Genre : Shockumentary, documentaire, trash, drame (interdit aux - 18 ans)
Année : 2012
Durée : 1h28
Synopsis : La réalité du désespoir, de l'annihilation et des effets pernicieux de la drogue, en particulier de l'héroïne et de la cocaïne, sur cinq jeunes claustrés dans un appartement délabré. Au fil des semaines, des mois qui s'égrènent, nos héros d'infortune sont victimes de leur propre accoutumance.
La critique :
Le cryptonyme de Lucifer Valentine rimaille invariablement avec le cinéma underground, ésotérique, trash et expérimental et pour cause... Puisque le cinéaste, à l'identité énigmatique, a érigé sa réputation sulfureuse et ignominieuse en se polarisant sur le cas de plusieurs jeunes femmes (parfois des hommes... mais en général, c'est plutôt la gente féminine...) adeptes de l'émétophilie. Ainsi, Slaughtered Vomit Dolls (2005, http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2016/08/30/33723294.html), ReGOREgitated Sacrifice (2008, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2016/09/05/33752166.html), Slow Torture Puke Chamber (2010, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2016/09/08/33766191.html) et Vomit Gore 4 - Black Mass of the Nazi Sex Wizard (2015, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2016/09/12/33789931.html) formaient une tétralogie infernale sur la déréliction de plusieurs individus lambdas et condamnés à décrépir sous les coups de semonce d'une caméra épileptique et d'une réalisation volontairement tronquée, voire tarabiscotée.
Mais Lucifer Valentine possède d'autres solides arguties dans sa besace. En l'occurrence, le metteur en scène impudent oscillait vers d'autres sillages et continuums en signant A Perfect Child of Satan (2012), une pellicule un peu moins nébuleuse, mais toujours transie par cet attrait pour le satanisme, comme son titre l'indique. Cette fois-ci, cette production underground avait pour aspérité de vitupérer et de morigéner les écueils et les corollaires du "Tchat" sur Internet via la propagation de prédateurs sur les réseaux sociaux ; ce qui n'était pas sans rappeler la didactique mortifère du fameux Megan Is Missing (Michael Goi, 2011), un autre film trash qui a durablement estourbi les persistances rétiniennes et qui fait désormais référence. On croyait - probablement à tort - Lucifer Valentine perclus dans les affabulations nauséeuses. Heureusement, il n'en est rien.
Via A Perfect Child of Satan, le cinéaste outrecuidant continuait de se diversifier, néanmoins en corroborant cette appétence pour la mélancolie, le désenchantement et la résipiscence. De toute façon, Lucifer Valentine a bien conscience qu'il ne pourra pas toujours verser (si j'ose dire) dans l'émétophilie scabreuse et qu'il a tout intérêt à scruter de nouvelles oraisons funèbres. Impression accréditée par la sortie de Black Metal Veins en 2012 et qui fait suite, d'une certaine façon, à A Perfect Child of Satan. Tout du moins, le film constitue et institue cette velléité pour la déliquescence et la décrépitude. Via ce nouveau long-métrage, en forme de shockumentary et de documentaire "vérité", Lucifer Valentine aspire à dénoncer les effets délétères de la cocaïne et de l'héroïne en s'imbriquant dans un appartement habité par des junkies, cinq au total.
Mais le film n'a pas vraiment pour vocation de baguenauder dans l'interstice de Trainspotting (Danny Boyle, 1996) et de Requiem for a dream (Darren Aronofsky, 2000). Certes, dans le cas de Requiem for a Dream, on se situe dans le courant du cinéma indépendant. Pourtant, même si le métrage s'adresse à un public averti, il reste néanmoins accessible et intelligible à un audimat avisé et ouvert d'esprit. Dans le cas de Lucifer Valentine, on nage dans une toute autre catégorie. En ce sens, le style cérémonieux de Lucifer Valentine est immédiatement identifiable puisque le réalisateur suscite d'emblée une certaine aversion en tentant d'être le plus réaliste possible, mais tout en proposant des saynètes à contrario malaisantes et surréalistes. Bienvenue dans l'univers de Black Metal Veins !
En outre, le synopsis est plutôt lapidaire et se résume en quelques lignes. Attention, SPOILERS !
La réalité du désespoir, de l'annihilation et des effets pernicieux de la drogue, en particulier de l'héroïne et de la cocaïne, sur cinq jeunes claustrés dans un appartement délabré. Au fil des semaines et des mois qui s'égrènent, nos héros d'infortune sont victimes de leur propre accoutumance. Pour ceux qui ont adulé, vénéré et adoubé la tétralogie consacrée aux Vomit Gore, ils peuvent phagocyter cette amphigourie ambiante pour un documentaire beaucoup plus réaliste et subversif. A l'aune de ce Black Metal Veins, on se demande même pourquoi Lucifer Valentine n'a pas opté plus tôt pour le shockumentary déviant. Que les thuriféraires d'antan se rassérènent...
Oui vous assisterez encore, médusés, à plusieurs déjections vomitoires dans les latrines. Pour ceux qui ont eu du mal à supporter la frénésie et l'âpreté de Requiem for a dream, déjà bien corsé, surtout dans son prologue final, merci de quitter prestement votre siège et de retourner gentiment dans vos pénates.
Sur la thématique, toujours spinescente de la drogue, Black Metal Veins est probablement le ou l'un des films les plus virulents et les plus rédhibitoires. Certes, la première segmentation, d'une durée de 20, voire 25 minutes environ, est plutôt pondérée puisqu'elle consiste en une exégèse, moyennement palpitante, des divers protagonistes, voire de leurs familles (en particulier leurs patriarches et/ou leurs matriarches respectifs selon les circonstances). Ainsi, Black Metal Veins alterne des témoignages insolites à des moments beaucoup plus revêches et austères.
Cette fois-ci, pas question d'imaginer ou de romancer de petites historiettes doucereuses et sociologiques, comme c'était par ailleurs le cas dans les susdénommés Trainspotting et Requiem for a Dream (déjà stipulés dans cette chronique).
Black Metal Veins n'a pas de telles présomptions. Black Metal Veins nous propose une véritable autoscopie dans le milieu des junkies, avec tout l'attirail du toxicomane idoine, un peu comme si Lucifer Valentine nous servait la seringue (la cerise... oui je sais...) sur le gâteau. Dès son préambule, le documentaire est martelé par une longue admonition. En aucun cas, Black Metal Veins ne s'apparente à un éloge, voire à une apologie de la consommation de substances illicites. A contrario, ce shockumentary revêt même les oripeaux de long-métrage préventif.
Mais Lucifer Valentine oblige, le film est d'une violence psychologique inouïe et n'a donc pas usurpé son interdiction aux moins de 18 ans. A ce sujet, selon les sites et les sources, Black Metal Veins est parfois estampillé par une réprobation aux moins de 16 ans. Voilà pour la faribole superfétatoire !
Certes, ce long-métrage ne se résume pas à une suite ininterrompue de saynètes gore et dissonantes, comme c'était par ailleurs le cas de la saga Vomit Gore. Les fêlures, les excoriations et les meurtrissures se trouvent ailleurs, probablement dans l'enfance et l'adolescence de ces junkies totalement asservies à leurs seringues. Que la mort les emporte... Hélas... C'est évidemment ce triste fatum qui attend certains de nos protagonistes. Un de nos "héros" (vraiment un terme à minorer et à guillemeter) sera assassiné par un dealer et le film se conclura sur l'overdose d'une jeune femme. Puis, les veines s'amenuisent et il n'est plus possible de piquer entre le biceps et le rond pronateur.
De facto, la séance d'injection se déroule au niveau de la carotide après avoir effectué un garrot au niveau de la gorge, le risque étant de mourir par strangulation.
Cette saynète, pourtant élusive, marque au fer rouge et révulse n'importe quel spectateur avisé, même les individus coutumiers du cinéma trash. Via Black Metal Veins, Lucifer Valentine frappe, rudoie, cogne et estomaque là où ça fait mal et fragmente son documentaire en plusieurs sections bien distinctes ; chacune étant articulée par les stridulations d'une guitare metal. Surtout, le cinéaste montre qu'il peut visiter d'autres contrées beaucoup moins cauteleuses que par le passé, et provoquer ainsi cet uppercut sans verser éhontément dans l'indécence et les vomissures.
Espérons que le metteur en scène itérera davantage ce genre d'expérience cinématographique à l'avenir. Seul bémol et pas des moindres. Nonobstant sa forme draconienne et irrévocable, Black Metal Veins n'est pas exempt de tout grief. En dépit de tous ses efforts pour étayer des personnages crédibles, il est paradoxalement ardu de s'attacher à ces junkies patentés, justement à cause de leur même désoeuvrement. Mais ne soyons pas trop vachard, via Black Metal Veins, Lucifer Valentine signe probablement son long-métrage le plus éloquent et aussi le plus éprouvant.
Note : 15/20
Alice In Oliver