Genre : drame
Année : 2017
Durée : 2h23
Synopsis : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d'Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.
La critique :
Il faut se rendre sur le site SensCritique et en particulier sur le lien suivant (Source : https://www.senscritique.com/top/resultats/Les_meilleurs_films_sur_l_homosexualite/464423) pour glaner et déceler la liste foisonnante et exhaustive des films (cinquante longs-métrages répertoriés tout de même !) ayant attrait à l'homosexualité. Dans notre société consumériste et contemporaine, l'homosexualité est encore considérée comme un tabou, tout du moins c'est ce que croient encore ingénument certaines associations immanentes. Or, à l'aune des comédies et des dramaturgies qui foisonnent sur le même sujet, on peut à contrario concevoir l'hégémonie de ces mêmes mouvances sur l'art, la culture et même certaines orientations politiques en général.
A tort, on affilie souvent l'homosexualité au sida, comme si cette orientation sexuelle était une maladie.
Les statistiques sur cette épidémie mondiale (une pandémie) montrent qu'il existe une résurgence de certains comportements candides, voire délétères. Ainsi, l'aspect préventif est nié, ainsi que la réalité de la maladie. Non, à ce jour, il n'existe aucun vaccin ni aucune panacée pour endiguer le Sida. Apparue dans les années 1980, cette épidémie a essentiellement touché la sphère homosexuelle et s'est soldée par d'immenses campagnes préventives. Mais depuis le milieu des années 1990, le phénomène s'est largement estompé, presque banalisé, à cause entre autres des progrès de la science.
Les chiffres actuels sont éloquents sur ce sujet spinescent. Si on relève un léger affaissement de la pandémie dans nos sociétés occidentales et eudémonistes, les statistiques restent néanmoins préoccupantes concernant les homosexuels masculins.
Sur ce dernier point, on note une certaine recrudescence des IST (infections sexuellement transmissibles) d'origine virale, en particulier l'hépatite B en tête de peloton. Plusieurs raisons inhérentes expliquent ce tropisme alarmant, tout d'abord l'abandon des comportements préventifs (toujours la même antienne...), la profusion d'archétypes solidement ancrés concernant les maladies sexuellement transmissibles (MST), en particulier le Sida. Certaines IST sont à la fois spécieuses et insidieuses. Autrement dit, on peut être contaminé et l'ignorer ; ce qui explique en partie l'expansion du Sida dans certaines contrées paupérisées et encore sous le joug de certains dogmes ecclésiastiques, notamment dans certains pays d'Afrique. Evidemment, un tel épiphénomène ne pouvait pas escarper bien longtemps au noble Septième Art.
Ainsi, toute une pléthore d'oeuvres proéminentes ont abordé sans fard la réalité sénescente du Sida et d'une séropositivité antérieure.
Les thuriféraires de dramaturgies n'omettront pas de stipuler Philadelphia (Jonathan Demme, 1993), Plaire, aimer et courir vite (Christophe Honoré, 2018), Le temps qui reste (François Ozon, 2004), Les Nuits Fauves (Cyril Collard, 1992), ou encore N'oublie pas que tu vas mourir (Xavier Beauvois, 1994) parmi les longs-métrages notables et éventuellement notoires. Vient également s'additionner 120 Battements par Minute, réalisé par la diligence de Robin Campillo en 2017. Ce cinéaste orfèvre a tout d'abord officié comme grimaud sur le scénario de L'Emploi du Temps (Laurent Cantet, 2004), une adaptation libre de l'affaire Jean-Claude Romand.
Robin Campillo devient alors le cacographe favori de Laurent Cantet sur les films suivants : Vers le Sud (2005) et Entre les Murs (2008).
Le metteur en scène, monteur pour l'occasion, oblique expressément vers la réalisation. On lui doit notamment Les Revenants (2004) et Eastern Boys (2013). En l'occurrence, 120 Battements par Minute reste, à ce jour, le long-métrage le plus proverbial de Robin Campillo. Présenté au festival de Cannes en 2017, ce drame remporte plusieurs récompenses sérénissimes, entre autres le Grand Prix, la Queer Palm, le Prix François Chalaix et le Prix FIPRESCI (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/120_battements_par_minute).
En sus, cette dramaturgie s'octroie plusieurs Césars (meilleur montage, meilleur film, meilleur scénario et meilleure musique originale, entre autres). Le film s'arroge également les plébiscites et les satisfécits d'une presse unanimement extatique.
Mieux, 120 Battements par Minute caracole en tête de peloton lors de son exploitation dans les salles de cinéma françaises. Reste à savoir si le film mérite (ou non...) de tels dithyrambes. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution de 120 Battements par Minute se compose de Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, Antoine Reinartz, Félix Maritaud, Mehdi Touré et Aloïse Sauvage. Attention, SPOILERS ! (1) Au début des années 1990, le Sida se propage depuis près de dix ans. Les militants d'Act Up-Paris s’activent pour lutter contre l'indifférence générale. Au cours des réunions hebdomadaires se décident les actions pour que soient mises en œuvre les trithérapies pour les malades atteints du sida, spécialement les « zaps » (irruption au siège du laboratoire pharmaceutique Melton Pharm, les die-in, les distributions de préservatifs et de brochures d'information dans les lycées.
Les scènes militantes alternent avec les scènes de fête dans lesquelles les militants dansent au son de la house. L'histoire débute au sein d'Act up autour de 1992 lorsque Nathan, un nouveau militant, y rencontre Sean, et est bouleversé par la radicalité de ce dernier, séropositif et qui consume ses dernières forces dans l'action. Sean est en conflit avec Thibault, qui privilégie l'expertise et la discussion avec les autorités et les laboratoires, à l'instar d'AIDES. Nathan tombe amoureux de Sean et se lance dans les actions coups de poing d'Act up (1). Indubitablement, nonobstant ses acrimonies contre l'indifférence générale de nos édiles politiques face au Sida et ses ravages, 120 Battements par Minute n'est pas seulement une oeuvre préventive et alarmiste, mais aussi un drame éminemment idéologique.
Ce n'est pas aléatoire si après le succès pharaonique du film, Act up, sous la pression d'autres mouvances politiques, s'est transmué en une nouvelle organisation.
Il n'est pas seulement question ici du Sida, de son inoculation, d'intolérance, d'ignorance et d'ostracisation, mais également de phénomènes transgenres (jamais abordés par le film par ailleurs, même en filigrane), de doxas imposées et régentées par LGBT, de prostitution, de paupérisation, de l'affaire du sang contaminé (hâtivement dissertée en filigrane...) et d'accoutumance à des substances pernicieuses et illicites (en particulier l'héroïne et la cocaïne consommées par injection, et donc par des seringues interchangeables). Indiscutablement, Robin Campillo est un auteur militant et engagé. En ce sens, 120 Battements par Minute s'apparente presque à une oeuvre autobiographique et mélancolique, tantôt teintée par quelques moments de grâce et d'espoir, tantôt nimbée par la contrition et le désoeuvrement inexorable. Robin Campillo dessine et griffonne ses propres traits via le faciès chagriné (et touchant) de Nathan.
Pourtant, au détour de ce long-métrage politique, souvent en forme de réquisitoire, c'est bien le personnage de Sean qui se dégage et porte ce film sur ses épaules graciles. Mais au-delà de ses slogans et de ses aphorismes, 120 Battements par Minute reste avant tout une ode à la vie, à ses tumultes, ses batailles, ses désappointements, ses incompréhensions et ses ravages. "Vivre intensément sa vie", déclame dogmatiquement le héros de l'histoire alors que ce dernier sait ses jours s'égrener, comme un train qui traverse les rails, la dernière station menant à la mort et à la déréliction terminale. Dès lors, l'intitulé du film, en mode tachycarde, prend tout son sens et sa sémiologie.
Le temps qu'il reste à Sean sera intégralement consacré à la lutte. Mais cette dernière ne concerne pas seulement cette guerre hélas futile contre le Sida, il s'agit aussi d'une lutte pour la vie. Ce qui compte, ce n'est pas l'issue, mais le combat. Bien des années plus tard, certains lobbys hégémoniques transmuteront cette lutte opiniâtre en un nouvel ordre, lui aussi autocratique, celui qui oscillera vers le mariage homosexuel, puis la GPA ; en attendant - un jour ou l'autre - la PMA. Impossible de ne pas songer à toutes ces batailles devant le visionnage de 120 Battements par Minute.
En outre, Robin Campillo n'a cure de ces combats subalternes, mais pourtant intrinsèques à la cause qu'il défend mordicus. Vétilleux et sincère, le metteur en scène préfère se focaliser sur sa galerie de protagonistes opiniâtres. Tous ces adulescents sont issus de la génération "X". Pour étayer son propos, le cinéaste décide de réaliser son film sous la forme d'un documentaire et confère à cette dramaturgie un réalisme édifiant.
Note : 16/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/120_battements_par_minute