Genre : thriller, policier (interdit aux - 12 ans)
Année : 2010
Durée : 2h17
Synopsis : En 1954, le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l'île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L'une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu. Comment la meurtrière a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée de l'extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Oeuvre cohérente d'une malade, ou cryptogramme ?
La critique :
Est-il vraiment opportun de procéder à l'exégèse de la filmographie de Martin Scorsese ? Probablement... En outre, Martin Scorsese provient d'une famille traditionnaliste, pieuse et se réclamant des dogmes rigoristes et ecclésiastiques. Le jeune adulescent souffre d'un physique malingre et cachectique et passe ton temps dans les salles obscures. Il se découvre alors une dilection pour le noble Septième Art. Pourtant, Martin Scorsese opte pour l'univers monacal et se prédestine à revêtir la soutane d'un prêtre. Malencontreusement, en raison de son jeune âge et d'un comportement un peu trop revêche et frondeur, le jeune éphèbe est renvoyé manu militari de l'institution catholique.
Que soit. Martin Scorsese connaît une ascension fulgurante lors de ses études à l'université de New York et évolue dans le milieu du professorat.
C'est dans ce contexte qu'il signe et confectionne plusieurs courts-métrages, notamment It's not just you, Murray ! (1963) et The Big Shave (1967), et qui sont immédiatement remarqués par une certaine oligarchie artistique, entre autres pour leur diligence, leur raffinement et leur précision clinique, voire vétilleuse. Martin Scorsese peut alors sérieusement songer et envisager une carrière cinématographique. C'est vers le milieu des années 1960 qu'il réalise son tout premier long-métrage, Who's that knocking at my door (1967).
Il enchaîne alors avec Bertha Boxcar (1972) et Mean Streets (1973), deux autres essais qui lui permettent d'affiner sa notoriété. Mais pour le metteur en scène, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'au milieu des années 1970 pour connaître son premier vrai grand succès commercial.
Ce dernier se nomme Taxi Driver (1976), un drame désenchanté et mélancolique, qui récolte à la fois les quolibets d'une censure sévèrement courroucée, et les plébiscites d'une presse unanimement dithyrambique. En l'occurrence, cette dramaturgie irrévocable questionne sur l'état d'apathie d'une Amérique pusillanime et dilettante, en particulier sur cette dichotomie qui s'est installée entre la plèbe et les édiles polititques. A travers sa filmographie, Martin Scorsese n'épargne pas le système politique et idéologique américain. A postériori, des oeuvres telles que Raging Bull (1980), La Valse des Pantins (1983), La dernière tentation du Christ (1988), Les Affranchis (1990), ou encore Casino (1995) vont ériger l'hégémonie du réalisateur sur le monde hollywoodien.
Mais depuis la sortie de Casino, Martin Scorsese récolte quelques fiascos et déconvenues au box-office américain.
Aviator (2004), Kundun (1997) et Gangs of New York (2002) sont autant d'essais infructueux qui ne convainquent guère le grand public, ainsi que les thuriféraires de longue date. Après avoir obliqué vers le remake policier via Les Infiltrés (2006), Martin Scorsese opte derechef pour Leonardo DiCaprio, son comédien favori depuis quelques années. Son nouveau film se nomme Shutter Island, sorti en 2010. A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un opuscule éponyme de Dennis Lehane. Quelques années plus tard, ce thriller fera même l'objet d'une adaptation en bande dessinées.
Avec ce nouvel essai, Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio scellent leur quatrième collaboration. Les deux compères souhaitent présenter Shutter Island aux Oscars, mais la sortie du film sera différée. Initialement prévu pour 2009, le film ne sera présenté qu'en 2010 dans les salles obscures, au grand désarroi de Martin Scorsese.
A contrario, Shutter Island se soldera par un succès pharaonique au cinéma. A ce jour, le film reste le plus grand succès du cinéaste au box-office américain, ainsi que sur la scène internationale. Paradoxalement, les critiques se montrent beaucoup plus pondérées. Si certaines saluent et révèrent le nouveau cru de Scorsese, certains évoquent une résurgence peu probante de certains thrillers hollywoodiens des années 1950 et 1960. Reste à savoir si Shutter Island mérite ou non nos dithyrambes de circonstance. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique...
Hormis Leonardo DiCaprio, la distribution de Shutter Island se compose de Ben Kingsley, Mark Ruffalo, Max von Sydow, Michelle Williams, Emily Mortimer, Patricia Clarkson, Jackie Earle Haley, Ted Levine et Elias Koteas.
Attention, SPOILERS ! En 1954, le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l'île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L'une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu. Comment la meurtrière a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée de l'extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Oeuvre cohérente d'une malade, ou cryptogramme ?
A fortiori, Shutter Island coalise tous les ingrédients épars d'une solide enquête policière, un peu à la manière d'un Alfred Hitchcock à travers ses délires paranoïaques dans le superbe Sueurs Froides (1958), probablement sa plus grande réussite, tout du moins d'un point de vue technique et artistique.
Et c'est exactement ce à quoi s'approxime Shutter Island, à une sorte de révérence, à peine déguisée, au thriller labyrinthique et surtout cérébral du maître du suspense. Via certains plans-séquences, Martin Scorsese dissémine quelques références matoises à cette peur vertigineuse de jadis (l'acrophobie, en l'occurrence). Que ce soit sur les roches flexueuses d'un précipice ou à la lisière d'un phare, le marshal Teddy Daniels est sommé de découvrir les arcanes secrètes d'un asile psychiatrique. Tous les éléments paranoïdes sont ici compilés sous les yeux hébétés du spectateur : le directeur de l'institution qui ourdit de savants complots en catimini, une patiente qui a subrepticement disparu, l'absence de tout témoin oculaire et surtout un policier inlassablement tarabusté par un passé ténébreux et énigmatique. C'est sur ce cheminement invariable et contristé que se joue Shutter Island, en essaimant quelques pistes élusives.
Pourtant, nonobstant certaines finauderies, ce thriller anthropocentrique ne parvient guère à phagocyter ses véritables rhétoriques. En outre, de par son lieu claustré (une île), son établissement reclus au beau milieu de nulle part et à l'abri de la société et des regards, via les réminiscences incessantes sur le passé de Teddy Daniels ; le spectateur avisé aura aisément subodoré, après 45 petites minutes de bobine, cette neurasthénie ostensible qui plombe ce thriller lambda, parfois mâtiné de policier et d'une once de fantastique, ou plutôt de délires fantasmagoriques.
Martin Scorsese devrait faire preuve davantage de circonspection. Le public n'est pas dupe et seule la révélation finale, sur les circonstances et les afflictions qui nimbent son personnage principal, pourra éventuellement interloquer les néophytes, guère plus.
Bien conscient de l'ineptie et de la vacuité de son scénario, Martin Scorsese remue ciel et terre pour mener son enquête superfétatoire sur les chapeaux de roue. Hélas, rien n'y fait. Leonardo DiCaprio peut se hâter, se précipiter et s'activer dans tous les sens, le film se perd dans des détails superflus. Le comédien hégémonique tient ce thriller sur ses robustes épaules. Malencontreusement, son altruisme se révèle stérile. L'épilogue final se conclura sur un choix cornélien : "Vivre en monstre ou mourir en héros". En l'état, difficile d'en révéler davantage.
Toujours est-il que c'est le désarroi qui surgit lors du générique du film. Ne réalise pas Sueurs Froides ou Shock Corridor (un autre bréviaire faramineux auquel Martin Scorsese rend largement hommage) qui veut. Reste un thriller habilement agencé et qui parvient à se départir malhabilement de toutes ses carences, via une mise en scène acérée et chirurgicale. Sans le cryptonyme de Martin Scorsese, Shutter Island ne serait, in fine, qu'un thriller soporifique. C'est d'autant plus déplorable que le film, en lui-même, possède de sérieuses arguties dans sa besace.
Une sacrée gabegie en somme et un cru mineur dans la filmographie de son auguste démiurge, un de plus. Mais on préférera toujours Shutter Island à Kundun. Mais était-il possible de faire pire ?
Note : 12/20
Alice In Oliver