rogue et fallacieuse. En ce sens, Hanger s'apparente à un curieux maelström qui oscille entre Freaks, la monstrueuse parade, le cinéma de Frank Henenlotter (en particulier Basket Case) et la goguenardise des productions Troma (on pense notamment à la saga The Toxic Avenger).
Atttention, SPOILERS ! (1) Rose se prostitue pour gagner sa croute. Tout irait presque bien si Leroy, son maquereau, n'était pas une ordure de première, et si – accessoirement – elle n'était pas enceinte. Une prostituée enceinte, c'est un marché de niche. Résultat Rose gagne moins et son mac' l'a mauvaise. Résultat le gredin décide de pratiquer l'avortement avec un simple cintre. Rose décède, le Mac part en tôle et le fœtus déjà grand survit. Dix-huit ans plus tard, le fœtus a grandi dans les poubelles. Son père adoptif le présente à son père biologique, un des clients de Rose.
Son amour pour la prostituée n'a d'égal que sa haine pour Leroy. Il va donc prendre son fils sous son aile et fomenter un plan pour évincer le vil maquereau qui 18 ans plus tôt tua sa Rose bien aimée. Que le massacre commence !
(1) Certes, à l'aune de cette exégèse et de ces présentations liminaires, Hanger apparaît comme un long-métrage indépendant et surtout référentiel qui se sustente et s'inspire d'augustes bréviaires. Hélas, autant l'annoncer sans ambages. A aucun moment, Hanger ne soutient la métaphore avec ses illustres homologues. Si les analogies avec Freaks, la monstrueuse Parade, Basket Case et The Toxic Avenger (bis repetita...) sont éloquentes, l'allégorie s'arrête bien là. Indiscutablement, Hanger est victime de l'appétit pantagruélique de son auteur.
Tantôt virulent, tantôt lubrique voire pornographique, Hanger prend son temps pour préfigurer un personnage prédominant et issu d'une parturition sanguinolente. A aucun moment, Ryan Nicholson ne parvient à humaniser ce protagoniste finalement lambda, nonobstant certains apparats matois.
Dans Hanger, tous les personnages sont affreux, ignobles, ignominieux, spécieux, séditieux et obséquieux ; ne laissant transparaître aucune once d'espoir dans cette pellicule retorse et, in fine, alambiquée. Si les fulgurances gore sont bel et bien omniprésentes, via un simulacre de cannibalisme et la lacération des entrailles, ces parties d'agapes et de priapées rutilantes sont continûment atténuées par d'interminables facondes et logorrhées. A la longue, tout ce verbiage futile finit par parachever l'intérêt assez relatif du film. C'est donc l'ennui quasi pélagien et le vide intersidéral qui guettent ostentatoirement ce long-métrage subalterne lors de son générique final.
De surcroît, l'interprétation au mieux indigente réactive cette impression d'inanité et de vacuité. En dépit de ses tares et de ses impondérables, Hanger n'est pas non plus ce "naveton" décrié et vilipendé dans cette chronique. Le métrage retrouve néanmoins quelques luminescences dans ses saynètes outrageantes. Curieusement, sur ce dernier point, Ryan Nicholson se montre un peu plus avaricieux qu'à l'accoutumée, se perdant dans des détails superfétatoires et dans des intrigues subsidiaires dont on se gausse impérialement. Via ce nouvel essai, Ryan Nicholson prouve qu'il devrait davantage se focaliser sur des scénarios et des productions un peu moins présomptueuses.
Certes, sur la forme, Hanger s'apparente à un spectacle (une sorte de "freak show") de monstres sévèrement courroucés et écervelés pour l'occasion. Mais, sur le fond, le film de Ryan Nicholson ne parvient jamais - ou alors trop épisodiquement - à édifier et à étayer un microcosme urbain victime de ses propres turpitudes. Sinon, c'est tout ? Oui, cette fois-ci, c'est tout...
Note : 08/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : http://www.horreur.com/index.php?q=node/3328 (chronique de Colin Vettier)